De la protection des portefeuilles obligataires

Raffaele Prencipe, DPAM

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Si le risque inflationniste a effectivement disparu, les obligations indexées sur l’inflation ont-elles encore une utilité?

Différents facteurs sont à l’origine de la récente flambée inflationniste. En 2020, les confinements résultant de l’épidémie de coronavirus se sont traduits par une réduction de l’offre de biens et de services, alors que de l’autre côté de l’équation, la demande était dopée par des politiques monétaires très accommodantes et d’importants déficits budgétaires. Cette demande excédentaire a entraîné une hausse des prix. L’inflation ayant été quasi inexistante durant des décennies, les banques centrales des pays développés ont tardé à réagir.

A ce premier choc est venu s’en ajouter un second en 2022: la guerre entre la Russie et l’Ukraine et les sanctions qui l’accompagnent ont entraîné une réduction de l’offre de céréales, de pétrole et de gaz et, par conséquent, une hausse des cours des matières premières. Les politiques budgétaires demeurant expansionnistes alors que les politiques monétaires devenaient restrictives, cela a eu également un impact sur les conditions de financement.

Où vont les prix?

A l’heure actuelle, peut-on estimer le problème de l’inflation résolu? L’inflation est en baisse et la diminution des stocks de biens et d’énergie ces prochains mois devrait contribuer à la faire reculer davantage. Cette évolution pourrait cependant connaître des à-coups comme on l’a vu récemment avec la baisse du prix du gaz en Europe et celle de l’essence et du pétrole aux Etats-Unis qui ont dopé la demande. Les conditions financières se sont améliorées.

Il n’est pas exclu que les banques centrales révisent leur cible d’inflation et la fassent passer de 2 à 3%.

A moyen terme, on ne sait pas exactement combien de temps il faudra pour absorber le besoin de rattrapage des dépenses ni si le marché du travail va commencer à se détendre. A long terme, nombreux sont ceux qui tablent sur le retour à une situation dans laquelle inflation, croissance, productivité et taux d’intérêt resteront à un bas niveau.

Néanmoins, différents facteurs pourraient les pousser à la hausse. La démondialisation est susceptible d’entraîner une hausse des coûts d’approvisionnement et la transition écologique pourrait se traduire par un accroissement de la demande. Il n’est pas exclu que les banques centrales révisent leur cible d’inflation et la fassent passer de 2 à 3%. Par ailleurs, le sentiment général pourrait se modifier: l’inflation résulte des décisions prises par des milliards d’individus influencés par leurs propres attentes en matière d’inflation et qui peuvent faire preuve d’un comportement irrationnel.

Une inflation sous-estimée

Dans ce contexte, les obligations indexées sur l’inflation peuvent-elles encore avoir une quelconque utilité? Durant toute la période inflationniste actuelle, les acteurs du marché ont estimé que les banques centrales atteindraient rapidement leur cible de 2%, car les points morts d’inflation(1) pour les obligations de maturité 5 ans n’ont jamais dépassé 3,8%, ni aux Etats-Unis ni dans la zone euro. Ce chiffre reflète une sous-estimation de grande ampleur de la hausse des prix, puisque cette dernière s’est établie à plus de 7% en moyenne (indice des prix à la consommation) ces 18 derniers mois.

Les obligations indexées sur l’inflation battent leurs homologues traditionnelles lorsque l’inflation s’avère supérieure au point mort d’inflation au moment de l’achat. Ainsi, une obligation américaine indexée de maturité 5 ans acquise le 1er janvier 2021 dégagerait à ce jour un rendement positif alors que celui d’une obligation classique de même maturité serait de l’ordre de -9%.

La performance des obligations indexées dépend de leur rendement réel augmenté ainsi que de l’impact de l’inflation (IPC) sur le principal et le coupon de l’obligation. Or, les rendements, qu’ils soient réels ou nominaux, ont considérablement augmenté. Sachant que les points morts d’inflation baissent en général plus fortement durant la phase de contraction du cycle économique, il se pourrait donc que les rendements de 2,2 et 2,3% pour les obligations indexées de maturité 10 ans représentent encore une sous-estimation. Par conséquent, même si le pire est passé, les obligations indexées sur l'inflation peuvent encore jouer un rôle de protection dans un portefeuille de titres à taux fixes.

 

(1) Le point mort d’inflation désigne le taux d’inflation nécessaire pour qu’une obligation indexée sur l’inflation et une obligation classique, à termes équivalents (émetteur, échéance, devise, etc.), aient le même rendement. Pour calculer le point mort d’inflation, il suffit donc, en théorie, de soustraire le taux de rendement réel de l’obligation indexée sur l’inflation au taux de rendement nominal de l’obligation classique (source: http://financedemarche.fr/definition/point-mort-dinflation)

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