Pour Dominik Poiger, expert en cryptomonnaies chez VanEck, les «mineurs» se tourneront vers les énergies les plus efficientes.
Après un passage à vide en 2019 et au début de 2020, le cours du Bitcoin n’a cessé de s’apprécier depuis l’automne dernier. Rien que depuis janvier, le cours de cette cryptomonnaie s’est apprécié d’environ 85%. Au-delà de ses variations de court terme, quels sont les facteurs susceptibles d’influencer sa valeur à long terme? Le point avec Dominik Poiger, responsable de la gestion des produits et du développement des ETP Crypto chez VanEck et spécialiste des questions liées aux cryptomonnaies.
La manière d’investir dans cette cryptomonnaie dépend avant tout des préférences individuelles. C’est une question qui relève de la mobilité souhaitée par les investisseurs en matière de placements et de leur disponibilité à se préoccuper d’aspects plus techniques tels que ceux qui sont liés à la conservation des cryptomonnaies, à la gestion des clés numériques, etc. Dans la pratique, on observe qu’il y a des gens qui sont intéressés à investir dans les cryptomonnaies mais qui jugent les obstacles pour y parvenir comme étant trop élevés. A l’instar des métaux précieux, il y a différentes façons d’investir dans les cryptomonnaies qui peuvent être choisies en fonction des habitudes et des préférences des investisseurs. Vous pouvez acheter de l’or sous forme physique ou via des certificats. Il en va de même pour le Bitcoin, même si on peut dire que cette cryptomonnaie est, de par sa nature, plus facile à être négociée sous forme numérique.
Il existe un risque de perte irréversible des clés privées.»
Aujourd’hui, il n’est plus si compliqué de détenir directement des Bitcoins, grâce notamment aux diverses plateformes existantes spécialisées dans ce domaine. Néanmoins, il faut être attentif à certains aspects en matière de sécurité et de conservation des mots de passe et des clés privées de sécurité. Comme on le dit parfois dans le secteur en anglais: «Not your keys, not your coins». Il existe un risque de perte irréversible des clés privées. L’investisseur doit ainsi avoir un certain intérêt pour ces questions et disposer d’une compréhension de base sur le plan technique.
Nous nous appuyons sur les services fournis par Bank Frick au Liechtenstein. Cet établissement s’occupe de l’administration des clés privées et de tout ce qui se rapporte à la conservation des Bitcoins.
En tant que gérant d’actifs, nous pensons que le Bitcoin a le potentiel de devenir une alternative à l’or, un moyen de préserver la valeur de manière numérique. Comme pour d’autres types d’actifs, il ne faut pas considérer un placement dans le Bitcoin comme un investissement individuel mais plutôt comme un élément qui entre dans la composition d’un portefeuille. Ici, les investisseurs devraient évaluer de manière approfondie les risques d’un investissement dans le Bitcoin.
Cette part peut se situer aux alentours de 3% pour un portefeuille dit «agressif». Détenir une telle part en Bitcoin contribue à augmenter le rendement cumulé d’un portefeuille, tout en augmentant sa diversification. Cela permet d’atteindre un meilleur rendement ajusté des risques dans une optique de long terme. On devrait toujours considérer le Bitcoin comme un élément faisant partie d’un portefeuille, non pas comme un investissement isolé. Historiquement, le Bitcoin a toutefois largement superformé depuis sa création d’autres catégories d’investissements, comme les actions ou les obligations, même si, s’agissant de cette cryptomonnaie, nous parlons d’un horizon de temps relativement court d’un peu plus d’une décennie.
Le Bitcoin dispose de nombreuses caractéristiques qui font paraître cette cryptomonnaie attrayante sur le long terme. Usuellement, on analyse les monnaies sur la base des caractéristiques principales suivantes: fongibilité, portabilité, durabilité, rareté et divisibilité. Pour ces quatre critères, le Bitcoin présente des caractéristiques similaires à l’or ou aux monnaies dites fiat.
encore trois ans jusqu’au prochain événement de ce type.»
D’autres caractéristiques intéressantes viennent s’y ajouter: d’une part, le Bitcoin s’est avéré jusqu’à présent infalsifiable, notamment grâce à technologie des registres distribués qui est à sa base. Il y a toutefois la possibilité – par exemple, en raison des progrès effectués dans l’informatique quantique - que la cryptographie utilisée en arrière-plan du Bitcoin se révèle insuffisante. D’autre part, l’extraction de cette monnaie numérique est aussi prévisible, au contraire de l’or par exemple. On sait en effet que le nombre total de Bitcoins est limité à 21 millions d’unités. Avec l’or, on ne sait pas quelles quantités pourront être extraites à l’avenir, quels seront les nouveaux gisements découverts, etc.
Le processus d’émission du Bitcoin n’est pas toujours bien compris par le grand public. Le nombre total de Bitcoins est limité à 21 millions, comme déjà mentionné. Pour le travail d’«extraction» accompli, les mineurs de Bitcoins reçoivent une subvention par bloc – ou «block subsidy» en anglais - constitué des Bitcoins récemment extraits. Toutefois, au fur et à mesure que l’on avance dans le temps, les «mineurs» de Bitcoins voient leur récompense diminuer graduellement. Au début, la subvention par bloc était de 50 Bitcoins, puis elle a été ramenée à 25 Bitcoins et ainsi de suite pour ne plus atteindre désormais que 6,5 Bitcoins. Tous les 4 ans, ou plus précisément tous les 210'000 blocs créés, on assiste à une diminution de moitié des subventions par bloc attribuées. Le dernier «halving» ayant eu lieu en 2020, il faudra attendre encore trois ans jusqu’au prochain événement de ce type. Et c’est là l’un des aspects les plus intéressants de cette cryptomonnaie: la diminution de l’offre nouvelle de Bitcoins est programmable et planifiée d’avance. Il ne s’agit pas d’une décision qui peut être prise de manière discrétionnaire par une quelconque instance.
de la valeur de l’ensemble des cryptomonnaies.»
A mon avis, la problématique de la consommation d’énergie liée au Bitcoin va s’améliorer par elle-même. Pourquoi? Parce que les «mineurs» en Bitcoins se tournent naturellement vers les sources d’énergie les plus efficientes. Actuellement, beaucoup de «mineurs» sont basés en Chine où les coûts de l’énergie sont nettement moins élevés qu’en Europe ou aux Etats-Unis. A terme, le coût marginal le plus bas est celui des énergies renouvelables. Une fois installés, les panneaux solaires n’ont besoin que de soleil pour produire de l’électricité, si l’on fait exception des frais de maintenance. Il en va de même pour l’eau des barrages. Les énergies renouvelables deviendront la source d’énergie la moins chère sur le long terme. Selon une étude de l’Université de Cambridge, la part des énergies renouvelables utilisée par les «mineurs» en Bitcoins varie de 20% à 70% en fonction des saisons.
Actuellement, le Bitcoin représente toujours environ 60% de la valeur de l’ensemble des cryptomonnaies. Certes, le Bitcoin est surtout apprécié pour sa fonction de préservation de la valeur – davantage que pour son utilisation en tant que moyen de paiement. Il est toutefois possible que l’on ajoute des propriétés supplémentaires au Bitcoin, qui rendront son utilisation plus aisée comme moyen de paiement. Actuellement, la limitation de son nombre d’unité à 21 millions fait justement que le Bitcoin a le potentiel une alternative à l’or, en tant que moyen numérique de préservation de la valeur. L’Ethereum, par exemple, présente aussi d’autres caractéristiques intéressantes mais il ne bénéficie pas du même effet de rareté.