Hong Kong, Chine: deux systèmes, une crise

Valérie Plagnol, Vision & Perspectives

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Les protestations qui secouent Hong Kong depuis plusieurs mois pèsent sur l’économie de l’Ile. Le continent ne souffrirait-il pas encore plus?

Depuis plus de cinq mois, le mouvement de protestation contre le gouvernement de Carrie Lam et pour la démocratie, a changé de visage. Les premières manifestations de masse, marches pacifiques à travers les rues de la cité, ont fait place à des heurts plus destructeurs et sanglants entre groupes de militants et police. Ces violences ont fait voler en éclat les relations de confiance qui liaient encore la population aux autorités, et surtout à la police, jusqu’ici plutôt bien considérée. Le projet de loi controversé, tardivement retiré, n’a pas calmé les esprits, alors que la main de Pékin se faisait plus lourdement sentir ces dernières années.

Les violences et la détermination de chaque camp sont montées de plusieurs crans ces dernières semaines, au cours desquelles on a assisté à des scènes d’agressions et compté les premiers morts, jusqu’au siège de l’Université Polytechnique. Malgré cela, la population soutient majoritairement le mouvement et les électeurs se sont rendus en masse aux urnes ce weekend, témoignant ainsi de leur attachement à leurs libertés.

L’incidence économique de ce mouvement est désormais visible: le PIB a reculé de 2,9% au troisième trimestre. Les ventes de détail sont en chute libre, en contraction de près de 20% par rapport à l’automne dernier. Rien que les ventes de bijoux (considérées comme le baromètre du tourisme) sont en repli de plus de 40%. Et pourtant la bourse de Hong Kong fait preuve d’une remarquable résistance. L’indice Hang Seng gagne encore 2,9% (devise locale) soit 7,14% en euros1, depuis le début de l’année. Un test de résistance l’attend cette semaine avec l’introduction du géant Alibaba, en retard sur son agenda initial et pour un montant plus modeste que prévu.

La guerre commerciale pèse sur une conjoncture déjà plus morose
que les autorités veulent bien l’admettre.

L’incertitude sur l’issue du mouvement entretient les craintes les plus vives, alors que Pékin s’en tient à la fermeté, sans pour autant sembler s’impliquer directement. Même si à l’égard de Hong Kong, les autorités choisissaient de s’en tenir à une stratégie de pourrissement – qui pourrait s’avérer très coûteuse pour l’ancienne colonie -  la Chine est en train de perdre un important capital de confiance et ce sur plusieurs plans. Ainsi, avec la guerre commerciale, les manifestations à Hong Kong sont un nouveau défi non seulement au pouvoir, mais aussi au modèle économique du continent.

Du point de vue politique, la situation à Hong Kong ne peut qu’accroître la méfiance de Taïwan – qui soutient et accueille les protestataires. La Chine pourrait bien trembler sur d’autres de ses marches. Les récentes révélations sur les camps de détention Ouïghours, ou encore la sinisation du Tibet, ont mis en lumière l’ampleur de la répression. Le renforcement électronique du contrôle de la population attise les méfiances. Les observateurs les plus avertis notent que le Président Xi est en difficulté au sein du Parti, d’autant que l’activité économique s’est ralentie. La motion adoptée par la Congrès américain en soutien à Hong Kong, complique les négociations commerciales avec les Etats-Unis, tandis que l’accès au marché et aux fournitures clé reste interdit aux entreprises technologiques chinoises.

La guerre commerciale pèse sur une conjoncture déjà plus morose que les autorités veulent bien l’admettre. La Banque centrale de Chine s’est décidée à abaisser son taux directeur au début du mois - certes d’un montant symbolique mais néanmoins symptomatique. Le gonflement des dettes des entreprises non financières continue de peser lourdement sur l’économie. Les plans d’investissements publics ne semblent guère avoir d’effet durable. Des usines qui ferment ce sont autant d’ouvriers qui – s’ils n’ont pas le bon passeport – doivent retourner dans leur province, où leurs conditions de vie sont encore plus difficiles.

Hong Kong ne représente plus qu’un petit 3% du PIB chinois alors qu’il pesait pour près de 20% il y a 25 ans. Certes les places financière, industrielles et commerciales de Shanghai et Shenzen, pourraient bien finir par s’imposer mais Hong Kong n’en reste pas moins l’une des économies les plus ouvertes et des plus avancées du monde, au regard des indicateurs de développement de la Banque mondiale notamment.

La Chine n’a pas réussi cette ouverture. Le contrôle des changes s’y est renforcé après l’inclusion du yuan dans les DTS2. Avec Xi, elle devient plus suspicieuse et plus contrôleuse de ses citoyens, mais aussi des étrangers. Les inégalités y sont fortes: l’indice de Gini calculé par la Banque mondiale s’établit à 38,6 en 2019. Même en affichant un doublement de son PIB en 2020 par rapport à 2010, comme elle s’y était engagée, la Chine reste une économie à revenu moyen.

Hong Kong est un modèle qu’elle ne peut embrasser et une épine dans son flanc sud dont elle ne peut se débarrasser.

 

1 Données Bloomberg, au 22 novembre 2019.
2 Droits de Tirage Spéciaux du Fond Monétaire International.

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