Janet Yellen, la nouvelle «taxwoman»

Wilfrid Galand, Montpensier Finance

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La tentation de relever les impôts se fait pressante. Janet Yellen, la nouvelle secrétaire au Trésor, multiplie les déclarations dans ce sens.

Face à l’ampleur des plans de relance américains, la tentation de relever les impôts se fait pressante. Janet Yellen, la nouvelle secrétaire au Trésor, multiplie les déclarations dans ce sens. Sera-t-elle dans ce nouveau rôle de « taxwoman » aussi appréciée par les marchés que lorsqu’elle était patronne de la Fed?

Alors que les 1900 milliards de dollars du dernier plan de relance américain sont en train d’affluer dans l’économie – les ventes de sneakers ont déjà augmenté de près de 20% lors de la première semaine après le versement – un autre projet gigantesque est déjà en cours d’élaboration Outre-Atlantique.
Pour remettre à niveau les infrastructures physiques énergétiques et numériques du pays, Joe Biden envisage désormais de proposer au Congrès de dépenser 3000 milliards de dollars de plus.

Si un tel plan était voté – ce qui reste très aléatoire à ce stade – ce serait donc plus de 25% du PIB américain qui serait engagé en quelques mois pour relancer l’économie. Même si on parle de dépenses sur quatre ans, le montant reste néanmoins considérable, bien supérieur à tous les plans de soutiens historiques, y compris celui du New Deal de Roosevelt, qui poursuivait la politique de grands travaux de Hoover.

Pour financer ce «Build Back Better», le recours à la dette seule parait inenvisageable malgré le soutien sans faille de la Fed. D’abord parce que la dette publique américaine, en proportion du PIB du pays, est déjà en route pour battre les records de la deuxième guerre mondiale et que le dollar pourrait, à terme, pâtir de ces excès. Et surtout parce que les fragiles équilibres politiques au sein du parti démocrate, ne le permettraient pas.

Reste alors le recours à l’impôt. Joe Biden envisage de revenir sur les baisses accordées par la précédente administration aux contribuables les plus aisés, et surtout de remonter significativement l’impôt sur les sociétés. Ce dernier passerait ainsi de 21% à 28% des bénéfices. Le seuil resterait encore significativement inférieur aux 35% de l’ère Obama mais reviendrait en réalité à l’objectif que celui-ci avait déclaré avoir en tête lors de sa campagne électorale de 2012, sans parvenir à le faire acter par le Congrès par la suite. Janet Yellen, nouvelle Secrétaire au Trésor, y est très favorable et pousse même un «impôt minimum» pour les contribuables.

Cette «tentation de l’impôt» est également grande de ce côté de l’Atlantique, à commencer par le Royaume-Uni où Boris Johnson envisage de monter l’impôt sur les sociétés de 21% à 25%. En France, le débat sur la fiscalité commence tout juste et prendra sans nul doute de l’ampleur dans le cadre de la campagne électorale de 2022. Même la très prudente Allemagne commence à débattre du retour d’une imposition sur la fortune en cas de poussée significative des Verts lors des élections de septembre prochain.

Faut-il s’inquiéter de ce retour en force des tentations fiscales? Aux Etats-Unis, la détérioration des infrastructures est telle que la croissance potentielle ne pourrait que bénéficier d’une rénovation d’ampleur. Le prix à payer, un peu moins de 10% de baisse des bénéfices par actions selon les estimations préliminaires, est sans doute absorbable sans trop de dommages par les marchés.

En Europe, la marge de manoeuvre parait plus étroite, en particulier dans les pays où la pression fiscale est déjà très forte. Le danger est évidemment de se focaliser sur le seul caractère redistributif de l’impôt sans se préoccuper du « retour sur investissement » en termes de création de valeur.
Seule une croissance forte pourra réparer les dégâts économiques et sociaux de la pandémie. Trop d’impôts pourrait hypothéquer la croissance future en décourageant l’innovation et l’entrepreneuriat. Les marchés y seront très attentifs.

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