Chine, sous pression

Charlie Carré, BCGE

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Aux prises avec des enjeux domestiques et internationaux, elle détourne l’attention et obtient l’élargissement des BRICS.

En proie à une dégradation de ses relations avec l’Occident et à un affaiblissement de sa dynamique économique, la Chine poursuit son activité diplomatique. Dernièrement, elle a ardemment milité en faveur de l’élargissement du groupe des BRICS, composé initialement du Brésil, de la Russie, de l’Inde, de la Chine et de l’Afrique du Sud. Elle a obtenu gain de cause lors du récent sommet de Johannesburg qui a entériné l’élargissement du groupe à l’Arabie saoudite, l’Argentine, l’Egypte, les Emirats arabes unis, l’Ethiopie et l’Iran. Ces Etats rejoindront formellement le groupe le 1er janvier 2024. Sans réel cadre institutionnel, les BRICS ne disposent que d’une banque de développement qui peine à se financer, cette coalition réunit des membres très hétérogènes tant en termes de développement économique que de systèmes politiques ou de gouvernance. Mais elle concentre désormais près de la moitié de la population mondiale et 36% du PIB mondial selon les données publiées le FMI (en parité de pouvoir d’achat1). Surtout, quatre de ses membres font partie du top 10 des réserves pétrolières mondiales et cinq des réserves de gaz. Le groupe jouit en outre d’une place de choix dans la chaîne d’approvisionnement des métaux stratégiques.

Ces statistiques ne sauraient toutefois cacher que l’élargissement constitue pour l’heure la seule option du groupe pour accroître sa sphère d’influence, un approfondissement étant rendu impossible par l’absence de cadre institutionnel et par les divergences entre Etats qui demeurent nombreuses. La volonté de la Chine d’unir derrière elle un front anti-américain ne fait pas consensus et Xi Jinping a fait défection lors du sommet du G20 organisé par l’Inde les 9 et 10 septembre dernier. Reste que les BRICS constituent un «ensemble» économique de poids qui devrait néanmoins intensifier ses échanges et ses partenariats, sources de croissance.

Une dynamique économique grippée

Tandis que l’écrasante majorité des économies de la planète est aux prises avec une inflation persistante et toujours trop élevée, la Chine fait encore une fois figure d’exception, le pays étant entré en territoire déflationniste cet été. L’indice est principalement tiré vers le bas par la déflation des prix alimentaires, des transports et des services & articles à destination des ménages, illustrant la faiblesse de la demande des particuliers et la crise de confiance dans laquelle ils sont englués. En dépit de l’assouplissement (graduel mais continu) des taux de référence décidés par la People’s Bank of China, l’activité domestique est atone. De leur côté, les exportations chinoises, traditionnel moteur de l’économie, souffrent des pressions cycliques qui affectent les échanges internationaux de biens.


 

Les obstacles ont été, et sont toujours, de taille. D’abord, l’économie chinoise a été muselée par la fermeté des mesures zéro-Covid mises en place par les autorités et les stigmates sont encore vifs, plus de trois années après l’émergence de la pandémie. Ensuite, les conditions d’emploi restent dégradées. Le chômage des jeunes ne cesse de progresser, questionnant le modèle social chinois. Surtout la crise immobilière à laquelle est confronté le pays fait chanceler la confiance des ménages chinois depuis le début de 2022. En effet, les difficultés financières des promoteurs s’illustrent par la mise à l’arrêt de nombreux chantiers. Les ménages sont ainsi sommés d’honorer leur dette hypothécaire, mais sans pouvoir prendre livraison des biens qu’ils ont acquis. Résultat, les ventes et les mises en chantier se sont effondrées et les prix vacillent. L’immobilier étant la principale composante de la richesse des ménages, l’effet sur le moral des consommateurs est majeur. L’impact sur la croissance est également prégnant; l’immobilier, la construction et les secteurs associés représentent près d’un tiers du PIB.

Aussi, en dépit du dynamisme des véhicules électriques, des batteries ou du solaire, l’activité industrielle et les investissements sont à la peine. Surtout, la polarisation des relations avec l’Etats-Unis et l’UE, la guerre commerciale, les sanctions limitant les transferts de technologie et les restrictions des autorités chinoises sur le secteur technologique refrènent l’appétit des investisseurs. La Chine n’en reste pas moins une destination de choix. En 2022, elle se positionnait encore comme le second récipiendaire des investissements directs étrangers2. Les flux entrants ont progressé de 5% sur un an, principalement en provenance de multinationales européennes et concentrées sur l’industrie manufacturière et à haute valeur ajoutée (technologie). Sa position sur les chaînes de valeur électronique, des énergies renouvelables et dans l’approvisionnement des métaux stratégiques est incontestable et le pays reste incontournable, malgré les pressions.

 

1 La parité de pouvoir d'achat (PPA) est une méthode statistique utilisée pour comparer des données entre des pays dont les monnaies n'ont pas la même valeur. Il s'agit de tenir compte du fait que la même quantité d'argent ne représente pas la même richesse dans des pays différents.
2 Selon la Conférence des Nations Unies pour le Commerce Et le Développement

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