Chine: la dette liée à la nouvelle route de la soie

Gerwin Bell, PGIM Fixed Income

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L’initiative colossale de la Chine dédiée à affirmer sa présence mondiale a amené de nombreux pays pauvres à s’endetter envers elle.

Le programme d'infrastructure a mobilisé 200 milliards de dollars dans une soixantaine de pays en Asie, en Afrique, au Moyen-Orient et même en Europe. Il a cependant amené de nombreux pays frontaliers relativement pauvres à s'endetter à des niveaux importants, sans savoir véritablement à quel niveau. Bon nombre de ces pays ont désormais du mal à rembourser leurs obligations extérieures, ce qui amènera probablement la Chine à restructurer la dette. 

La Chine considère la nouvelle route de la soie (Belt-and-Road Initiative) comme un moyen d’aide au développement, à l’image de sa propre réussite économique, notamment dans les investissements dans des infrastructures à grande échelle. Ainsi, une grande partie de la dette est due à des entrepreneurs chinois qui construisent de grands projets avec un financement souvent fourni par les banques chinoises intégrant en général des clauses de garantie dans les accords de prêt. Les emprunteurs ont souvent des liens étroits avec le souverain.

Prêts bilatéraux chinois: un risque
systémique pour l’obligataire émergent?

Nous ne pensons pas qu'il représente un risque systémique pour le secteur obligataire des pays émergents. La plupart des prêts problématiques sont concentrés dans les pays frontaliers plutôt que répartis dans l'univers des émetteurs issus des marchés émergents. De plus, il y a des pays comme la Malaisie ou la Thaïlande, dans lesquels le souverain adopte une approche très raisonnable face à la dette chinoise potentiellement excessive. Toutefois, nous continuons à surveiller les faux pas des créanciers officiels et multilatéraux dans le cadre de l'initiative de suspension du service de la dette (DSSI) du Club de Paris, qui pourraient indirectement affecter la Chine et poser un risque plus important à l'ensemble du secteur.

La dette envers la Chine représente une part importante du poids global de la dette de nombreux pays à faible revenu. La plupart de ces pays frontaliers bénéficient d'un allègement de leur dette dans le cadre de la DSSI, et il convient de relever que les deux principaux bénéficiaires - l'Angola et le Pakistan - ont tiré profit de la restructuration de leur dette envers la Chine. 

En Afrique, l'Ethiopie est le deuxième pays le plus endetté envers la Chine et a bénéficié d'un léger allègement de sa dette l'année dernière. Jusqu'à présent, l'Éthiopie est restée à jour sur le remboursement de sa dette, mais les conditions d'emprunt de la Chine restent opaques. Le Cameroun et la République du Congo ont également emprunté des montants importants à la Chine.

La Zambie a récemment fait défaut sur sa dette extérieure qui comporte une importante composante chinoise (environ un tiers). La raison du défaut de la Zambie réside dans de mauvaises politiques intérieures et des projets non aboutis, plutôt que dans le comportement des prêteurs chinois. En fait, la banque chinoise EXIM a déjà accordé un certain report de paiement à la Zambie.

Impact sur le recouvrement pour les détenteurs d'obligations privés.

La Chine a joué un rôle majeur dans la construction du chemin de fer Mombasa-Nairobi au Kenya et dans son expansion à l'intérieur du pays. Les termes du contrat restent inconnus et les insuffisances commerciales de la voie ferrée expliquent les difficultés de remboursement de la dette. Aucune déclaration officielle n'a été faite et aucune négociation n'est en vue, la tension entre les parties reste élevée.

Il s'agit d'un territoire inexploré et il se peut que des difficultés futures apparaissent en matière de taux de recouvrement pour les détenteurs privés. La réticence des banques chinoises à devenir des créanciers officiels a été un frein majeur à des restructurations chinoises plus ordonnées. Bien qu'il y ait eu quelques signes de progrès - la pression du FMI sur la question des créanciers officiels était censée être une condition du programme récemment obtenu par l'Angola - il est peu probable que la Chine accorde automatiquement le même traitement dans d'autres cas.

Si elles n'acceptent pas le statut de créancier officiel, les banques concernées en Chine pourraient insister pour que d'autres créanciers privés acceptent des conditions similaires dans un scénario de restructuration, ce qui pourrait envoyer des ondes de choc sur les marchés de la dette privée. En fin de compte, les responsables politiques de la Chine centrale pourraient intervenir pour atténuer les chocs liés aux mouvements du marché, mais ils pourraient avoir à assister à un tel événement avant de pouvoir intervenir.

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