Gambit de la reine pour la BCE

Thomas Planell, DNCA Invest

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La Banque centrale européenne est dans la position épineuse du joueur d'échecs qui doit sacrifier sa dame pour sauver son roi.

Une page se tourne en septembre cette année. Après une hausse de 25 points de base le 21 juillet, la BCE donnera le coup d'accélérateur à la rentrée: +0,5%. Au-delà, +0,25% par trimestre. La hausse sera, dans le langage de l'institution, soutenue, mais graduelle. Objectif de moyen terme? Le taux neutre, 2%, voire au-delà à l'approche de l'été 2024.

Si Christine Lagarde rédige toujours le manuscrit, elle ne semble pas pour autant avoir toutes les cartes en main. Comme harcelée par un éditeur hâtif de mettre sous presse, la BCE réagit plus qu'elle n'agit. Elle est acculée par une inflation plus forte, plus coriace que prévu (7% attendu en fin d'année) qui écorne déjà la croissance économique.

Comme sur la Banque d’Angleterre, l'étau se resserre en zone euro où la BCE, qui a trop tardé à ajuster sa politique, est dans la position épineuse du joueur d'échecs qui doit sacrifier sa dame (la croissance) pour sauver son roi (la stabilité des prix), au prix de dommages collatéraux déjà visibles. L'écart entre les rendements du Bund allemand et du BTP italien commençait ainsi à se creuser en réaction à la conférence de presse d'une Lagarde qui s'est montrée moins «maternelle». Bien que préoccupée par le risque de «fragmentation» des spreads entre pays, les outils d'endiguement de la dislocation des rendements souverains de la zone n'ont pas été dévoilés, car probablement inexistants en l'absence d'un consensus au sein du conseil.

Trop peu, trop tard

Une absence de consensus qui se manifeste aussi dans le manque de témérité de la sortie des politiques quantitatives. Contrairement à la Fed et à la BoE, la BCE ne va pas activement comprimer son bilan. Si les rachats nets d'actifs cessent bien au 1er juillet, les tombées obligataires continueront d'être réinvesties au travers de l'APP (standard asset purchase programme). Le PEPP (Pandemic Emergency Purchase Programme) est maintenu jusqu'à fin 2024.

En demi-teinte, cet ajustement trop tardif, utilisant la répression financière pour brider l'inflation d'une surchauffe économique qui n'existe déjà plus, ne peut même pas répondre à cet objectif. Car, les prix des matières premières essentielles les plus rares, sont devenus indépendants de la demande.

Quel agrégat économique de la zone euro reste-t-il à réprimer pour dégonfler cette inflation, qui rappelons-le reste hors de la portée des banques centrales, tirée par l'explosion du prix des céréales (météorologie défavorable, guerre en Ukraine), du pétrole (sous-investissement des producteurs) et du gaz qui selon l'agence internationale de l'énergie pourrait être rationné cet hiver en Europe, au plus fort de la remontée des taux de la BCE?

Pourquoi donc ne pas avoir évoqué la valeur de l'euro, historiquement faible qui, à proximité de la parité avec le dollar dans lequel sont libellées ces matières premières, renchérit à chaque centime qu'il perd les prix à la pompe et en rayon?

Quel message vis-à-vis de sa devise la BCE envoie-t-elle? Quel est en période de forte inflation l'intérêt d'un euro faible? Dans un monde qui ralentit, se déglobalise, face à la concurrence d'un yen historiquement bas, l'argument de la compétitivité à l'export s'entend-il autant qu’auparavant? Comme souvent depuis le départ de Draghi, c'est au marché qu'incombe la délicate tâche d'interpréter le manque clarté des conférences de presse de la BCE.

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