Euro qui comme Draghi a fait un beau voyage

Thomas Planell, DNCA Invest

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En hausse de 6,8% en glissement annuel, l’inflation américaine a surpris… par l’absence de surprise.

©Keystone

Qu’est-ce que l'ultime et secret désir, l'intime et inavouable dessein d'un banquier central, si ce n'est celui de commander aux attentes des marchés, de décider pour et avant eux de ce qu'ils croient vouloir obtenir librement? Il faut alors avoir quelque chose du Sphinx de Sophocle pour présider secrètement aux destinées des foules financières capricieuses. Non pas l'outrance énigmatique de la célèbre formule d'Alan Greenspan: «Je sais que vous pensez avoir compris ce que j'ai dit mais je ne suis pas certain que vous réalisiez que ce que vous avez entendu n'est pas ce que je voulais dire». Mais la mystique prophétique d'un Mario Draghi, dont l'alchimie savante de la précision technocrate et du sens riche et hautement suggestif de la nuance a su accoucher de la pierre philosophale qui sauva l'euro de sa tragédie grecque et restaura la crédibilité de la BCE. Qu’il est cruel et difficile de succéder à un tel homme. Car, si Lagarde, Bailey et Powell ont eu leur «moment Draghi», avec la pandémie rien ne permet encore de dire s'ils tiennent d'avantage du Sphinx ou d'Œdipe qui précipita son funeste destin en tentant de s’en libérer.

La force du dollar compense la hausse des prix à l’import.

Dans une certaine mesure, ils ont réussi là où Draghi a échoué: faire germer dans la conscience du marché la conviction que l'inflation est de retour. C'est un réel succès car à l'issue de cette période de recourt à l'emprunt massif, c'est la voie de sortie royale pour les Etats surendettés. Mais parviendront-ils à tenir d’une main ferme la boîte de Pandore de l’inflation? 

Préoccupé par l’épiphanie statistique que représente les 6,8% d’inflation américaine en glissement annuelle, à laquelle succède cette semaine le dernier FOMC de l’année, le marché actions avait renoué avec un régime de volatilité caractéristique des moments qui précèdent les grandes échéances économiques et monétaires. Finalement, le chiffre publié, en ligne avec les attentes, offre un peu de répit à Jerome Powell. L’inflation, soutenue, nécessite de sortir des politiques accommodantes, mais elle ne bouscule pas encore la Fed au-delà du point de non-retour. La force du dollar compense la hausse des prix à l’import. C’est moins le cas en Europe et au Royaume-Uni, où l’euro et le sterling s’affaiblissent. Sphinx ou Œdipe? Le marché des changes pourrait bien avoir le dernier mot sur la distribution des rôles.

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