IPO, c’est reparti

Yves Hulmann

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Polypeptide fera ses débuts à la bourse suisse jeudi. Montana Aerospace et BV Holding prévoient aussi d’être cotés à la SIX.

Depuis juin 2020, le calme plat régnait en matière d’entrées en bourse en Suisse – au contraire du marché mondial des IPO qui a, lui, connu un premier trimestre 2021 très animé. La dernière IPO d’une entreprise à la bourse suisse SIX remonte en effet à l’été dernier, lorsque le fabricant de machines à laver et d’équipements de cuisines V-Zug, filiale de Metall Zug, a fait ses premiers pas à la bourse suisse.

Depuis la mi-avril, les choses se sont accélérées. Pas moins de trois sociétés suisses ont annoncé leur intention d’effectuer leur entrée en bourse («IPO») cette année. Jeudi, le groupe suédois Polypeptide ouvrira les feux à la bourse suisse SIX. Le fournisseur de composants pour l’industrie pharmaceutique - deuxième acteur mondial du domaine des peptides et concurrent de la société bâloise Bachem notamment - proposera un prix d’émission compris entre 62,5 et 65 francs, comme il l’a précisé mardi, après avoir initialement évoqué une fourchette plus large de 57 à 68 francs une semaine plus tôt. Avec la nouvelle fourchette, l’offre totale de titres placés sur le marché s’élèvera entre 13,2 et 13,4 millions d’actions, représentant une valeur pouvant avoisiner les 900 millions de francs si l’option de surallocation est exercée. L’introduction en bourse devrait permettre à Polypeptide, qui emploie plus de 900 collaborateurs, d’obtenir des recettes brutes de l’ordre de 200 millions de francs, destinées à être investies dans le développement des activités de la société et le soutien de sa croissance tant de manière organique que par acquisition.

Montana Aerospace et BV Holding aussi sur les rangs.

Deux jours après que Polypeptide ait dévoilé les contours de son projet d’entrée en bourse à la SIX, Montana Aerospace a annoncé vendredi dernier à son tour son projet de cotation à la bourse suisse, avec l’objectif de lever quelque 400 millions d’euros bruts. La filiale du groupe industriel Montana Tech Components prévoit d’utiliser ce montant pour des projets de croissance organique et des acquisitions. A l’instar de V-Zug, dont 30% du capital était restée aux mains de son propriétaire initial Metall Zug, la maison-mère Montana Tech Components entend rester l’actionnaire principal de sa filiale, comme elle l’a fait aussi pour ses autres participations dans Varta et Aluflexpack. Basée à Reinach, Montana Aerospace, qui est spécialisée dans les secteurs de l’aéronautique et de l’automobile, emploie quelque 4800 personnes à travers le monde et a réalisé un chiffre d’affaires net de 614 millions d’euros en 2020.

Enfin, mardi, cela a été au tour de la société d’investissement BV Holding d’annoncer une restructuration en profondeur de ses activités, avec à la clé l’introduction en bourse à la SIX de sa participation dans Skan, une société spécialisée dans la conception de salles blanches. L’opération, d’un volume non précisé, est prévue «d’ici la fin de l’année». Elle s’inscrira dans le contexte de la cession par BV Holding de sa participation dans le fabricant de dispositifs ophtalmiques Ziemer à la famille de ses fondateurs.

Forte activité au premier trimestre à l’international

L’annonce de trois nouvelles cotations en bourse en Suisse depuis le début du deuxième trimestre peut surprendre à priori. En comparaison internationale, la place boursière helvétique ne fait qu’emboîter le pas à un marché mondial des IPO «en excellente forme» durant le premier trimestre 2021, comme l’indique le dernier baromètre des IPO d’EY. Selon la société de conseil, le volume mondial des émissions a plus que triplé au premier trimestre 2021 par rapport à la même période de l’an dernier pour atteindre 91,8 milliards de dollars, tandis que le nombre des IPO a, lui, augmenté de 68% à un total de 391 entreprises. La reprise a été encore plus forte en Europe: en comparaison annuelle, le nombre d’introductions en bourse sur le Vieux Continent a augmenté de 240%, passant de 20 à 68 nouvelles cotations, tandis que le volume des émissions a grimpé à 20,1 milliards de dollars, contre seulement 1,2 milliard à la même période un an plus tôt.

Pas plus tard que mardi, le géant industriel helvético-suédois ABB a indiqué envisager une cotation séparée de sa division de l’électro-mobilité (E-Mobility), comme l’a laissé entendre son directeur Björn Rosengren lors de la présentation des résultats.

Tech et santé dominent à l’international

D’un point de vue sectoriel, les entreprises technologiques et médicales ont dominé les introductions en bourse au premier trimestre sur le plan mondial. Les sociétés du premier secteur ont représenté un quart des nouvelles émissions (et 41% du volume d’émissions mondiales), celle du second secteur près d’un cinquième du nombre de transactions (et 13% du volume d’émissions).

A l’occasion de la publication fin mars du baromètre consacré aux IPO d’EY, Tobias Meyer, responsable Transaction Accounting et IPO Services chez EY Suisse, déclarait déjà s’attendre à d’autres introductions en bourse cette année en Suisse, notamment d’entreprises travaillant dans les secteurs de la technologie, de la santé et de sociétés issues du domaine des énergies renouvelables.

Des petites sociétés pharma suisses optent pour le Nasdaq plutôt que la SIX.

Si la SIX, l’exploitant de la bourse suisse, peut se réjouir des entrées en bourse d’au moins trois sociétés cette année, certaines firmes helvétiques, notamment pharmaceutiques, ont préféré se tourner vers les Etats-Unis pour lever des fonds. Ainsi, la petite société Gain Therapeutics basée à Lugano a effectué ses débuts au Nasdaq fin mars, levant plus de 45 millions de dollars. Un peu plus tôt, fin janvier, l’entreprise pharmaceutique nidwaldienne NLS Pharceutics a aussi récolté quelque 20 millions de dollars. L’entreprise basée à Stans, fondée par un ancien cadre de Vifor, cherche à développer de nouvelles indications pour Mazindol, un médicament développé par Sandoz dans les années soixante. Enfin, à la fin de l’année dernière, la société zurichoise HeiQ, qui fabrique notamment des textiles spéciaux et des masques hygiéniques, avait opté pour une cotation à la bourse de Londres.

Se précipiter n’est pas toujours nécessaire

En termes d’investissement, les trois sociétés qui ont annoncé leur intention d’être cotées à la bourse suisse depuis la mi-avril sont toutes des sociétés très matures. De plus, leurs projets d’introduction en bourse s’inscrivent dans un contexte de reprise économique attendu pour la sortie de la pandémie. Malgré tout, pour les investisseurs individuels qui n’ont pas la possibilité d’obtenir des titres dans le cadre du processus d’allocation initial, chaque entrée en bourse comporte sa part de risque.

Plusieurs titres d’entreprises établies ont connu un passage à vide en bourse, même après un coup d’envoi réussi lors de leur première journée de leur cotation. A titre d’exemple, l’action de Stadler Rail s’était envolée de plus de 13% par rapport à son prix d’émission lors de sa première journée de cotation en avril 2019, avant d’évoluer ensuite en légère baisse durant plus d’un mois. Fin juin dernier, l’action de V-Zug avait aussi clôturé sa première journée de cotation sur un gain de plus de 8% par rapport à son prix d’émission de 72 francs. Le titre a ensuite évolué en léger recul jusqu’en novembre dernier, avant de parvenir à entamer un nouveau mouvement de hausse.

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