Etats-Unis – De l'expansion au ralentissement

Alan Mudie, Woodman Asset Management

2 minutes de lecture

La croissance américaine devrait se poursuivre mais à un rythme réduit, un contexte difficile pour les actions.

L'indicateur de l'Université du Michigan sur le moral des consommateurs a atteint en mai son plus bas niveau depuis août 2011. Quels sont les facteurs qui font que les consommateurs sont plus déprimés aujourd'hui qu'ils ne l'étaient au plus fort des blocages de la pandémie, surtout avec un taux de chômage de 3,6%, à peine supérieur aux planchers d'avant la pandémie? Et qu'est-ce que cela signifie pour l'économie et les marchés?

Avec un impact fort, notamment sur les personnes aux revenus les plus faibles, l'inflation est le principal facteur contribuant à la faible confiance des consommateurs. L'inflation globale a atteint 8,3% en avril, juste en dessous du niveau de mars dernier, le plus élevé atteint en 41 ans, tandis que l'indicateur des salaires de la Fed d'Atlanta n'a augmenté que de 6% au cours de l'année écoulée. Selon les économistes de Hoisington Investment Management, cela signifie que le salaire corrigé de l'inflation des 116,2 millions d'Américains en emploi diminue au rythme le plus rapide enregistré depuis 1980. Cette tendance fait plus que compenser l'augmentation des revenus des 6,5 millions de travailleurs qui ont trouvé un emploi au cours des 12 derniers mois. En outre, plus de 50 millions de retraités n'ont pas bénéficié d'un ajustement au coût de la vie suffisant pour compenser l'inflation, ce qui porte à environ 170 millions le nombre d'Américains dont les revenus ne suivent pas l'inflation. De surcroît, Hoisington a calculé que les revenus réels disponibles ont baissé au cours de 11 des 13 derniers mois.

L'économie américaine devrait encore bénéficier d’une croissance continue, mais à un rythme réduit.

En conséquence, les ménages ont dû réduire leur épargne (en avril, l'épargne personnelle est tombée à 4,4% des revenus disponibles, soit le niveau le plus bas depuis la grande récession de 2008) et augmenter leur dette de carte de crédit (au premier trimestre, les soldes débiteurs de carte de crédit étaient supérieurs de 71 milliards de dollars à ceux de l'année précédente). La faible confiance des ménages, combinée à la hausse du coût des prêts hypothécaires – les prêts à taux fixe sur 30 ans sont passés de 3,3% à 5,3% depuis le début de l'année – a entraîné une forte baisse des ventes de logements neufs, les transactions d'avril étant revenues aux niveaux de fin 2018.

Dans ce contexte, notre modèle propriétaire du cycle américain est passé de l'expansion au ralentissement en mai. Ce modèle utilise un certain nombre d'indicateurs économiques et financiers pour déterminer dans quelle phase du cycle nous nous trouvons – récession, reprise, expansion ou ralentissement. La phase actuelle suggère que l'économie continuera de croître, mais à un rythme plus lent qu'auparavant. Les estimations du consensus établi par Bloomberg pour la croissance du PIB en 2022 sont déjà en baisse, passant de 4,3% l'automne dernier à 2,7%, et la dernière estimation instantanée de la Fed d'Atlanta pour la croissance du deuxième trimestre est de 1,9%. Cette évolution s'inscrit dans un contexte de durcissement des conditions financières, de hausse constante des taux d'intérêt directeurs et de lancement imminent du programme de réduction des actifs de la Fed, une combinaison difficile pour les entreprises américaines.

Ces facteurs ont commencé à peser sur les prévisions de bénéfices des analystes, qui révisent leurs estimations à la baisse (-0,3% au cours des 4 dernières semaines). Compte tenu du contexte macroéconomique, les prévisions du consensus, qui table sur une croissance des bénéfices de 13,7% au cours des 12 prochains mois, sont encore trop optimistes, ce qui signifie que d'autres révisions à la baisse sont à venir. Les valorisations ont nettement diminué depuis le début de l'année mais, à 17,6 fois les bénéfices prévus, elles sont seulement en ligne avec le niveau médian sur 10 ans. En outre, les actions de croissance («Growth stocks») se négocient toujours avec une prime de 35% par rapport aux actions sous-évaluées («Value stocks»), qui tendent à surperformer lorsque l'inflation est supérieure à 3% et que les rendements du Trésor sont en hausse.

L'économie américaine devrait encore bénéficier d’une croissance continue, mais à un rythme réduit. Cela devrait entraîner des révisions à la baisse des estimations de bénéfices, tandis que la hausse des taux à court terme et des rendements du Trésor à long terme ne laisse guère de place à une expansion des multiples. En somme, un environnement difficile pour les actions américaines pour le moment.

A lire aussi...