Hausse des taux obligataires en Europe, la BCE regarde ailleurs

Wilfrid Galand, Montpensier Finance

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La BCE considère simplement que la situation se normalise mais attention aux enjeux politiques qui pourraient remettre en cause cet équilibre.

La nette remontée des taux obligataires en Europe semble ne pas inquiéter officiellement la Banque Centrale Européenne. Elle considère simplement que la situation se normalise mais attention aux enjeux politiques qui pourraient remettre en cause cet équilibre.

Elle arrive! La hausse des taux atteint désormais l’Europe après avoir touché les États-Unis, où le rendement du T-Bond à 10 ans est passé de 0,65% fin septembre 2020 à 1,74% fin mars 2021. Ainsi à 10 ans, la dette française rapporte désormais 0,3% et le rendement du Bund est à peine négatif. Quant aux taux italiens, ils dépassent désormais nettement les 1% pour les échéances de 10 ans et au-delà.

Du côté de la BCE, après la phase «martiale» précédant cette hausse – on se souvient de la sortie de Christine Lagarde en mars «les marchés peuvent venir nous tester, nous serons là» – ses dirigeants semblent désormais plus attentistes. Luis de Guindos, son vice-président a même déclaré mercredi 19 mai: «le niveau des taux est approprié». Que faut-il déduire de ce changement de ton?

A ce stade, la BCE ne veut pas paraître alarmée ni par la vitesse de la remontée des taux ni par leurs niveaux. Les taux italiens, surveillés de près par la communauté financière comme le «canari dans la mine» annonçant le retour des attaques sur la monnaie unique, restent nettement négatifs si on défalque une inflation ressortie à 1,6% en avril pour l’euro zone.

En outre, cette pression indéniable à la hausse traduit plus la fin du risque de déflation que l’irruption imminente d’un risque de surchauffe infla-tionniste en Europe. Les taux négatifs, qui annihilent totalement le fameux «prix du temps», signalaient une défiance persistante et prolongée envers le présent et le moyen terme. A tel point que les investisseurs étaient prêts à payer pour parquer leur argent dans un endroit considéré comme sûr, et le récupérer le plus tard possible. La fin de cette période signifie le retour d’un optimisme – certes encore très prudent – face à l’avenir.

Enfin, ce phénomène contribue à alléger les contraintes qui pesaient sur la rentabilité du système financier européen, l’empêchant d’investir, de se transformer, de concourir à armes égales avec ses concurrents américains et, in fine, de transmettre pleinement à l’économie réelle les impulsions monétaires de la BCE.

Plus généralement, la normalisation progressive des taux en Europe permet d’espérer que les mécanismes d’allocation du capital retrouveront eux aussi un fonctionnement plus optimal. La BCE l’a souvent souligné, l’investis-sement sera clé pour retrouver et surtout pérenniser un rythme de croissance supérieur aux 1 à 1,5% qui semblaient promis au Vieux Continent avant la pandémie. Pour cela, il faut des conditions de financement favorables mais aussi une réelle sélectivité dans les choix d’investissement. Ce sera tout l’équilibre à trouver par la BCE. Et cela sera surveillé avec attention par les marchés toujours très dépendants du niveau de liquidité disponible.

Au long de cet exigeant chemin, le véritable risque pour l’institution de Francfort sera politique. D’abord parce que la masse des dettes publiques est telle que tout renchérissement de leur coût pèsera fortement sur les budgets nationaux. En France, une hausse de 1% du coût moyen de la dette représente une charge additionnelle de 26 milliards sur les finances publiques.

Si les marchés, via la hausse des taux obligataires, continuent à tester la résolution de Christine Lagarde, la réunion du mois de juin de la BCE sera d’autant plus déterminante. Mais à moins d’un durcissement surprenant de la position allemande et hollandaise, Christine Lagarde devrait continuer à se comporter comme une «chouette» version «colombe».

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