Investir dans l’hydrogène

Emmanuel Ferry, Evooq

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Un relais de croissance d’avenir susceptible d’être une opportunité durable dans un portefeuille.

L’hydrogène est un élément qui a été découvert par le chimiste anglais Henry Cavendish et est connu depuis le XVIIe siècle. Néanmoins, il a rapidement été supplanté par l’électricité et le gaz naturel pour les applications d’éclairage et de chauffage. Les chercheurs de l’industrie automobile et de l’aérospatiale travaillent depuis plusieurs décennies sur ce combustible. L’ambition de créer un système d’énergie durable au niveau mondial passe par l’hydrogène. De nombreux pays subventionnent déjà des projets dans le domaine dans le but d’atteindre leurs objectifs de «zéro émissions nettes». Le spectre d’une crise climatique pousse depuis plusieurs années l’innovation dans le domaine des énergies durables. Mais l’hydrogène, gaz incolore et inodore, permet aussi de créer de l’énergie par électrolyse. Une pile à combustible convertit l’hydrogène et l’oxygène en courant électrique et ne dégage que de la vapeur d’eau.

L’hydrogène pourrait par ailleurs résoudre le problème du stockage de l’énergie. L’un des principaux défis des énergies renouvelables est en effet leur caractère intermittent, puisqu’elles dépendent principalement des conditions météorologiques. Si l’hydrogène parvenait à découpler l’offre de la demande grâce à des solutions de stockage, ce serait sans conteste une avancée majeure vers la neutralité carbone. Un défi subsiste toutefois: à la différence des combustibles fossiles comme le pétrole, l’hydrogène «moléculaire» (gazeux) est pratiquement inexistant à l’état naturel et doit être produit. Son élaboration consomme elle-même de l’énergie et son transport et son stockage sont également complexes. L’hydrogène a malgré tout le potentiel d’acquérir une part considérable de la production d’énergie actuellement assurée par les combustibles fossiles au cours des prochaines années.

Les réservoirs d’hydrogène sont moins volumineux et moins lourds
que les batteries, deux critères essentiels pour le transport de marchandises.

L’hydrogène est un combustible aux multiples facettes, tant dans sa production que dans son utilisation: il est stockable, présente un contenu calorifique élevé (kWh/kg) et peut être élaboré de façon industrielle. Le grand défi vient du fait que son état naturel est gazeux et, étant l’élément le plus léger, il offre une faible densité énergétique volumique (kWh/L). Son stockage et son transport en grande quantité requièrent donc de le comprimer dans des cuves pressurisées, avec un risque de perte d’énergie supérieur à 10%. Le degré d’efficacité est donc moindre, comparé à l’utilisation sous forme de pile. Les exigences auxquelles les réservoirs doivent répondre sont coûteuses et contraignantes, ce qui explique que, pour l’instant, la voiture à hydrogène ne soit pas en mesure de faire de l’ombre aux modèles électriques. La situation est tout autre pour les poids lourds et les trains, pour lesquels le coût d’acquisition est plus vite amorti et le procédé beaucoup plus rapide. Les réservoirs d’hydrogène sont en outre moins volumineux et moins lourds que les batteries, deux critères essentiels pour le transport de marchandises. La production d’hydrogène «vert» reste exposée à une forte variabilité. Les besoins d’investissement en électrolyseurs, le degré d’efficacité et les coûts de l’électricité doivent encore être améliorés avant que cette technologie puisse être déployée à grande échelle. Le processus de production ne peut donc pas être évolutif en l’état. Du moins, pas si l’ambition est de rivaliser par le coût avec la production d’hydrogène dit «gris» ou «bleu». Malgré ces obstacles, l’hydrogène reste une technologie disruptive qui offre dès aujourd’hui de considérables opportunités d’investissement.

Réduire de façon significative les émissions de CO2 impose d’accroître continuellement la part des énergies renouvelables. Les experts de l’industrie estiment qu’il est possible, avec des mesures de coordination et d’incitation durables et stables, d’obtenir les investissements nécessaires à la croissance de la technologie de l’hydrogène. Créé en marge du World Economic Forum de 2017, l'Hydrogen Council est une initiative conjointe de plusieurs grandes entreprises internationales des secteurs de l’énergie, des transports et de l’industrie, animées par une vision commune et une ambition à long terme: favoriser la transition énergétique par l’hydrogène. Pour réaliser cet objectif, tous les intervenants de la chaîne de valeur devront renforcer leur participation à la production d’hydrogène, au développement des infrastructures et à l’utilisation des applications finales. Selon l’Hydrogen Council, bâtir «l'économie de l’hydrogène» exigerait un investissement annuel à hauteur de 20-25 milliards de dollars d’ici à 2030.

Les acteurs intégrés, comme Air Liquide ou Linde,
sont matures et générateurs de liquidités.

La thématique de l’hydrogène peut représenter pour l’investisseur un axe prometteur. Les équipes d’Evooq ont identifié quatre segments clés de la chaîne de valeur: 1. Les acteurs intégrés, c’est-à-dire les sociétés les plus importantes dans l’industrie des gaz industriels qui investissent dans les capacités de l’hydrogène; 2. les fabricants d'électrolyseurs, un mix d’entreprises spécialisées dans l’hydrogène et des acteurs plus diversifiés; 3. le transport et stockage; 4. le segment des piles à combustibles et autres applications. Les producteurs de piles à combustibles sont des sociétés en phase de démarrage. Les autres applications se réfèrent à des sociétés plus matures, comme par exemple, l’automobile. Les acteurs intégrés, comme Air Liquide ou Linde, sont matures et générateurs de liquidités. Ces sociétés ont le potentiel de dégager de la valeur en faisant des acquisitions stratégiques dans des entreprises d’hydrogène plus petites. Au sein des fabricants d'électrolyseurs, comme Cummins, nous privilégions les entreprises diversifiées par rapport à des acteurs plus spécialisés qui sont actuellement très chers. Dans le transport et stockage, les entreprises peuvent réaliser une croissance future grâce à l’hydrogène. Peu profitables, elles ont pourtant des profils raisonnablement sûrs et des valorisations attrayantes (Vopak, Enagas). Enfin, les piles à combustibles sont des pure plays, avec une forte croissance mais un risque élevé et une rentabilité faible (Plug Power, Bloom Energy).

L’hydrogène se présente donc comme une véritable thématique structurelle investissable, qui comprend un gisement d’investissement large et suffisamment diversifié. Au-delà du narratif, la bonne compréhension des dynamiques industrielles et la capacité à sélection les titres sur la base de leurs fondamentaux sont les prérequis pour construire un portefeuille robuste et géré activement.

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