C’est paradoxal: l’économie de notre voisin du Nord s’est contractée pour la deuxième année consécutive en 2024 ce qui n’empêche pas l’indice boursier allemand DAX 40 d’atteindre des sommets. La récession semble laisser certains indices indifférents. Un regard un peu plus détaillé sur l’évolution du cours des différents indices boursiers allemands révèle toutefois une image toute en nuances.
Le DAX dans le vert, le MDAX et le SDAX sous pression
L'indice boursier allemand DAX 40 se compose des 40 plus grandes entreprises cotées à la Bourse de Francfort. L’an passé, le groupe technologique SAP en a été le principal fer de lance. Dans le sillage de la révolution de l’IA, ce dernier a progressé de 71,5% sur cette période. En raison de son importante pondération dans l’indice (environ 15%), le groupe a contribué à lui seul à plus de 10 points de pourcentage à la performance globale. En d’autres termes, en 2024 plus de la moitié de la performance de l’indice (18,9%) est à mettre au crédit de SAP. Le groupe d’armement Rheinmetall (+116%) et le fabricant de turbines d’avions MTU Aero Engines (+66%) ont également connu une envolée boursière. Ces derniers ont indirectement profité de la guerre en Ukraine et de la hausse massive des dépenses en armement qui en a résulté.
La faiblesse de la situation économique en Allemagne ne passe cependant pas inaperçue. Ainsi, le MDAX, l’indice des entreprises à moyenne capitalisation et le SDAX, celui des entreprises à petite capitalisation, sont tous deux nettement dans le rouge depuis 2021. La récession industrielle touche en premier lieu les entreprises cycliques, celles qui suivent les variations de l’économie et qui sont représentées de manière importante dans ces segments d’actions. Mais leur surpondération n’est pas le seul facteur impactant. Ainsi, les actions de tous les groupes automobiles allemands ont enregistré des baisses de valeur et les entreprises chimiques Bayer et BASF y ont également laissé des plumes en 2024.
Les prix élevés de l’énergie et de l’électricité, un fardeau pour l’industrie allemande
Les raisons de la crise économique en Allemagne sont multiples. La politique énergétique, avec la sortie abrupte du nucléaire, en fait partie. Malheureusement, celle-ci a coïncidé avec le début de la guerre en Ukraine. La substitution forcée du pétrole et du gaz naturel russes a conduit à un envol des prix de l’énergie et à des prix largement supérieurs à ceux pratiqués aux Etats-Unis ou dans d’autres pays industrialisés. Par conséquent, les industries à forte consommation d’énergie (acier, chimie, automobile) ont dû faire face à des coûts de production élevés et a une perte de compétitivité.
Cette année, les experts tablent sur un soutien de la Banque centrale européenne (BCE) et des prévisions de baisses de taux significatives, de l’ordre de 125 points de base au total. Une politique monétaire plus souple conduirait à une réduction des coûts de financement et apporterait un soutien non négligeable à l’industrie et à la construction. Une reprise de l’économie allemande serait par ailleurs très bénéfique pour la Suisse. En effet, après les Etats-Unis, notre voisin du Nord est notre deuxième partenaire commercial le plus important. Environ 16% des exportations sont destinées à l’Allemagne et pour de nombreuses PME suisses, la proportion est encore bien plus élevée.
Perspectives économiques assombries: quelle stratégie adopter?
Les problèmes structurels et démographiques, les prix élevés de l’énergie ainsi qu’une politique peu favorable à l’économie ne permettent pas d’envisager un retournement de tendance rapide. Pour l’heure, aucun signe clair de reprise économique n’est perceptible en Allemagne ni dans les autres pays européens. Une bonne politique de placement ne se base toutefois pas sur l’espoir. Tant que les indicateurs conjoncturels avancés ne seront pas durablement orientés à la hausse, la prudence reste de mise envers les actions cycliques, en particulier celles des secteurs de l’automobile, de la chimie et de l’industrie qui ont pour l’heure du mal à s’imposer en bourse. Comme l’illustre actuellement de manière impressionnante l’Allemagne, la bourse n’est que le reflet partiel de l’économie réelle. Dans ce contexte, pour que les nuages se dissipent et laissent place à des éclaircies, diversification et approche sélective seront le fils d’Ariane des investisseurs pour les mois à venir.