L’inversion des courbes s’amplifie

Axel Botte, Ostrum AM

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Le tournant monétaire restrictif se précise.

La Banque d’Angleterre (BoE) a augmenté ses taux de 50pb au-delà des anticipations du marché. La Banque de Norvège l’a imitée, rejoignant ainsi le mouvement initié par la Banque de Réserve Australienne, puis relayé par la Fed et la Banque Centrale Européenne. Ces hausses ont encore accentué le degré d’inversion des courbes de taux avant que les indices des directeurs d’achat (PMI) faibles en zone euro ne déclenchent de nouveaux rachats sur les obligations. La faible volatilité des actions reste une énigme, d’autant que les prises de profits s’observent sur la plupart des marchés d’actifs risqués. Les actions européennes s’inscrivent en nette baisse de 3% sur une semaine, les marchés américains et asiatiques perdant entre 2% et 4%. Les prises de profits concernent également le Nikkei, malgré la poursuite de la baisse du yen. Le dollar-yen passe le seuil de 143 avec, dans la ligne de mire, le point haut d’octobre dernier à 150. De manière générale, le dollar fait figure de valeur refuge cette semaine, même si les marchés n’intègrent pas tout à fait l’ampleur du resserrement indiqué par la Fed.

Une sphère manufacturière moribonde

Sur le plan conjoncturel, le secteur du logement semble confirmer son redressement aux États-Unis. La confiance des promoteurs est en hausse à 55 (NAHB en juin). Les transactions ne progressent cependant que timidement à 4,3 millions en rythme annuel, en raison du manque d’inventaires. Il existe toujours un déficit de logements aux États-Unis de l’ordre de 2 à 3 millions. Les mises en chantier remontent cependant au-delà de 1,6 million en mai, ce qui constitue un signal favorable pour la seconde moitié de l’année. L’investissement résidentiel devrait être un facteur de croissance sur les six prochains mois. En zone euro, les enquêtes PMI ont plongé en juin. Le PMI composite ressort en baisse de 2,5 points à 50,8. La sphère manufacturière est moribonde et cela transparaît dans la plupart des enquêtes, tant en Europe qu’en Asie ou aux États-Unis. Ces indices PMI préliminaires semblent néanmoins contredire les conclusions de l’INSEE au sujet de la France, ou de l’IFO dans le cas de l’Allemagne. Par ailleurs, les révisions relatives à la croissance du premier trimestre sont favorables en Espagne (+0,1pp à +0,6%), ainsi qu’aux Pays-Bas (+0,4pp à -0,3%).  En Chine, les signaux conjoncturels restent négatifs et la Banque Populaire de Chine poursuit son allègement monétaire. Le taux de base à 5 ans a été abaissé de 10pb à 4,20%. Le yuan continue de s’ajuster, en raison du malaise conjoncturel interne et de la faiblesse du yen.

Sur le marché du crédit, l’activité primaire sur le segment des financières reste significative.

La tendance principale sur les marchés de taux reste l’aplatissement, ou plutôt l’accentuation de l’inversion des courbes qui approche des niveaux historiques. Le spread 2- 10 ans aux États-Unis s’échange sous les -100pb, alors même que le marché n’intègre pas encore totalement les 50pb de resserrement supplémentaire inscrits dans les dernières projections de la Fed. Le 2-10 ans allemand se situe à -76pb. Les rachats de 10 ans, suite à la publication des PMI vendredi matin, ont toutefois réécarté les spreads 10-30 ans. La violence du mouvement témoigne peut-être de la liquidation de positions de pentification, même si une partie de celles-ci avait sans doute été débouclée après les annonces des Banques centrales. Les seuils de 3,80% et 2,50% sur le T-note et le Bund restent toutefois difficiles à franchir dans ce contexte, du fait de l’ancrage des anticipations d’inflation à long terme autour de 2,50%. La hausse de 50pb de la BoE et les perspectives de taux courts à 6% ont été balayées par la publication des PMI européens vendredi. Le ralentissement des ventes de Gilts sur le marché à 7 milliards de livres au troisième trimestre a constitué un soutien supplémentaire au marché britannique.

Concernant les spreads souverains européens, les excès des dernières semaines ont motivé des prises de profits. L’OAT traite à 53pb du Bund à 10 ans et son équivalent italien revient au-dessus de 160pb. Seule la dette grecque (126pb) reste épargnée par ces dégagements. Les swap spreads s’élargissent de nouveau. Le Schatz cote autour de 74pb.

Sur le marché du crédit, l’activité primaire sur le segment des financières reste significative. Les spreads (161pb contre Bund) se sont légèrement écartés, alors que les intervenants intègrent déjà la fin de l’exercice trimestriel et la prochaine période blanche en amont des publications de résultats. Les assureurs augmentent aussi leurs intérêts acheteurs sur le crédit, afin de capter des rendements de l’ordre de 4% sur le crédit de bonne qualité. Des avertissements sur les bénéfices fleurissent notamment dans la chimie. Le marché du high yield respire également après un mois de resserrement significatif. Les spreads s’inscrivent encore en baisse d’environ 40pb en juin, malgré les dernières prises de profit. Parallèlement, les rachats de protection portent le spread du Crossover vers 415pb.

Les marchés d’actions sont unanimement orientés à la baisse de 2% à 4%.  Le signal d’achat après SVB et l’intervention de la Fed touche à sa fin, à mesure que les Banques centrales redoublent d’effort pour juguler l’inflation. Le fléchissement des marges dans certains secteurs est à surveiller à l’aube de la saison des résultats. Même les banques dévissent. Dans ce contexte, le dollar retrouve son statut de valeur refuge.

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