L’Amérique à toute vapeur

Valérie Plagnol, Vision & Perspectives

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La politique de relance du président Trump lui permettra-t-elle de s’affranchir du cycle économique et de briller aux élections de mi-mandat?

Même perturbées par le passage de l’ouragan Florence, les statistiques d’activité et d’emploi continuent de souligner la forte expansion de l’économie américaine. Ainsi, en septembre le taux de chômage est tombé à 3,7%, son niveau le plus bas depuis … 1969. Si l’on écarte les aléas climatiques, les créations mensuelles d’emplois continuent de progresser à un rythme moyen à peine inférieur à 200’000 personnes. Cependant, le taux de participation à la population active se stabilise juste sous le seuil de 63%, c’est-à-dire bien en-dessous des niveaux d’avant-crise (autour de 66%). 

Les indicateurs d’activité confirment cette dynamique: l’indice de confiance des directeurs d’achats du mois de septembre progresse à nouveau et reflète un regain d’activité dans le secteur manufacturier et la construction. Du côté des services, le rebond de septembre est encore plus remarquable et propulse l’indice à un niveau supérieur au pic du précédent cycle de croissance d’août 2005. La surchauffe menacerait même, au vu de l’allongement croissant des délais de livraison. 

L’Amérique caracole en tête, alors que les indices de confiance
des autres grandes zones économiques se tassent.

L’économie américaine continue de progresser à un rythme bien supérieur à sa moyenne de long terme. Au troisième trimestre, le PIB devrait avoir encore avancé de près de 4% (suivant les estimations de la Réserve fédérale d’Atlanta), après 4,2% au printemps, soit pour l’ensemble de l’année une croissance attendue à 3% contre 2,3% en 2017.

Cette accélération semble idéale: l’indice de prix à la consommation total, comme l’indice sous-jacent (hors alimentation et énergie), certes désormais au-dessus des 2%, se stabilisent, grâce notamment au ralentissement de la hausse des prix du pétrole, à l’appréciation du dollar et à une moindre pression sur les prix des services.

L’Amérique caracole en tête, alors que les indices de confiance des autres grandes zones économiques se tassent. Et cela se reflète dans la surperformance de la bourse de New York, mais aussi dans l’écart historique entre les taux d’intérêt américains et européens. Le spread des taux à 10 ans Etats-Unis / zone euro est à plus de 260 point de base, du jamais vu de mémoire de trader. Le dollar se renforce contre toutes devises: depuis avril dernier, l’indice dollar (pondéré des principales devises du monde) s’est apprécié de près de 6%. 

A un mois des élections de mi-mandat, l’optimisme des ménages que soulignent les enquêtes de conjoncture devrait peser en faveur des républicains. On le sait, les électeurs votent aussi avec leur porte-monnaie. 

Tout risque de ralentissement est combattu
par une nouvelle phase de relance fiscale.

De ce point de vue, on peut s’inquiéter du coût de de cette politique économique: une relance de type neo-keynesienne, fondée sur les baisses d’impôts et les dépenses militaires, accroît considérablement les déficits publics. Selon le CBO1, le déficit budgétaire devrait approcher les 850 milliards de dollars dès cette année, une augmentation de plus de 200 milliards du fait des mesures votées l’an passé. De plus, la dette du pays atteint d’ores et déjà son niveau le plus élevé depuis la fin de la guerre et pourrait, à politique inchangée, continuer de progresser dans les années à venir. Faute de soutien supplémentaire la croissance devrait commencer à se réduire dès l’an prochain. 

Les risques d’une politique budgétaire expansionniste sont bien connus: augmentation du coût de la dette, moindre marge de manœuvre en cas de retournement conjoncturel, affaiblissement de la productivité globale de l’économie par la baisse de l’épargne totale. Enfin, risque de désaffection des investisseurs et de remontée brutale des rendements. 

Pourtant, la fuite en avant est à craindre. Tout risque de ralentissement est combattu par une nouvelle phase de relance fiscale (par la baisse des impôts du côté républicain, par l’augmentation des dépenses du côté démocrate). Celle-ci toujours financée à crédit s’épuise… Et ainsi de suite, jusqu’à ce que le niveau de la dette finisse par faire perdre confiance aux investisseurs extérieurs, qui, ayant vu par ailleurs, leur accès commercial au marché américain se réduire, accumulent moins de réserves de change pour la financer. 

Les plus modestes seront alors doublement pénalisés: par l’inflation qui rogne le pouvoir d’achat et par la hausse des taux d’intérêt hypothécaires qui renchérit le coût de l’immobilier. En attendant, le crédit économique du président Trump apparaît encore assez solide tandis que le débat partisan s’est déplacé sur les questions de société. 

 

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