Dette subordonnée financière

Paul Gagey, Axiom Alternative Investments

2 minutes de lecture

Bien capitalisées, les banques européennes offrent aujourd’hui une opportunité attractive de capturer des rendements de qualité.

La dette subordonnée financière offre aujourd’hui un rendement proche de deux chiffres pour un émetteur noté «investment grade». Le plus intéressant dans cet environnement marqué par une forte volatilité est la solidité des banques européennes qui sont maintenant très bien capitalisées avec une qualité d'actifs historiquement élevée contrairement à la précédente crise financière. Ceci a été rendu possible grâce aux différentes itérations des accords de Bâle.

En effet, dans le cadre de la réglementation actuelle, les banques doivent maintenir un certain niveau de capital réglementaire pour exercer leurs activités commerciales ou distribuer des dividendes par exemple. Cette contrainte a amené le ratio de capital moyen des banques européennes à être multiplié par plus de 2,5 depuis 2008 pour atteindre 15,8% au deuxième trimestre 2022 contre 6% en 2008 (données EBA).

De plus, le risque global des institutions financières européennes s’est considérablement réduit grâce à un effet de levier plus faible de leur modèle économique. Le financement d'opérations risquées est désormais beaucoup plus coûteux pour une banque en termes de capital et, par conséquent, la qualité de leurs actifs s'est nettement améliorée. Le ratio de prêts non performants moyen des banques européennes a fortement diminué pour atteindre 1,8% à la fin du deuxième trimestre 2022, soit une baisse d’un tiers par rapport à son niveau de 2014 (données EBA).

Pour rappel, les fonds propres réglementaires comprennent les fonds propres de base (actions ordinaires et réserves) auxquels s’ajoutent les instruments de dette subordonnée de type AT1 (mécanisme d'absorption de pertes en continuité d’exploitation) et de type Tier 2 (mécanisme d'absorption des pertes en cas de résolution).

Cette capacité à être comptabilisée comme capital réglementaire offre aux investisseurs de dette subordonnée une prime supplémentaire par rapport à une dette non financière similaire. Pour être éligibles à ce statut, ces instruments doivent répondre à certaines caractéristiques intrinsèques, notamment une maturité très longue ou perpétuelle intégrant une option d'achat (un call) à la discrétion de l'émetteur. Cette caractéristique devient un élément clé dans la performance de ces obligations.

Le rendement au call peut différer considérablement du rendement à maturité lorsqu'il s'agit d'obligations à perpétuité remboursables par anticipation. La capacité à évaluer correctement la date de call et à maîtriser le risque d'extension de tels instruments est essentielle pour extraire de la valeur.  

Une source de valeur alternative peut également être trouvée dans les émissions d’institutions financières de moyenne capitalisation qui offrent un surplus de rendement par rapport aux émissions de grandes banques systémiques bien qu’elles soient très souvent moins volatiles que ces dernières avec des fondamentaux très robustes. L’exemple le plus récent est l’émission inaugural en septembre dernier de la banque belge mutualiste, Crelan, spécialisée dans le financement du secteur agricole.

Crelan a émis pour la première fois une obligation Sénior Non Préférée d’une maturité de 3 ans avec un coupon généreux de 5 3/8. La banque est notée A- et affiche un ratio de capital de 20,81%.  Cette tendance devrait se poursuivre car il existe beaucoup de banques de taille moyenne avec des montants de capital très confortables qui, dans le cadre des nouvelles exigences réglementaires, doivent émettre des instruments éligibles au ratio MREL* afin de constituer un coussin de fonds propres utilisable dans la logique du bail-in.

C'est donc une cible d'émetteurs particulièrement intéressante pour les poches à duration courte et en faible risque de crédit.

Avec ce niveau de rendement actuel, le recours à l’allongement de la duration et/ou à l’augmentation du risque de crédit ne sont donc plus les uniques leviers pour générer un rendement attractif dans l’univers obligataire. Même dans le cas d'un nouvel élargissement des spreads, le portage offert par les nouvelles émissions constitue un coussin de sécurité relativement élevé pour absorber la baisse potentielle par rapport au contexte du début de l'année.

 

* MREL: Minimum Requirement for own funds and eligible liabilities

A lire aussi...