Quel scénario macro-financier pour la rentrée?

Florian Roger, Exane Derivatives

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Si l’élection US constitue un facteur d’incertitude à court terme, les Etats resteront essentiels pour supporter les marchés d’ici la fin de l’année.

Les marchés actions ont bénéficié de trois supports durant l’été: des surprises économiques, des taux souverains ancrés par la surliquidité mondiale et une dépréciation du dollar américain. Deux des trois facteurs positifs précédents devraient s’estomper en septembre et en octobre: les surprises économiques devraient se dégrader et nous ne prévoyons pas de dépréciation supplémentaire du billet vert jusqu’à l’élection Présidentielle américaine.

La reprise atteint son point d’inflexion

La croissance mondiale va fortement rebondir au troisième trimestre 2020. Les statistiques mensuelles d’activité se sont révélées plus fortes qu’attendu durant l’été, projetant les surprises économiques sur des records. 

Les périodes de confinement ont fait exploser le taux d’épargne des ménages. La réouverture des commerces a permis des effets de rattrapage immédiats de la consommation. Néanmoins, les marchés du travail restent fortement dégradés dans la plupart des pays et la situation sanitaire mondiale se révèle toujours précaire, avec une ré-accélération de la circulation du virus en Europe et un taux d’infection toujours élevé aux Etats-Unis. Dans ces conditions, nous estimons que le revenu disponible des ménages sera sous pression et que ces derniers vont conserver un matelas d’épargne de précaution plus élevé que par le passé.

Le rebond des dépenses des entreprises ne sera pas linéaire.

Du côté des entreprises, nous prévoyons que le rebond des dépenses ne sera pas linéaire. Un profil en forme de «racine carrée» a caractérisé les trois dernières reprises (1991, 2001 et 2009), avec une phase de rebond marqué, suivi d’une amélioration beaucoup plus poussive. Le point d’inflexion apparaît en moyenne lorsque 50% de la production industrielle perdue durant la crise est récupéré. Ce phénomène provient des effets d’accélérateurs financiers: en cas de contraintes financières ou réelles fortes, les entreprises ajustent de plus en plus brutalement leurs coûts pour protéger leurs résultats financiers. En contrepartie, lorsque l’activité redémarre, l’investissement fonctionnel rebondit dans un premier temps plus fortement que le PIB et surprend généralement positivement. Puis, l’investissement devient moins dynamique car les entreprises cherchent à améliorer leur levier opérationnel et leur profitabilité structurelle. Nous pensons que la trajectoire de l’investissement sera identique dans cette phase de reprise, sachant que la productivité des entreprises était tombée sur des niveaux très faibles avant la crise, notamment aux Etats-Unis. La production industrielle américaine a déjà rebondi de plus de 50% à fin juillet, le point d’inflexion nous paraît donc pour bientôt.

Des positions spéculatives à la dépréciation du billet vert trop marquées 

A maintes reprises, Donald Trump a accusé les autres grandes puissances mondiales de manipuler leurs devises et a plaidé pour une dépréciation du dollar. Seulement, une baisse du billet vert se révèle antagoniste avec une politique protectionniste, qui met sous pression le monde émergent et l’Allemagne (donc la zone euro). Si Joe Biden dénonce aujourd’hui également la politique commerciale inéquitable de la Chine, il se montre moins virulent et protectionniste que le président américain. Dans la mesure où le candidat démocrate prévoit de mettre en œuvre une politique budgétaire très expansionniste (qui devrait continuer de creuser les déficits jumeaux des Etats-Unis), son élection impliquerait surement une baisse du dollar. Les positions spéculatives à la dépréciation du dollar se sont accumulées cet été à mesure que son avance dans les sondages se creusait. La meilleure dynamique sanitaire relative de l’Europe vis-à-vis des Etats-Unis et la plus grande solidarité budgétaire des pays de la zone euro ont accentué la dynamique baissière du dollar contre l’euro.

Historiquement, les intentions de votes tendent à se resserrer dans la dernière ligne droite de la campagne électorale avant une élection présidentielle américaine. Si Donald Trump remonte dans les sondages, le billet vert pourrait reprendre des couleurs, surtout si la dynamique sanitaire se dégrade de nouveau dans certaines zones comme l’Europe et si la croissance mondiale connait une inflexion à l’aube du quatrième trimestre 2020.

Vers des marchés moins directionnels à la rentrée de septembre

Du fait des facteurs précédents, les marchés actions devraient devenir moins directionnels lors des prochaines semaines (sauf en cas d’avancées médicales décisives concertant le COVID-19) et nous recommandons d’être plus prudent sur les actions émergentes et sur les secteurs cycliques européens (en réduisant par exemple l’exposition à l’automobile).  

Nous ne pensons néanmoins pas que des rotations sectorielles majeures s’opéreront, notamment parce que les taux souverains ne devraient pas remonter substantiellement au quatrième trimestre 2020. L’ancrage des taux longs et leur momentum très puissant devraient permettre d’éviter une correction des valeurs technologiques. Nous estimons néanmoins que leur surperformance ne devrait pas beaucoup s’accentuer, du fait de leur valorisation relative et des surprises économiques devenant moins favorables.

Si l’élection présidentielle américaine constitue un facteur d’incertitude à court terme, nous estimons que les Etats resteront essentiels pour supporter les marchés d’ici la fin de l’année (avec des politiques budgétaires durablement expansionnistes). Nous recommandons de ce fait d’investir dans les secteurs et les valeurs stratégiques pour les Etats.

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