Focus sur la dette subordonnée bancaire

Salima Barragan

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Les banques bénéficient d’un soutien réglementaire sans précédent, estime Paul Gurzal, Head of Credit de la Française AM.

Bien que la dette subordonnée européenne n’ait toujours pas retrouvé son niveau d’avant la crise, elle a évolué positivement durant l’été. Pour Paul Gurzal, Head of Credit chez la Française AM, cette classe d’actif est plus attractive que celle du High Yield européen. Tout particulièrement les Contingent Convertibles Bonds (CoCos), portées par des récentes mesures de soutien réglementaires qui permettront aux banques de traverser la crise sans contre-coup. Entretien.

Quel scénario envisagez-vous pour la dette subordonnée?

Les craintes macro-politiques restent très présentes avec de nouvelles mesures restrictives liées à la pandémie, le risque d’un Hard Brexit et des élections américaines chahutées. Mais grâce à l’appui sans faille des banques centrales par des mesures de soutien quantitatif sans précédent, le marché du crédit européen sera moins sujet aux aléas à long terme. Désormais, une partie du segment «Investment Grade» est administrée comparablement aux taux souverains. Les risques de volatilité demeurent, mais dans l’environnement actuel de taux bas, l’effet de portage agit comme une force de rappel. Cependant, en dépit des bons fondamentaux et des facteurs techniques de la dette subordonnée, tant que la crise sanitaire ne sera pas jugulée, le retour à son niveau normal sera progressif et sujet à plusieurs heurts de marché.

L’heure n’est plus à la punition réglementaire et les banques
sont devenus un secteur prioritaire et seront durablement soutenu.
Pouvez-vous revenir sur les dispersions observées au sein de la classe d’actifs durant ces trois derniers mois?

Les performances des Tier 1 (également appelées CoCos) se sont nettement redressées, avec une surperformance des titres bancaires espagnols et italiens de second rang, tels que Banco BPM, Ibercaja, Bankia, Sabadell. Les dettes subordonnées hybrides d’entreprises non-financières ont moins bien performées, du fait de valorisations plus onéreuses et d’incertitudes sur la vigueur de la reprise économique européenne.

Comment expliquez-vous la surperformance des émetteurs bancaires périphériques?

La stabilisation des taux souverains périphériques grâce aux mesures de soutien de la BCE a contribué à la performance.  Ces établissements ont également publié au deuxième trimestre des résultats rassurants. Enfin, la thématique des fusions et acquisitions est de retour avec les rapprochements de UBI Banca avec Intesa San Paolo et Bankia avec CaixaBank qui solidifieront les segments bancaires les moins rentables.

Pourquoi les CoCos sont-elles particulièrement attractives vis-à-vis du segment à haut rendement européen?

Si l’on prend les indices Bloomberg Barclays au 22 septembre, le rendement moyen des CoCos libellées en euro est de 6,1%, contre 4,7% pour le High Yield européen. Cet écart de valorisation ne reflète pas les différences fondamentales entre les deux instruments, car les Cocos bénéficient d’un soutien réglementaire sans précédent, tandis qu’une partie du gisement High Yield souffre d’une résurgence des craintes de défauts de paiement et de problèmes opérationnels au sein des industries cycliques.

Aucun risque donc pour les banques d’être affectées par la crise?

Cette fois-ci, les banques ne sont pas coupables contrairement à la crise de 2007-2008. Au contraire, elles ont un rôle crucial à jouer: celui du prêteur qui finance l’économie réelle. Pour contrer le choc économique et financier que nous traversons, les législateurs et régulateurs européens ont octroyé aux banques des mesures de soutien sans précédent très favorables à leurs dettes subordonnées: pas de suspension de paiement des coupons des CoCos, suspension des règles d’absorption des pertes des dettes subordonnées pour permettre aux Etats de recapitaliser librement les banques, relâchement des contraintes de fonds propres et de liquidité, ainsi que flexibilité dans la comptabilisation des provisions à effectuer dans les trimestres à venir. En résumé, l’heure n’est plus à la punition réglementaire et les banques sont devenus un secteur prioritaire et seront durablement soutenu.

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