De la guérison à la croissance

Bill Street & Daniele Antonucci, Quintet Private Bank

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Malgré les préoccupations inflationnistes à court terme et le regain de volatilité attendu, les perspectives qui se dessinent pour l'économie mondiale et les marchés actions sont positives.

Sous l'impulsion des États-Unis, la croissance économique mondiale restera vigoureuse jusqu'à la fin de l'année, la majeure partie du monde retrouvant son niveau d'activité antérieur à la pandémie d'ici fin 2021. Les autorités continueront à soutenir l'activité économique et l'emploi, notamment en poursuivant des politiques inflationnistes, même si le pic actuel d'inflation des prix à la consommation ne devrait être que temporaire.

Tel est le point de vue de Bill Street, Chief Investment Officer et de Daniele Antonucci, Chief Economist de Quintet Private Bank qui a publié aujourd'hui son Counterpoint semestriel dans lequel sont exposées cinq tendances concernant l'économie mondiale, les marchés financiers et les principales classes d'actifs.

1. UNE ÉCONOMIE À HAUTE PRESSION

L'économie mondiale est enfin en passe de laisser la pandémie derrière elle, note Monsieur Antonucci. Après la Chine, les États-Unis et le Royaume-Uni, la réouverture est également amorcée en l'Europe, où les programmes de vaccination s'accélèrent et où les restrictions sont enfin assouplies de manière plus notable.

Plus généralement, la réouverture en cours et les mesures de relance des pouvoirs publics susciteront un solide rebond de l'activité économique, estime Monsieur Antonucci, qui s'attend à ce que le rythme de croissance commence à se normaliser lorsque l'activité aura atteint les niveaux antérieurs à la pandémie. «À ce stade», ajoute-t-il, «les conditions économiques devraient rester solides, les autorités continuant à stimuler l'économie afin qu'elle finisse par s'autoalimenter.»

La rotation cyclique continuera d'être efficace tant que l'économie sera en phase de réouverture, selon Monsieur Street. Les investisseurs doivent continuer à s'exposer à la croissance et aux mesures de relance budgétaire, ainsi qu'au commerce mondial, aux dépenses d'infrastructure et à l'activité industrielle. Les marchés actions restent prometteurs, précise-t-il, ajoutant que les actions mondiales, américaines et britanniques de petite capitalisation présentent toutes de l'intérêt à l'heure actuelle.

Monsieur Street estime toutefois que les actions des marchés émergents risquent de rester sous pression, tandis que les marchés privés et les multi-stratégies devraient continuer à permettre une optimisation des performances. «Le crédit Investment Grade et les titres à haut rendement risquent de présenter un potentiel de hausse relativement limité à court terme, tandis que certaines matières premières liées à la décarbonation semblent bien soutenues à plus long terme», indique-t-il.

2. UNE INFLATION TROMPEUSE

Les marchés restent aujourd'hui préoccupés par les risques inflationnistes à court terme associés à la hausse des prix du pétrole. Dans la mesure où la croissance des salaires reste modérée et où l'innovation technologique et le vieillissement de la population continueront de jouer un rôle désinflationniste à long terme, Monsieur Antonucci estime que l'inflation devrait ensuite ralentir et le rythme de la hausse des prix devrait globalement rester inférieur aux objectifs des banques centrales au cours des prochaines années.

En termes d'investissement, Monsieur Street précise que le fait que les marchés restent focalisés sur les risques d'inflation à court terme entraînera une forte volatilité sur les marchés obligataires. En outre, cela risque de nuire occasionnellement aux actifs à duration longue, notamment aux valeurs technologiques. «Nous pourrions assister à une fluctuation des attentes en matière d'inflation à plus long terme et à une demande potentielle en faveur des actifs réels (comme les actions, les marchés privés et les obligations indexées sur l'inflation) et des instruments de couverture contre l'inflation comme l'or et les matières premières,» déclare Monsieur Street.

3. MAINTIEN PROLONGÉ DES TAUX BAS

Selon Monsieur Antonucci, lorsque l'activité économique atteindra le milieu du cycle, les banques centrales s'abstiendront de relever les taux pour permettre aux États de financer leurs vastes programmes de relance à un coût raisonnable. «Compte tenu des niveaux d'endettement record, les banques centrales n'ont d'autre choix que de maintenir les taux directeurs à un niveau très bas pour permettre un financement public et une relance budgétaire bon marché.»

«En général, lorsque le cycle passe du stade initial à un stade un peu plus avancé, les courbes de taux ont tendance à s'aplatir,» ajoute Monsieur Street. «Cette fois-ci, nous pensons que la pentification des courbes de taux se prolongera, ce qui devrait également profiter à certaines valeurs bancaires et financières dans le segment des actions et du crédit, mais pourrait continuer à pénaliser certains marchés émergents sur l'ensemble des classes d'actifs.»

4. LE POUVOIR DES MOTS

Des événements inattendus, comme l'apparition de nouveaux variants du virus, pourraient faire dérailler la reprise. Mais le principal risque, selon Monsieur Antonucci, est celui d'abuser des bonnes choses : une croissance plus forte que prévu et une période d'inflation potentiellement plus longue pourraient entraîner une revalorisation sur le marché obligataire, aplatissant les courbes à mesure que les investisseurs testent la détermination des banques centrales à s'abstenir de relever leurs taux. «Il faut s'attendre à ce que les périodes de hausse des rendements obligataires alternent avec des phases de surperformance des actifs à risque», déclare-t-il. «De nombreux épisodes de volatilité sont à prévoir.»

Selon Monsieur Street, l'épicentre de tout regain de volatilité sera probablement le marché des taux, ce qui pourrait pénaliser les actifs plus risqués par le biais d'un facteur d'actualisation plus élevé. Cela supposerait également des périodes moyennes de vigueur du dollar, notamment par rapport aux monnaies à faible rendement comme l'euro et, dans une certaine mesure, le yen et le franc suisse, alternant avec des périodes de repli modéré du billet vert. «Nous anticipons également une légère appréciation de la livre sterling, l'économie britannique rebondissant plus fortement que la plupart de ses homologues et s'adaptant au contexte post-Brexit,» ajoute-t-il.

5. RETOUR VERS LE FUTUR

Le Covid-19 a fortement accéléré le processus de transition vers le numérique. Il a favorisé l'innovation de rupture, non seulement dans le domaine de la technologie, mais également dans celui de la science et de la médecine, ainsi que l'explosion des dépenses d'investissement dans la recherche et le développement et l'adoption extrêmement rapide des nouvelles technologies.

«Il a fallu 40 ans pour que le téléphone affiche un taux d'adoption de 40 %, le téléphone portable a atteint ce chiffre en 20 ans environ et le smartphone en à peine 10 ans,» explique Monsieur Antonucci. «En comparaison, les outils de visioconférence en ligne comme Zoom, Teams et Skype, ont été adoptés à grande échelle quasiment du jour au lendemain. L'écart entre les utilisateurs précoces et la consommation de masse n'a jamais été aussi mince.»

En termes d'investissement, Monsieur Street souligne que dans la phase actuelle de début de cycle, les valeurs de croissance/à longue duration, comme les valeurs technologiques, sont susceptibles d'être pénalisées par un facteur d'actualisation légèrement plus élevé. «Toutefois, l'horizon qui importe est plus lointain. Les investisseurs doivent tenir compte du fait que les changements structurels plus profonds se déploient sur de nombreuses années», explique-t-il. «C'est à travers ces paramètres que les investisseurs doivent envisager les technologies de rupture et les opportunités à long terme qu'elles présentent.»

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