La BCE entame un nouveau cycle monétaire, les embûches demeurent

AWP

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La période qui s’ouvre sera tout sauf tranquille pour les gardiens de l’euro, préviennent les économistes. Après quatre années de présidence ponctuées de crises, Christine Lagarde doit s’attendre à une seconde moitié de mandat sous le signe de l’instabilité.

A mi-parcours de son mandat à la tête de la Banque centrale européenne, Christine Lagarde peut se réjouir: l’inflation ralentit enfin après une série sans précédent de hausses des taux d’intérêt. Reste à faire atterrir les prix sans asphyxier l’économie.

A 2,9% sur un an en octobre, l’inflation en zone euro se rapproche enfin de l’objectif de 2% de la BCE, après avoir dépassé la barre des 10% il y a un an.

Une évolution à mettre à l’actif de la baisse des prix de l’énergie et du choc monétaire de la BCE qui a relevé à dix reprises ses taux directeurs depuis juillet 2022, finissant par s’accorder une pause la semaine dernière, en les laissant inchangés.

Mais la période qui s’ouvre sera tout sauf tranquille pour les gardiens de l’euro, préviennent les économistes. Après quatre années de présidence ponctuées de crises, Christine Lagarde doit s’attendre à une seconde moitié de mandat sous le signe de l’instabilité.

«Une nouvelle hausse très forte des prix du gaz et du pétrole qui retournerait l’inflation à la hausse» n’est pas à exclure, en lien avec le conflit entre Israël et le Hamas et les risques d’escalade régionale, prévient Eric Dor, directeur des études de l’IESEG School of Management.

Quelle serait alors la réponse de l’institution de Francfort au moment où l’économie de la zone euro est déjà très affaiblie ? Plusieurs pays, dont l’Allemagne, ont vu leur PIB se contracter au troisième trimestre.

Taux obligataires sous tension

La BCE serait face à un dilemme : «pratiquer une nouvelle fois l’attentisme», qu’on lui a reproché il y a deux ans lorsque les prix ont commencé à décoller en zone euro, ou bien «augmenter encore les taux, au risque de causer une forte récession, un crash immobilier et une vague de défauts sur des dettes privées ou publiques», résume l’expert.

Ajoutant à ces fragilités, les économistes s’attendent à ce que l’institution s’attelle à la réduction accélérée de la taille de son bilan, un changement de braquet jugé nécessaire pour porter l’estocade à l’inflation.

En d’autres termes: la BCE va arrêter d’agir en dernier recours pour aider les économies les plus vulnérables, avec le risque de renforcer le mouvement de hausse des taux des obligations d’Etat.

Des pays comme l’Italie ou la Grèce verraient alors leurs conditions de financement se dégrader et diverger encore plus fortement des pays jugés solides comme l’Allemagne.

Pour éviter de se voir ressurgir une nouvelle crise de la dette, la BCE a des munitions comme le programme d’urgence «PEPP» mis en place au début de la pandémie, et un programme d’achats d’obligations («Transmission Protection Instrument»), «pour poursuivre le combat contre l’inflation sans créer de tensions financières supplémentaires», explique Ludovic Subran, chef économiste d’Allianz.

Pour éviter que ce resserrement monétaire ne finisse par provoquer trop de dégâts sur l’économie, des voix se font de nouveau entendre pour remonter la cible d’inflation de la BCE à 3%.

Mais il est improbable que l’institution remette en cause cet objectif qu’elle a gravé dans le marbre il y a deux ans.

Audace

Le mandat de Christine Lagarde à la tête de la BCE se termine en octobre 2027. A son arrivée en novembre 2019, ses «talents de diplomatie (...) ont été très utiles» pour ressouder le conseil des gouverneurs, l’organe de décision de la BCE, divisé comme jamais à la fin du mandat de l’Italien Mario Draghi, estime Eric Dor.

Lorsque la pandémie de Covid-19 a éclaté, tous ont été d’accord sur la nécessité de soutenir le financement des entreprises et des ménages grâce à des aides monétaires ciblées mises en place par la BCE.

Mais la réaction de l’institution au retour spectaculaire de l’inflation, mi-2021, dans un contexte de reprise et de pénuries de nombreux composants, «est peut-être arrivée un peu trop tard», selon Mme Köhler-Geib.

Mme Lagarde expliquait alors que le phénomène était temporaire et que la BCE devait d’abord en terminer avec ses achats de dettes publiques, avant d’augmenter les taux d’intérêt.

«J’aurais dû être plus audacieuse», a reconnu la Française la semaine dernière dans le Financial Times.

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