Composer avec les aléas de la campagne présidentielle aux Etats-Unis

James Mazeau, UBS Global Wealth Management

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L’un des principaux points de divergence portera sur la surveillance réglementaire des entreprises, un domaine dans lequel les présidents disposent d’une latitude considérable.

©Keystone

 

La campagne présidentielle aux Etats-Unis entre dans le vif du sujet, avec un duel entre le sortant Joe Biden et son prédécesseur Donald Trump. Les médias s’intéresseront de près aux rebondissements de la course à la Maison Blanche. Les investisseurs seront également tentés de tirer des conclusions préliminaires sur l’impact des résultats sur les marchés. Décryptage.

Cependant, même si le résultat pourrait avoir des répercussions considérables sur les politiques publiques, sur l’économie et sur les marchés, les investisseurs devraient éviter de modifier sensiblement leur portefeuille en fonction de leurs opinions ou de leurs penchants politiques. L’histoire montre qu’il n’est pas facile de deviner quels seront les investissements gagnants dans l’optique des élections américaines et qu’il vaut mieux ne pas s’y prendre trop en amont du scrutin.

Ne pas se fier outre mesure aux sondages

L’élection présidentielle a lieu en novembre mais les politologues et les investisseurs commencent souvent à faire des prédictions dès le printemps. L’histoire enseigne qu’il s’agit d’une erreur. Les candidats qui sont en tête des sondages au printemps, voire au début de l’été, ne sont pas nécessairement les vainqueurs. En 1980, en 1988 et en 1992, les candidats donnés gagnants en début de campagne ont échoué dans la course à la Maison Blanche.

A titre d’exemple, le gouverneur démocrate, Michael Dukakis, devançait le vice-président George H. W. Bush de 17 points à la fin du mois de juillet 1988, mais c’est ce dernier qui est devenu président. A noter également que les sondages réalisés avant le «Super Tuesday» ont exagéré la marge avec laquelle Donald Trump devait l’emporter, une piqûre de rappel quant à la nécessité de ne pas accorder trop d’importance aux sondages d’opinion.

Les élections au Congrès ont également leur importance

Les présidents américains ont une grande latitude en matière de politique étrangère et de commerce extérieur. En revanche, sur les questions intérieures, ils doivent composer avec le Congrès. Par conséquent, les grandes réformes économiques ou sociales ne sont généralement adoptées que lorsqu’un parti contrôle la Maison Blanche et est majoritaire à la Chambre des représentants et au Sénat.

Forts de leur claire victoire en 2016, les républicains ont pu adopter une réforme fiscale majeure. De même, les démocrates ont approuvé trois projets de loi phares peu après avoir pris le contrôle de tout l’appareil d’Etat en 2020.

Il faut «tenir» les deux Chambres

Par conséquent, l’impact sur la politique économique et sur les marchés sera plus important si l’un ou l’autre des partis s’empare à la fois de la Maison Blanche et du Congrès. Par exemple, si les républicains y parviennent, la baisse des taux marginaux d’imposition et le relèvement du seuil de l’impôt sur les successions adoptés lors du premier mandat de Donald Trump – qui sont censés expirer fin 2025 – pourraient être pérennisés. En revanche, s’ils ne parviennent pas à prendre le contrôle du Congrès, cela ne se produira probablement pas.

Une majorité dans les deux chambres permettrait également aux républicains de supprimer les subventions aux énergies vertes adoptées par l’administration Biden. De même, si les démocrates prennent la Maison Blanche et le Congrès, ils pourraient être en mesure d’augmenter l’impôt sur les sociétés, comme l’a proposé Joe Biden.

Entre les partis: plus de points communs qu’imaginé

Au cours de la prochaine campagne, l’un des principaux points de divergence portera sur la surveillance réglementaire des entreprises, un domaine dans lequel les présidents disposent d’une latitude considérable. On peut s’attendre à un durcissement des mesures antitrust et de la surveillance réglementaire en cas de victoire de Joe Biden. En particulier dans les secteurs de l’énergie, de la finance et de la santé.

En revanche, s’il revient à la Maison Blanche, Donald Trump instaurera sans doute de nouveaux droits de douane sur les importations, possiblement avec un taux universel de 10% et des mesures spécifiques visant les produits chinois. A l’inverse, Joe Biden devrait répondre aux inquiétudes suscitées par la Chine en nouant des alliances stratégiques et en prenant des sanctions.

Beaucoup de convergences

Toutefois, même s’il existe des différences de politiques significatives entre les deux partis, ce fossé peut être exagéré. Par exemple, les investisseurs qui s’attendaient à ce que Joe Biden, un président à la fibre écologiste, mette un coup de frein aux forages pétroliers ont eu une bonne ou une mauvaise surprise (selon leur point de vue).

En effet, sous sa présidence, les Etats-Unis ont porté leur production pétrolière à un niveau record, confortant leur rang de leader mondial devant l’Arabie saoudite et la Russie. Il convient de noter qu’au début du mandat de Joe Biden, les actions du secteur des énergies vertes ont été à la traîne et que les compagnies pétrolières ont nettement surperformé. Par ailleurs, les géants du secteur de la défense ont sous-performé après l’élection de Donald Trump en 2016.

Faire abstraction de son parti politique

Pour conclure, les investisseurs seraient bien avisés d’ajuster leur portefeuille pour tenir compte des risques ou des opportunités associés à l’élection. Mais seulement lorsqu’ils auront une vision plus claire de l’issue du scrutin. Dans l’ensemble, il faut faire abstraction des considérations politiques lorsque l’on prend des décisions plus générales et à plus long terme concernant les portefeuilles.

Une préférence marquée pour l’un des partis – aussi rassurante soit-elle sur le plan affectif – peut biaiser le jugement d’un investisseur, l’amenant ainsi à faire preuve d’optimisme ou de pessimisme au plus mauvais moment. 

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