L’aviation à l’aube d’une ère durable

Emmanuel Garessus

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L’avion de demain sera durable. Les opportunités d’investissement dans ce que Pictet nomme un megatrend émergent déjà.

Après la crise du covid qui a pratiquement mis le transport aérien à l’arrêt (chute de 60% du nombre de passagers en 2020), l’industrie est en train de rebondir. Mais le redémarrage est difficile et compliqué. La branche se doit de répondre au défi climatique par l’innovation technologique au moment où les pressions politiques se multiplient, à travers des projets de taxes ou même parfois les propositions d’interdiction, par exemple pour les vols à courte distance. L’industrie de l’aviation n’attend pas l’évolution du débat politique pour investir massivement dans l’avion propre, comme l’a montré le séminaire organisé par Pictet Asset Management jeudi dernier.

«Les nouvelles technologies créent une formidable opportunité d’investissement. Le moteur électrique est en effet plus efficient et nécessite nettement moins de maintenance», affirme Andre Borschberg, cofondateur et président exécutif de H55, après avoir été CEO de Solar Impulse. Le chemin vers l’avion électrique suit la voie tracée par la voiture électrique. L’effort de décarbonation conduira à de fortes adaptations des modèles existants et à leur remplacement progressif. Les nouveaux modèles nécessiteront toutefois beaucoup d’énergie pour les produire. L’important consiste à réduire les émissions de CO2 de l’ensemble de la chaîne de valeur, ajoute-t-il.

Les ingénieurs multiplient les initiatives pour rendre l’avion plus propre. Le secteur, qui est responsable de 2,56% des émissions de CO2, entend atteindre le zéro émission nette en 2050. Les biocarburants, les moteurs à hydrogène, les nouveaux matériaux, l’avion électrique, plus propre et moins bruyant, de nouveaux types et formats d’avions sont au menu des chercheurs ainsi que de nouveaux appareils. «Il n’y aura pas qu’une solution à s’imposer», estime Andre Borschberg. Les progrès sont perceptibles dès aujourd’hui. Les derniers modèles d’Airbus A350 consomment par exemple 25% de moins que leurs prédécesseurs.

L’hydrogène est une piste clé. Mais le défi consiste à faire entrer l’hydrogène liquide, quatre fois plus volumineux que le kérosène pour une quantité d’énergie donnée, dans les avions.

Les initiatives abondent. «Il ne faut pas sous-estimer l’ambition de l’industrie à décarboner. Les pistes concernent absolument toutes les parties de la chaîne de valeur», indique Matheu Parr, directeur commercial auprès de Rolls Royce Electrical. Les autorités politiques participent à la transformation verte mais les attentes de l’industrie à leur égard portent avant tout sur la réglementation, ajoute-t-il.

Le changement de carburant est une voie prometteuse. Selon l’IATA, les fuels alternatifs permettraient de réduire l’empreinte carbone de 80% par rapport au kérosène. Le défi consiste ici à empêcher que les biocarburants ne concurrencent les usages alimentaires et soient le fruit des déchets agricoles. L’hydrogène est une piste clé. Mais le défi consiste à faire entrer l’hydrogène liquide, quatre fois plus volumineux que le kérosène pour une quantité d’énergie donnée, dans les avions, selon un dossier du magazine Geo. Airbus a annoncé l’arrivée d’un avion à hydrogène en 2035. L’adaptation des infrastructures est également un sujet majeur, par exemple lorsqu’il s’agira, pour les aéroports, d’acheminer et de stocker de l’hydrogène à des températures extrêmement basses, puis de les amener dans les avions. «Le moment de l’arrivée d’une solution avec hydrogène est matière à discussion, mais les progrès sont clairs», avance Matheu Parr.

L’investisseur respectueux des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG)  soutient cette mutation. L’activisme est toutefois moins présent que dans d’autres industries, par exemple que dans l’énergie, avance Christian Roessing, co-gérant du fonds Clean Energy Fund. Le gérant adopte pour l’aviation les mêmes critères ESG qu’aux autres branches dans ses décisions d’investissement. La part de la valeur d’entreprise liée à la transition énergétique est un élément d’analyse essentiel. Le regard du gérant est toutefois dynamique. Il s’agit de considérer la part des affaires qui aujourd’hui répond aux critères durables ainsi que la proportion des investissements alloués à l’aviation propre, selon Christian Roessing.

Un sondage auprès des participants au séminaire de Pictet Asset Management se révèle très encourageant. Le thème de l’aviation propre semble intéressant dès maintenant. «J’en suis très heureux, mais il est certain que les progrès se feront pas à pas et doivent être considérés à l’aune de l’ensemble de la chaîne de valeur, de la production de l’énergie à la maintenance des appareils. L’avion électrique est certes plus cher mais, à travers la diminution du coût énergétique et des besoins de maintenance, le calcul est favorable, selon Andre Borschberg.

Les risques de l’investissement dans l’aviation restent tout de même nombreux. L’investissement dans le risque crédit de ce secteur offre de meilleures perspectives que celui en actions, car il n’est pas aisé pour une entreprise de cette branche d’activité de présenter un rendement des fonds propres supérieur au coût du capital. Les sociétés sont par ailleurs souvent concurrencées par des groupes étatiques et l’avenir de la réglementation est encore incertain, selon Christian Roessing. Des niches du marché sont toutefois attractives.

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