IA: le buzz médiatique ne suffit pas

Emmanuel Garessus

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Les actions évoluent au gré du narratif, mais l’histoire révèle que d’autres facteurs importent, selon Nicolas Schrameck d’Ellipsis AM.

Plus l’intelligence artificielle est citée dans les médias et plus le cours des actions progresse fortement. Le rôle du buzz médiatique se vérifie à chaque vague boursière. Robert Shiller, prix Nobel d’économie 2013, a été le premier à thématiser l’influence du narratif dans les sciences économiques, et en finance, dans un travail de recherche (Narrative Economics). Lundi soir, à Genève, les gérants d’Ellipsis AM se sont penchés sur l’engouement pour les valeurs de certaines branches technologiques pour en juger de l’intérêt aux yeux des investisseurs, en particulier dans les obligations convertibles, l’un de ses domaines de compétence.

Le regard a d’abord porté sur le buzz rencontré par les fabricants de véhicules électriques, qui sur les énergies propres, le métavers et l’intelligence artificielle. A chaque fois, le cours des actions a suivi de très près l’étendue du buzz médiatique.

Dans le cas des véhicules électriques, il aurait été optimal pour les investisseurs d’acheter Tesla à l’orée de l’engouement dans les médias et vendre le titre à son sommet de cette euphorie en 2021. Car à chaque reprise, après une phase de croissance exponentielle succède celle d’un essoufflement. L’investisseur doit prendre garde de sortir quand le nombre de mots est à son plus haut dans les médias.

Nvidia est bien parti pour atteindre une hégémonie qui rappellera celle d’IBM dans les ordinateurs.

Le même phénomène s’est produit pour les énergies propres. L’indice S&P Cleantech a touché un sommet en 2021 avant de baisser sensiblement. L’analyse de cet essoufflement boursier a révélé que les profits de la branche n’augmentaient pas mais que la hausse résultait d’une expansion du multiple des bénéfices. Le buzz ne suffit pas. D’ailleurs le PER a diminué sensiblement ces derniers mois dans la cleantech. Il est crucial que les entreprises monétisent leur croissance, insiste Tristan Abet, stratégiste thématique auprès de Kepler Cheuvreux Solutions.

Dans le cas de l’intelligence artificielle, le buzz a été impressionnant en 2023. Comme la hausse de Nvidia, le leader de la branche dont la capitalisation boursière a dépassé 1000 milliards de dollars. L’IA a des caractéristiques qu’apprécie beaucoup Nicolas Schrameck, co-responsable du pôle obligations convertibles chez Ellipsis AM.

A l’inverse d’autres vagues technologiques, le gagnant ne prend pas toute la mise. De nombreuses compagnies profitent de cette innovation, note le gérant. Nvidia, qui a elle-même émis un convertible pour financer sa croissance, en l’occurrence en 2013, a tiré profit de trois sources de croissance: les jeux vidéos, grâce à ses processeurs graphiques, la crypto, à l’aide de ses puces informatiques adaptées au minage, et ses puces informatiques au service de l’intelligence artificielle.

La progression exponentielle du cours de Nvidia ne résulte pas seulement du buzz médiatique et de sa forte croissance, mais l’explosion à la hausse est surtout provenue du choc subi par les marchés financiers lorsque le résultat trimestriel a considérablement dépassé les attentes, en particulier dans le domaine des serveurs.

Les perspectives demeurent très prometteuses, par exemple à travers le remplacement des serveurs existants ainsi que la demande incrémentale dans d’innombrables branches d’activité, tant en finance que dans les télécoms et la santé. Nvidia est bien parti pour atteindre une hégémonie qui rappellera celle d’IBM dans les ordinateurs, Microsoft dans les ordinateurs individuels et Apple dans les smartphones. Mais à la différence des autres innovations, les gagnants de l’IA sont à chercher dans un vaste écosystème. Nicolas Schrameck a retenu dans sa sélection en portefeuille des fournisseurs de hardware, comme Hynix, des «hyperscalers», c’est-à-dire des fournisseurs de services cloud susceptibles de proposer divers services comme Microsoft. Quant aux «utilisateurs», le gérant a adopté une grande sélectivité, car de Tesla à Airbnb ou Match Group, tous sont exposés l’IA, mais tous n’appartiendront pas aux gagnants.

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