Dix questions pour 2020

Wilfrid Galand, Montpensier Finance

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Pour 2020, ces trois axes, politiques, monétaires et économiques, seront à surveiller, et nous permettent de dégager dix questions clés dont dépendrontles comportements des marchés.

Levée progressive de l’incertitude politique autour du Brexit et des tensions sino-américaines, banques centrales qui relancent leur soutien monétaire et stabilisation économique grâce à la consommation, les marchés ont profité à plein de ces trois facteurs de soutien en 2019.

Pour 2020, ces trois axes, politiques, monétaires et économiques, seront une fois de plus à surveiller, et nous permettent de dégager dix questions clés dont dépendrontles comportements des marchés.

Le retour de l’incertitude politique

1. Le Moyen Orient, l’inévitable maelstrom?

La frappe militaire américaine en Irak sur le convoi du général iranien Soleimani, vendredi 3 janvier 2020, a rappelé l’instabilité de la région. La zone essentielle pour l’économie mondiale demeure le détroit d’Ormuz, par lequel transite plus du tiers deséchanges pétroliers de la planète. Un blocage dans le cadre d’une escalade entre l’Iran et les Etats-Unis pourrait faire durablement remonter les cours de l’or noir et peser sur la croissance.

2. La Chine, le prix d’une ambition?

La présidence de Xi Jinping a tournéla page de la «puissance modeste» chère à Deng Xiaoping et affirme ses ambitions géopolitiques. Dans le monde et d’abord en Asie, la Chine entend redevenir cet «Empire du Milieu», autour duquel tournent des puissances vassales. Plusieurs zones sont à surveiller: les iles Senkaku/Diaoyu administrées par le Japon et les Paracels, contestées par les Philippines, mais surtout Taïwan: en cas de victoire des indépendantistes aux élections législatives et présidentielles du 11 janvier, Xi Jinping ne pourrait rester sans réaction.

3. Le Brexit, mais quand exactement?

Les élections générales du 12 décembre ont donné une majorité claire à Boris Johnson, qui pourra donc officiellement faire valider par le Parlement l’accord de Brexit en janvier et ouvrir le 1er février la phase de transition de onze mois qui doit conduire le Royaume -Uni à sortir de l’Union Européenne le 31 décembre 2020. Deux questions se poseront alors. L’une, à court terme: à l’issue dece délai de onze mois, peut-il y avoir un Brexit sans accord, ou avec un accord tellement limité qu’il ouvre une nouvelle période d’incertitude? et, à plus long terme, quel impact sur l’unité du Royaume Uni, en Ecosse et en Irlande?

4. Les États-Unis, quel tournant pour une élection capitale?

Le 3 février, les primaires démocrates de l’Iowa lanceront le processus électoral américain conduisant le 3 novembre prochain à l’élection du Président, des représentants et du tiers des sénateurs. Au-delà des pronostics de victoire, les marchés seront attentifs à deux éléments: le candidat démocrate se situe-t-il dans le droit fil «centriste» de ses prédécesseurs Bill Clinton et Barack Obama ou veut-il «renverser la table»? et, en cas de réélection de Donald Trump, pourra-t-il maitriser son imprévisibilité, privé d’un nouvel objectif électoral? Sans parler d’un scénario similaire à l’élection de Georges W Bush face à Al Gore...

Les politiques monétaires sous pression

5. Les taux négatifs,vers la fin?

Les taux ont atteint en 2019 des plus bas historiques, un tiers des obligations souveraines dans le monde passant même en territoire de taux négatif en octobre. Ce qui devrait être une bénédiction pour l’économie, avec un financement facilité pour l’investissement et la consommation, se révèle problématique. La chute continuelle des taux n’a pas permis de relancer l’inflation et le système bancaire européen est fragilisé par les taux négatifs. La situation est susceptible d’évoluer en 2020: la banque centrale de Suède a montré le chemin en relevant ses taux à zéro fin 2019 et la BCE pourrait, via le système de taux échelonnés («tiering»), vider progressivement son taux de dépôt négatif de sa substance.

6. Les Banques centrales au bout de la route?

Le revirement spectaculaire des banques centrales en 2019 s’est traduit non seulement pas de nouvelles baisses de taux, mais aussi par la reprise des injections de liquidités. Dans les trois derniers mois de l’année, les injections de la Fed ont ainsi, à elles-seules, fait monter le bilan de l’institution de 350 milliards de dollars et la BCE a suivi le mouvement en novembre. Elles seront probablement contraintes d’être encore accommodantes en 2020.

7. L’inflation peut-elle revenir, et mettre sous pression le dollar?

L’inflation a-t-elle définitivement disparue, emportée par l’énergie abondante et par les pressions déflationnistes que font peser la digitalisation du monde et la fragmentation du monde du travail? Méfiance quand même, en particulier aux Etats-Unis: les tensions au Moyen-Orient et la baisse de la productivité des puits de pétrole de schiste américains pourraient bien faire remonter l’inflation via les matières premières. En outre, une victoire démocrate à la Présidentielle et au Congrès américain ouvrirait la voie à une augmentation des salaires.

L’économie à la relance

8. L’Europe peut-elle lâcher la bride budgétaire?

Face à un déficit de croissance persistant, les pressions se multiplient pour que les pays européens qui disposent de marges de manœuvre, au premier rang desquels l’Allemagne, les utilisent pour relancer l’activité. La République Fédérale reste très attachée à la discipline budgétaire. Qui plus est, la limite de 0,35% de déficit public est inscrite dans la loi fondamentale allemande. Mais les temps changent Outre-Rhin et, après le virage à gauche du SPD en décembre dernier, la survie de la Grande Coalition passe par une approche plus flexible, ce serait une bonne nouvelle pour l’Europe et pour les marchés.

9. La Chine va-t-elle sauver la croissance mondiale?

La Chine ralentit, c’est une certitude. Rien de plus naturel pour la deuxième économie mondiale. Elle semble néanmoins prête à tout pour préserver le seuil symbolique des 6% de croissance, Elle a, dans les derniers jours de 2019, annoncé successivement un plan d’investissement massif dans les infrastructures, essentiellement de transport, ainsi que la baisse du taux d’emprunt. Reste que la Chine cherche avant tout à préserver ses propres intérêts et ceux de ses entreprises nationales, y compris via ses plans de relance... à la différence des appétits de consommation de la classe moyenne et supérieure chinoise qui resteront un puissant moteur de l’économie mondiale.

10. Les bénéfices des entreprises vont-ils repartir?

Les multiples de valorisation ont nettement progressé sur les marchés actions en 2019. La poursuite de la hausse nécessite désormais une progression des bénéfices par action, à l’arrêt depuis presque deux ans. Deux voies sont possibles pour y arriver: uneamélioration macro-économique d’ensemble suite, par exemple, à des politiques fiscales expansionnistes, ou l’accélération tant attendue des gains de productivité, concrétisant ainsi la diffusion rapide des innovations digitales dans l’économie.

La croissance économique mondiale a réaccéléré depuis septembre 2019

Source: Bloomberg / Montpensier Finance au 3 janvier 2020

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