Changement de paradigme à la BoJ

Daryl Liew, SingAlliance

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Le nouveau dirigeant de la Banque du Japon va-t-il infléchir la politique monétaire? Un évènement macroéconomique à surveiller.

Kazuo Ueda a été officiellement désigné par l'administration Kishida pour être le prochain gouverneur de la Banque du Japon («BOJ»). Ueda est un académicien et un ancien membre de la BOJ qui a étudié au MIT sous la direction de Stanley Fischer, partageant des similitudes avec l'ancien président de la Fed, Ben Bernanke, et l'ancien président de la BCE, Mario Draghi, qui ont tous deux aussi été formés par Fischer. Ueda est considéré comme une nomination moins «dovish» que d'autres candidats potentiels, comme l'actuel gouverneur adjoint Masayoshi Amamiya, qui aurait probablement poursuivi les politiques monétaires actuelles du gouverneur Kuroda. S'il est confirmé par le Parlement, M. Ueda ne devrait pas apporter de changements immédiats, car il a déclaré qu'il était «approprié de maintenir la politique ultra-libre actuelle de la BOJ» et qu'il pourrait prendre un certain temps pour calibrer les politiques en fonction des données économiques prévalentes.

À cet égard, un indicateur clé à surveiller est la persistance de l'inflation au Japon. Le dernier chiffre de l'inflation publié pour décembre indiquait que l'inflation générale et l'inflation de base avaient augmenté à 4% en glissement annuel, contre 3,8% en novembre, ce qui est bien supérieur à l'objectif de 2% de la BOJ. Cette progression s'explique notamment par l'augmentation des salaires de 4,8% en glissement annuel en décembre dernier, nettement supérieure à celle de 1,9% observée en novembre, les travailleurs à temps plein ayant bénéficié de primes d'hiver exceptionnellement élevées. Une autre raison de la hausse de l'inflation est l'augmentation des prix des produits alimentaires de base, les entreprises ayant pu répercuter la hausse des coûts sur les consommateurs. Les rapports suggèrent que les fabricants de produits alimentaires ont l'intention de continuer à augmenter les prix au cours des prochains mois. Si l'on ajoute à cela les salaires de printemps, qui connaîtront probablement une hausse similaire, voire plus importante, à celle des salaires d'hiver, on comprend que cette dynamique inflationniste pourrait se poursuivre au moins pendant les prochains mois.

La BOJ a été l'exception parmi les banques centrales mondiales en maintenant obstinément une politique monétaire accommodante. Comme il est de plus en plus évident que l'inflation est appelée à perdurer, de nombreux commentateurs estiment que la politique actuelle de contrôle de la courbe des taux n'est plus justifiée. En effet, des rapports suggèrent que la BOJ a dû dépenser la somme énorme de 23'000 milliards de yens (175 milliards de dollars) pour racheter des obligations d'État en janvier afin de maintenir le rendement à 10 ans à 0,5%. Tous ces achats d'obligations obligent effectivement la banque centrale à étendre son assouplissement quantitatif dans un contexte d'inflation croissante, ce qui rend d'autant plus difficile l'inversion éventuelle de la courbe. Le bilan de la BOJ s'élève désormais à plus de 415'000 milliards de yens (3150 milliards de dollars), ce qui montre à quel point la normalisation de la politique monétaire sera une tâche titanesque.

Avec un nouveau gouverneur de la BOJ sur le point de prendre la relève en avril, les spéculations vont bon train sur le fait que le changement de direction sera le déclencheur d'un changement de politique monétaire et de la fin du contrôle de la courbe des taux. Ces attentes ont été renforcées en décembre après la décision du gouverneur Kuroda d'augmenter la fourchette de taux de 25 à 50 points de base. Le yen s'est renforcé et les banques japonaises se sont reprises (l'indice des actions des banques japonaises a augmenté de 20% depuis l'annonce), dans l'attente d'une normalisation imminente de la courbe.

Le défi que pose l'inversion de la courbe est qu'elle augmenterait les coûts d'emprunt et ralentirait la reprise économique du Japon. Il y a également des répercussions plus larges sur les marchés mondiaux, car cet exercice réduirait les liquidités du système monétaire mondial, ce qui serait négatif pour les actifs risqués. Les investisseurs japonais sont également l'un des principaux détenteurs de bons du Trésor américain, et la normalisation de la courbe étant considérée comme positive pour le yen, elle pourrait potentiellement déclencher le rapatriement d'actifs au Japon. La manière dont la BOJ traitera cette question sera un événement macroéconomique clé à surveiller au cours du prochain trimestre.

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