En attendant Shiva

Thomas Planell, DNCA Invest

1 minute de lecture

Erodée par l’inflation, bridée par le durcissement des conditions financières, la croissance va ralentir.

Avant d’entrer dans un temple de Shiva, on croise Nandi, la monture sacrée du Dieu le plus craint de la Trumurti (trinité). Dans l’attente absolument éternelle de son maître, il invite les pèlerins à la simplicité méditative de l’attente calme et désintéressée, l’une des plus grandes vertus de l'hindouisme, clef de la réceptivité.

Aux antipodes de cette sagesse orientale, les investisseurs trépignaient d’une impatience furieuse avant le conclave de la Fed, attisant la volatilité des actions et obligations, au plus haut depuis début mars. Le 2 mai, elle a accéléré son programme de hausse des taux (+50 points de base). Comme la BCE et la Banque d’Angleterre, Jerome Powell a sous-estimé l’inflation: il se presse désormais pour la contenir, en procédant à l’incrément de hausse le plus fort depuis les années 2000.

Les premiers signes de durcissement des conditions financières sont en train de se déployer sur l'ensemble des classes d'actifs, par capillarité.
La fin d’un cycle

La Fed met ainsi fin à un rallye obligataire de 40 ans. Depuis le début de l’année, les taux à 10 ans progressent de 150 points de base aux Etats-Unis, 115 en Allemagne, 110 dans les pays émergents. Les pays de la zone euro les plus fragiles (Italie, Espagne) risquent de voir leurs spreads s'écarter en répercussion d'une croissance atone au moment où la BCE met un terme à sa politique monétaire accommodante. La situation française, dont l’endettement n’a plus rien à envier à celui de l’Italie pourrait être plus fragile que par le passé. L’exception chinoise montre les premiers signes d’un début de convergence vers le reste du monde.

Les autres pays émergents sont fragilisés par la hausse des prix alimentaires et de l’énergie, le rebond timide du tourisme après 2 ans d’épidémie, la force du dollar et le renchérissement des taux américains qui pèsent sur leurs propres conditions de financement.
 
Les premiers signes de durcissement des conditions financières sont en train de se déployer sur l'ensemble des classes d'actifs, par capillarité. Ils commencent à refléter dans leur valorisation le renchérissement du coût du capital. 25% du crédit à haut rendement américain se négocie entre 80 & 90% du pair. L’écart avec le gisement Investment grade s’est accru, passant de 300 à 400 points de base. Les taux des emprunts hypothécaires sont au plus haut depuis 2010 et progressent aussi en Europe. L’immobilier résidentiel, qui a été le sous-jacent principal de l’endettement du monde récemment, devrait marquer le pas.

Rodée par l’inflation, bridée par le durcissement des conditions financières, la croissance économique va ralentir à peu près partout dans le monde. Dans la religion hindoue, la transition d’un cycle à l’autre passe par l’ouverture du troisième œil de Shiva, Dieu de la destruction mais aussi, du recommencement. Toute la question est désormais de savoir avec quelle violence la métamorphose s’opérera. Pour les investisseurs, le meilleur scénario qui se profile peu à peu est celui d’une récession désinflationniste douce. Une perspective peu réjouissante qui ne devrait pas les faire embrasser l’attente de Shiva avec la même béatitude que celle de Nandi.

A lire aussi...