Et si la peur et les risques changeaient de camp?

Laurent Roussel, IXIOS AM

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La rotation en cours vers les actions décotées cycliques et financières pourrait radicalement s’accélérer.

La crise de la COVID-19 n’a fait qu’exacerber une tendance à l’œuvre depuis 10 ans en Europe et depuis l’élection de Donald Trump aux Etats-Unis en 2017: la surperformance considérable des valeurs de croissance par rapport aux actions décotées des secteurs traditionnels (notamment les banques, les pétrolières et les automobiles). 

Néanmoins, depuis l’annonce du vaccin de Pfizer & BioNtech, certains investisseurs commencent à s’interroger sur un possible changement de paradigme en 2021. Avant les élections américaines, jamais la visibilité sur la croissance des ventes d’une entreprise n’était aussi valorisée, au détriment de celle des sociétés cycliques et financières. Ainsi, alors que les valeurs de croissance (indice MSCI World Growth) présentaient un multiple de valorisation (PER) 35% plus élevé que celui des valeurs décotées (MSCI World Value) en 2014, l’écart dépassait même les 100% fin octobre. Cette prime record à la visibilité des valeurs de croissance provenait de trois convictions bien, peut-être trop, établies. Premièrement, nous vivons désormais dans un monde où la collaboration entre Etats se délite et où le populisme prospère. Deuxièmement, le potentiel de croissance économique et bénéficiaire diminue. Et enfin, le premier mandat des banques centrales est désormais d’éviter la déflation et les taux obligataires sont condamnés à rester au plancher, favorisant mécaniquement l’expansion des multiples de valorisation. 

Les portefeuilles diversifiés ayant fait la part belle aux actifs les plus
performants de ces dernières années portent en eux un risque «caché».

Il faut toujours se méfier des opinions trop consensuelles; un alignement de planètes politiques, économiques et financières pourrait changer la donne. En effet, deux événements politiques majeurs, battent en brèche la première conviction - l’élection de Joe Biden et la création du fonds de Recovery européen, qui consacre l’avènement des émissions de dettes mutualisées en zone euro (les fameux «Eurobonds»). Par ailleurs, les plans de stimulation votés dans de nombreux pays marquent également la volonté d’accélération d’une croissance bénéfique à l’emploi, seul rempart au populisme, et relativisent la seconde conviction. La croissance des profits se généralisera en 2021 et devrait être proche de 50% sur les sociétés du Stoxx 600 (d'après l’IBES). Enfin, la créativité sans fin des banques centrales et l’adoption d’un discours tolérant sur le risque inflationniste montrent que la planche à billets au service du plus grand nombre n’est plus un tabou et pourrait contredire la troisième conviction. 

Dans ce contexte, les portefeuilles diversifiés ayant fait la part belle aux actifs les plus performants de ces dernières années, valeurs technologiques et obligations souveraines en tête, portent en eux un risque «caché»: le risque d’une sensibilité exacerbée aux taux obligataires (risque de duration). Ainsi, un fonds traditionnel 60/40, formule star aux Etats-Unis généralement exposée pour 60% au S&P 500 et pour 40% aux obligations d’Etat à 10 ans, cumule les risques de taux et leur risque de duration atteindrait 7% (pour 100 pb de hausse des taux US selon les calculs de Goldman Sachs). 

Qu’adviendrait-il si les taux souverains
progressaient de 100 pb (sur le 10 ans) en 2021?

Aujourd’hui, près de 25% de la capitalisation boursière du S&P 500 repose sur les GAFAM, dont les multiples de valorisation ont largement profité de la baisse des taux souverains. Qu’adviendrait-il si ces derniers progressaient de 100 pb (sur le 10 ans) en 2021? La rotation en cours vers les actions décotées cycliques et financières («Value»), encore très en retard sur le marché et positivement corrélées aux taux obligataires, pourrait radicalement s’accélérer. 

Plusieurs fonds visent à tirer profit de cette idée, comme le fonds Ixios Recovery - qui affiche une performance de 14% sur les deux derniers mois. Sa particularité est d’investir sur les titres décotés (dits «value») émis par les entreprises, mais avec une approche patrimoniale. En effet, l’investissement dans la «value» fait traditionnellement porter un risque de baisse (maximum drawdown) plus fort que sur les valeurs de croissance. Il faut donc l’envisager dans une approche patrimoniale, et avec un taux d’exposition aux actions décotées dynamique (aujourd’hui proche de 70%) et l’intégration d’actifs convexes (notamment les obligations convertibles) en alternative aux actions décotées pour en maîtriser la volatilité.

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