IPO en Suisse: peu nombreuses mais réussies

Yves Hulmann

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Les cinq nouvelles sociétés cotées sur la SIX ont terminé l'année 2021 en hausse. Le bilan est plus contrasté pour les huit IPO de firmes suisses réalisées à l’étranger.

La qualité plutôt que la quantité. Jusqu’au milieu de l’an dernier, nombre d’experts anticipaient quelque dix entrées en bourse à la SIX pour l’ensemble de 2021. Au final, seules cinq entreprises ont effectué leurs premiers pas à la SIX Swiss Exchange à Zurich – soit, successivement, PolyPeptide, Montana Aerospace, medmix, SKAN Group et VT5 –, à quoi s’est ajoutée la cotation de Kursaal Casino à la bourse bernoise BX Swiss. A l’exception de cette dernière, toutes ont terminé l’année sur une note positive, avec des performances toutefois très contrastées.

Profil gagnant: des sociétés établies avec un modèle d’affaires éprouvé

Première à franchir le pas cette année fin avril, le fournisseur de composants pour l’industrie pharmaceutique PolyPeptide, dont la création remonte aux années 1950 en Suède, est l’entreprise qui a levé à la fois le plus de fonds (848 millions de francs) l’an dernier en Suisse et dont l’action a aussi affiché la meilleure performance depuis son IPO, profitant de presque huit mois de marchés haussiers. Clôturant à 137 francs le 30 décembre, l’action de PolyPeptide a plus que doublé par rapport à son prix d’émission de 64 francs.

Côté depuis fin octobre sur SIX, Skan Group, un fournisseur d’équipements pour les entreprises pharmaceutiques, a réalisé la deuxième meilleure performance parmi les cinq nouveaux venus de la cote en 2021. L’opération, qui a permis à la société basée à Allschwil (Bâle-Campagne) de lever 270 millions de francs, a aussi profité à ses actionnaires: à fin décembre, le titre affichait une hausse de 64% par rapport à son prix d’émission.

 L’opération la plus importante a été réalisée par Sophia Genetics qui a levé 243 millions de dollars au Nasdaq.

Troisième meilleure performance parmi les IPO de 2021, l’action de Montana Aerospace s’est appréciée de 32% par rapport à son prix d’émission de 25,05 francs lors de son entrée en bourse en mai dernier. L’opération a permis au fournisseur d’équipements pour l’aviation basée à Reinach (Bâle-Campagne) de lever 506 millions de francs. Quatrième IPO classique sur SIX, l’action de medmix, une société spécialisée dans les dispositifs d'injection de haute précision issue du groupe industriel zurichois Sulzer, a, elle, terminé l’année sur une note tout juste positive par rapport au prix d’émission de 45 francs lors de son entrée en bourse fin septembre.

Bilan contrasté pour les sportives

La SIX Swiss Exchange n’a plus le monopole des cotations des sociétés suisses qui souhaitent effectuer une entrée en bourse. En 2021, elles ont même été plus nombreuses à faire leurs premiers pas sur une place boursière à l’étranger. C’est le cas notamment des entreprises actives dans le domaine du sport On Running et Sportradar qui ont opté pour les Etats-Unis.

Le fabricant de chaussures On est parvenu à lever 858 millions de dollars à New York. Après un bond spectaculaire lors de sa première séance à la mi-septembre, marquée par un gain de plus de 50% par rapport à son prix d’émission de 24 dollars, l’action de On a ensuite cédé à nouveau une large partie de ses gains, avant de reprendre graduellement son ascension. A 37,8 dollars, le titre a clôturé l’année sur un gain de 58% par rapport à son prix d’émission. S’agissant de Sportradar, l’opération a permis à la société saint-galloise spécialisée dans l’agrégation de données sportives de lever 513 millions de dollars. A fin décembre, le titre avait toutefois perdu près d’un tiers de sa valeur par rapport à son prix d’émission de 27 dollars.

Les biotech suisses préfèrent le Nasdaq – avec un succès relatif

Les autres sociétés suisses qui ont opté pour une cotation à l’étranger sont pratiquement toutes issues du secteur des sciences de la vie. L’opération la plus importante a été réalisée par Sophia Genetics qui a levé 243 millions de dollars au Nasdaq. Située à 14,1 dollars fin décembre, l’action de la société biotech basée à Lausanne et Boston valait un quart de moins que son prix d’émission de 18 dollars lors de son IPO sur le Nasdaq à la mi-juillet.

La double cotation entamée par Molecular Partners sur le Nasdaq n’a, elle, pas véritablement profité à ses actionnaires, même si l’opération a permis à la société zurichoise, déjà cotée à la SIX, de lever 64 millions de dollars. Fin décembre, l’action évoluait ainsi en baisse de 9% par rapport à son prix d’émission de 21,25 dollars. S’y ajoutent aussi les sociétés VectivBio (147 millions de dollars) et NLS Pharmaceuticals (23 millions), dont les actions ont clôturé l’année en forte baisse par rapport à leur prix d’émission.

Débuts sans accroc pour VT5, première SPAC en Suisse

Outre la concurrence des places boursières étrangères, les introductions en bourse classique doivent désormais aussi compter avec la rivalité des SPAC («Special Purpose Acquisition Company), ou sociétés d’acquisition à vocation spécifique. Après avoir levé des fonds auprès des investisseurs, ces structures cherchent ensuite des objets d’acquisitions correspondant au profil défini par la SPAC. Depuis deux ans, ces sociétés ont connu un boom phénoménal aux Etats-Unis où le nombre de nouvelles cotations sous forme de SPAC dépassait l’an dernier, après onze mois, celui des entrées en bourse classiques. A la mi-décembre, le nombre de nouvelles cotations en bourse – SPAC et IPO classiques réunies – avoisinait les 750 transactions, se rapprochant ainsi du record de nouvelles cotations en bourse qui remonte à 1996.

En tout, on peut s’attendre à ce qu’une demi-douzaine de sociétés entrent en bourse en 2022, estimaient fin décembre des experts de la Banque cantonale de Zurich (ZKB).

En Suisse, une seule société de ce type, la VT5 Acquisition Company, est cotée sur la SIX depuis le 15 décembre. Une opération réussie mais sans euphorie: après deux semaines de cotation, le titre de VT5 a terminé la dernière séance de l’année à 10,5 francs, en hausse de 5% par rapport au prix d’émission 10 francs. La première SPAC de Suisse peut ainsi compter sur un volume de placement de 200 millions de francs. Présidée par Heinz Kundert, une figure bien connue de l’industrie en Suisse alémanique qui avait notamment dirigé des groupes comme VAT Group et Unaxis et qui est aussi président de Comet, VT5 se donne pour objectif d’acquérir une ou plusieurs entreprises opérationnelles dont les activités sont par exemple en lien avec des domaines tels que les semi-conducteurs, l’automatisation ou l’énergie.

Les reports de l’automne, de futurs candidats pour 2022?

Que faut-il attendre pour 2022? Si aucune société n’a jusqu’ici annoncé son intention d’entrer en bourse au cours du premier trimestre, les candidats potentiels ne manquent pas. Parmi ceux-ci, on retrouve des sociétés issues du secteur des sciences de la vie, à l’instar de Code-Pharma, un groupe basé aux Pays-Bas avec des activités de recherche et développement en Israël, qui avait indiqué fin novembre évaluer la possibilité d’effectuer une double cotation, en Suisse sur la SIX et aux Etats-Unis sur le Nasdaq sous forme de cotation secondaire. S’y ajoute l’entreprise allemande Xlife, cotée à la bourse de Munich, qui a indiqué à la mi-novembre «examiner» un transfert de sa cotation à la SIX Swiss Exchange durant le premier trimestre.

S’y ajoutent d’autres projets d’entrée en bourse, initialement attendus en seconde moitié de 2021, mais qui n’ont finalement pas été concrétisés. C’est le cas, notamment de Chronext, une plateforme de vente en ligne de montres de luxe, dont l’IPO était attendue pour au cours du quatrième trimestre, mais qui n’a finalement pas franchi le pas en 2021. Même situation pour Brusa Hypower, une société basée à Schwyz spécialisée dans les convertisseurs pour véhicules électriques, dont l’entrée en bourse était escomptée pour le mois d’octobre. S’agissant des opérations de plus grande envergure, l’IPO de Salt, évoquée pour l’automne, avait finalement été suspendue à la fin du mois septembre dernier. De même, le groupe de logistique Swiss Post Solutions, dont l’entrée en bourse avait aussi été anticipée pour l’automne dernier, a renoncé à son projet de cotation.  

Une demi-douzaine d’IPO attendues en 2022

En tout, on peut s’attendre à ce qu’une demi-douzaine de sociétés entrent en bourse en 2022, estimaient fin décembre des experts de la Banque cantonale de Zurich (ZKB), cités par l’agence AWP. Outre les projets d’IPO de petites et moyennes entreprises, les marchés scruteront avec attention les éventuelles cotations d’entités appartenant à des grands groupes, à l’exemple de l’unité spécialisée dans la mobilité électrique du groupe ABB, qui pourraient être placée en bourse séparément. Autre décision très attendue: Novartis devrait se prononcer cette année sur l’avenir de sa division Sandoz. L’unité spécialisée dans les génériques et biosimilaires, qui fait l’objet d’un «examen d’options stratégiques» de la part du groupe bâlois, pourrait être cotée en bourse séparément, à la manière d’Alcon en 2019.

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