L’indépendantisme qui coule une économie prospère

François Meylan, Meylan Finance

2 minutes de lecture

La détérioration de l’économie catalane est déjà visible alors que personne n'a encore pu expliquer le programme politique indépendantiste.

 

Alors qu’on nous sert quotidiennement les épisodes du roman-feuilleton «Carles Puigdemont et ses pérégrinations», on omet une réalité bien moins polémique mais ô combien douloureuse. C’est celle du coût exorbitant du séparatisme catalan. L’argent est frileux. L’incertitude juridique ou l’incertitude politique ne sont pas propices à l’économie. Les sanctions ne se sont pas faites attendre dans la région autonome espagnole de Catalogne. L’investissement direct recule. Les entreprises partent.

déjà 828 millions d’euros en un an…

Jeudi 15 mars, l’association unioniste Société civile catalane (SCC) a publié, aux côtés du groupe de réflexion Civismo, une étude sur le coût économique du mouvement séparatiste catalan pour l’ensemble de l’Espagne et pour la communauté autonome en particulier. Si personne ne contredira que le séparatisme est une très mauvaise affaire pour les Catalans qui subissent les contrecoups économiques de l’antagonisme, il est encore plus utile de le quantifier. Selon le rapport susnommé, rien que pour l’année passée – celle de la tenue du référendum illégal du 1er octobre, la facture du processus sécessionniste avoisinerait les 828 millions d’euros – estimation très proche de celle faite par l’ancien ministre espagnol de l’Économie, de l’Industrie et de Compétitivité, Luis de Guindos, à l’époque.

«Cette population de 7,5 millions d’âmes présente
deux fronts que plus rien ne semble réconcilier.»
…et plus de 18 milliards d’euros depuis 2004

L’écrivain, hispanisant et professeur d’espagnol Nicolas Klein, que j’ai personnellement contacté, ajoute: «Toutefois, la SCC et Civismo ont cherché à aller plus loin en prenant en compte tous les dégâts économiques causés par le mouvement indépendantiste depuis 2004, année durant laquelle les dirigeants de la Généralité de Catalogne ont commencé à parler d’un nouveau statut d’autonomie. Leur estimation conjointe s’élève alors à 18,535 milliards d’euros !»

Renoncer à l’espagnol, c’est aussi se couper des marchés hispanophones

En février dernier, j’étais reçu, au Parlement à Bruxelles, par quelques eurodéputés pour débattre de la crise catalane. Parce qu’on ne le répétera jamais assez: c’est bien une crise catalane, avant toute chose. Tant cette population de 7,5 millions d’âmes présente aujourd’hui deux fronts que plus rien ne semble réconcilier. Le député européen Enrique Calvet Chambon, espagnol et catalan non indépendantiste, m’explique l’une des raisons du déclin économique de sa région: «Les indépendantistes se sont évertués à supprimer l’enseignement de l’espagnol à l’école alors que cet idiome reste majoritaire au sein des foyers dans l’autonomie. On estime à 55% la population catalane qui a l’espagnol comme langue maternelle. Vous imaginez comment ils se coupent de toute la zone économique hispanophone dans le monde, en particulier les marchés qu’on nomme Latam (ndlr: Amérique latine) et de la culture qui va avec?» On se rappelle que dans les années nonante, quand il a été accordé que le catalan soit la langue de référence à l’école, il a été prescrit que quelque 25% des cours soient dispensés en espagnol. Aujourd’hui, il n’en est rien. Des familles doivent déménager de quartier pour trouver un établissement qui enseigne encore un minimum la langue de Cervantes. Pour les plus aisés, c’est la scolarisation en établissement privé, moyennant le coût de l’écolage estimé à quelque peu 10’000 euros par an.

«On dénombre déjà un millier de sièges fiscaux
qui sont allés sous des cieux plus sereins.»
La Catalogne dispose depuis longtemps d’avantages compétitifs clés

Pourtant, les gouvernements successifs installés à Madrid – y compris le dictateur Francisco Franco – ont toujours favorisé les avantages compétitifs clés de la Catalogne et souvent au détriment des autres régions autonomes. À en croire les indépendantistes, ils préfèrent se diriger vers le chaos économique à la prospérité du vivre ensemble. Sous la dictature franquiste, Barcelone bénéficiait de son comptoir international alors que Madrid a dû attendre les années 1980 pour avoir le sien. Tout a été fait, jadis, pour l’autonomie catalane et son ouverture sur le monde par le biais de son port marchand qu’est la ville de Gaudi soit favorisée et encouragée sur un maximum de pans économiques. Ceci bien entendu pour le bénéfice de tous.

Deux banques catalanes ont déjà déplacé leur siège dans la région de Valencia

À présent, le siège des deux plus grandes banques catalanes CaixaBank et Sabadell sont parties s’installer dans la région autonome voisine de Valencia. Elles rejoignent ainsi les quelques milliers d’entreprises qui ont déjà fui depuis l’été 2017. Et il n’est pas question que de sièges sociaux. On dénombre déjà un millier de sièges fiscaux qui sont allés sous des cieux plus sereins. Reste à savoir si cette fermeture sur soi et toute cette politique politicienne, avec les dangereux dérapages qui l’accompagnent, en valent vraiment le coup. Personne n’a encore pu expliquer le programme politique indépendantiste. Par contre, la détérioration économique, elle, on la voit.

A lire aussi...