La facture est salée, mais le jeu en valait la chandelle selon la 14e étude économique de la BCGE et la CCIG en collaboration avec deux professeurs de l’HES-SO, dont Sylvain Weber.
Genève est-elle prête pour la prochaine crise? Oui répondent en cœur les auteurs, chercheurs de l’HES-SO, et les sponsors de l’étude conjointe de la BCGE, la CCIG et l’OCSTAT, dont les conclusions provisoires ont été présentées hier. Un oui qui, s’il n’est pas un «oui mais», ne cache rien des forces et faiblesses structurelles de l’écosystème de la capitale romande, tout en concluant au renforcement des premières face aux secondes. Retour sur la 14e édition d’un rendez-vous attendu depuis son lancement en 2008.
Le tableau n’est pas rose, ni uniforme pour Genève, qui confirme un différentiel de 2% par rapport au taux de chômage moyen de la Confédération, COVID ou non. Une mauvaise nouvelle car «le chômage est difficile à résorber, il tend à se perpétuer dans le temps, explique Sylvain Weber, professeur assistant à la Haute école de gestion de Genève (HEG /HES-SO). C’est ce que l’on appelle l’effet d’hystérèse: même lorsque le PIB repart à la hausse, comme on l’a constaté dès le troisième trimestre 2020, le chômage a continué à augmenter. Ainsi que le nombre de demandeurs d’emploi non-chômeurs, signe d’une population en attente de réorientation professionnelle, qui n’a pas encore trouvé de nouvelles positions – leur proportion a augmenté à tel point qu’ils représentent aujourd’hui 35% de toutes les personnes inscrites en ORP.» Cela étant, de manière générale, la performance de Genève pendant cette crise a suivi les grandes tendances de la Confédération, selon un rythme commun, pointent les auteurs de l’étude: une chute du PIB de 6% au deuxième trimestre 2020 suivie d’un rebond du même ordre, 6%, au troisième trimestre 2020. Il en va de même pour d’autres indicateurs clés, notamment le commerce extérieur, divisé par trois en 2020 – les importations n’ayant pas retrouvé leur niveau pré-COVID contrairement aux exportations, signe d’une préférence pour les produits locaux? La contraction des exportations et des importations s’est vérifiée à Genève comme dans les autres cantons.
Là où Genève se différencie positivement, c’est sur la structure de son économie, dont les composantes diversifiées ont prouvé leur résilience. Banques, négoce de matières premières, horlogerie, pharmaceutiques ont d’autant mieux performé pendant la crise qu’elles ont pu compter sur des accords cadres favorables. «Cette étude nous en dit long sur la solidité des fondamentaux de l’économie genevoise», explique Vincent Subilia, directeur général de la CCIG, qui confie espérer que la crise en V de devienne pas une crise en W. «La crise sanitaro-économique que nous avons traversée et qui continue, poursuit-il, a démontré que les conditions cadre – fiscalité, équilibre budgétaire, politique de l’emploi, mobilité, ou aménagement – ont permis à l'écosystème genevois de passer le stress test du COVID avec succès.» Ainsi, si ’emploi reste la lanterne rouge de l’économie genevoise, sa diversification occupe le haut du panier de ses avantages structurels, de sa solidité, de son attractivité.
Le directeur général de la CCIG se félicite que les leçons apprises au cours de la crise sans précédent ¬ ni la longue crise des années 1990, ni celle des subprimes n’avaient impacté aussi brutalement la croissance et l’emploi en Suisse – puissent être utilisées à bon escient à l’avenir, de nouvelles crises s’annonçant à un horizon plus certain que lointain. Une de ces leçons concerne l’importance de la voix de l’économie dans le champ du politique au sens de la polis grecque. Une autre leçon tient à l’impact des aides directes, à fonds perdu, une initiative sans précédent prise par les autorités pour contrer la soudaineté et la profondeur de l’impact de la fermeture des frontières le 16 mars 2020. «2’000 crédits COVID ont été distribués aux entreprises genevoises par la BCGE, soit 200 millions de francs en 3 mois, souligne Christophe Weber, Director, Corporate Affairs & Communication de la BCGE. Ces aides, garanties par la Confédération, ont été octroyées dans un but précis: il ne s’agissait pas de maintenir sous oxygène des entreprises condamnées à la faillite, COVID ou non, mais de leur permettre de faire face à des coûts fixes et de traverser la tourmente. Aujourd’hui, la tendance est au remboursement des crédits, pari gagné.»
Vaccinée contre le COVID, l’économie genevoise, qui en a vu d’autres, se prépare à un nouveau variant, forte des doses de sagesse engrangées et de son pragmatisme à toute épreuve.