An II: sac de la croissance

Thomas Planell, DNCA Invest

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2022 pourrait être une bonne année pour les actions, à condition d’avoir une allocation diversifiée pour naviguer dans les tumultes des rotations à venir.

© Keystone

Le début d'année est le temps des grandes manœuvres où l'on se prépare aux conflits à venir. Les attentes économiques et financières sont formulées, l'allocation stratégique élaborée. Mais au levant de l'an II post Covid, les combats ont déjà fait rage sans que l'on ait eu le temps de dresser les pavillons des camps de guerre. Du coté des vaincus, le S&P500 signe son plus mauvais début d'année depuis 6 ans. Le Nasdaq abandonnait jusqu'à près de 10% depuis ses plus hauts de décembre. En Europe les pépites nordiques qui lui sont corrélées cèdent jusqu'à 25% depuis un mois et les étendards de la croissance valorisés à près de 30x le free cash-flow sont brulés comme les armoiries des ennemis défaits. Les premières séances de janvier ressemblent ainsi au sac d'une Constantinople du style croissance, grasse de douze ans de surperformance, par des assaillants affamés, exténués de ce siège interminable, finalement levé par les trompettes de Jéricho d'une hausse des taux plus rapide que prévu…

L’an II post Covid pourrait être aussi un bon millésime pour les actions, à condition d’avoir une allocation diversifiée entre les styles pour naviguer les tumultes des rotations à venir qui risquent de se jouer des portefeuilles.

Car c'est bien ce qui effraie le marché, deux ans déjà après «Jahre Null», l'Anno Zero épidémique: trois, voire quatre hausses de taux en 2022 aux Etats-Unis et la réduction du programme de rachat d'actifs. Les marchés monétaires ne doutent plus, ils accordent une probabilité de plus de 80% à une première hausse en mars. Les marchés obligataires quant à eux n'osent s'opposer au verdict: le rendement à 10 ans américain n'avait jamais progressé aussi vite depuis le «Taper Tantrum» de Ben Bernanke en 2013! Le marché actions quant à lui cherche encore ses repères dans l'ancien testament du prédécesseur de Janet Yellen. A l'époque, le S&P500 avait cédé 6% entre mai et juin 2013, à partir de l'annonce fracassante de la fin des largesses de la Fed, avant de rebondir de 17,5% jusqu'en janvier 2014. A la faveur du boulet de canon des 100 points de base gagnés par le 10 ans américain et du retour en territoire positif des taux réels, les valeurs cycliques européennes et américaines avaient pris le leadership de ce rebond, surperformant de 7 et 10% respectivement les actions défensives.

Et puis, le 23 janvier 2014, lorsque le tapering commença vraiment, le marché américain abandonna à nouveau 6% jusqu’au point bas du 2 février avant d’entamer un nouveau rallye de 16%, cette fois-ci dirigé par les valeurs défensives. Finalement, au prix d’un double choc relativement contenu et de deux rotations inverses, les marchés actions ont fait mieux que survivre à ces dix mois de transition monétaire, puisqu’ils ont progressé de 30% en 2013 et 16% en 2014 (contre 18% et 1% respectivement en Europe). Si la croissance économique et bénéficiaire reste au rendez-vous de la hausse des taux (elle est attendue à plus de 4% en zone Euro – davantage qu’aux Etats-Unis – et 5% en Chine), l’an II pourrait être aussi un bon millésime pour les actions, à condition d’avoir une allocation diversifiée entre les styles pour naviguer les tumultes des rotations à venir qui risquent de se jouer des portefeuilles.

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