Calme et persévérance

Peter de Coensel, DPAM

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Le 60/40 n’est pas mort, car le pouvoir de diversification des obligations subsiste et protège le capital.

Alors que nous entamons le mois de mai, le comportement des investisseurs pourrait devenir instable, en partie du fait de facteurs saisonniers. Cependant, les raisons de paniquer sont inexistantes, du moins pour les investisseurs dont les portefeuilles sont bien diversifiés. Une saine répartition des actifs entre obligations et actions devrait permettre de continuer à obtenir des performances régulières.

Les acteurs «sell-side» prédisent la fin des constructions de portefeuille traditionnelles. En effet, plus le taux de rotation des portefeuilles est élevé, meilleurs sont leurs résultats: en témoignent les chiffres du premier trimestre publiés la semaine dernière et qui sont spectaculaires. Dans les modèles d’affaires des banques, les revenus dépendent en effet du niveau des commissions: il convient donc de se méfier des porteurs du message!

Nous entrons dans la dernière phase la pandémie, par conséquent les marchés financiers vont tenter de déterminer à quoi ressemblera le monde post-Covid. Les comportements auront-ils changé? Les questions sont nombreuses et l’incertitude va subsister. Quel que soit le profil d’investissement, il convient de traiter avec grand soin son exposition aux obligations.

Grâce aux banques centrales, les obligations IG et à haut rendement ont été en quelque
sorte «immunisées» contre la hausse des taux des obligations d’Etats de référence. 

Nul ne sait encore à quoi la sortie de la pandémie pourrait ressembler. Mais l’espoir fait vivre et cela se reflète dans les valorisations exagérées des actifs risqués, des actions jusqu’aux obligations à haut rendement. Pourquoi détenir encore les obligations sans risque d’émetteurs étatiques des marchés développés, les emprunts souverains de marchés émergents ou s’encombrer de portefeuilles d’obligations internationales ou de qualité «investment grade» (IG) qui, depuis le début de l’année, ne cessent de se déprécier? Les détenteurs de portefeuilles défensifs, équilibrés ou dynamiques devraient-ils s’inquiéter? Pour répondre à ces questions, examinons avant tout la composante obligataire de chaque profil d’investissement, la composante action étant utilisée comme indicateur de duration.

Les profils défensifs détenant jusqu’à 20% d’actions affichent des performances qui sont encore positives depuis le début de l’année: elles se situent entre 1,00% et 1,75%. Et plus l’exposition à des obligations internationales libellées en différentes devises, à des obligations IG régionales ou encore à des obligations à haut rendement est élevée, meilleurs sont les résultats. En effet, grâce aux banques centrales dont les programmes d'achat portent également sur les obligations d'entreprise, les obligations IG et à haut rendement ont été en quelque sorte «immunisées» contre la hausse des taux des obligations d’Etats de référence. 

La reprise de la croissance s’est traduite par une augmentation des primes de terme des obligations et une pentification des courbes de taux des principaux gouvernements, mais elle a aussi contribué au renforcement des bilans des entreprises. Les portefeuilles obligataires diversifiés à l’international ont, dans une certaine mesure, pâti de la dépréciation des devises, mais leur rendement courant a progressé de façon très appréciable au fil du temps. Ils affichent en général des performances situées entre 1,25% et 1,75%, voire 5% à 5,50% pour ceux qui sont centrés sur la dette émergente.

Les portefeuilles défensifs ont donc dans l’ensemble tenu leur promesse, celle d’assurer la protection du capital investi. S’il fallait prodiguer un conseil, ce serait le suivant: augmenter la part dévolue aux obligations internationales, lesquelles sont aussi une opportunité de diversifier les risques, qu’il s’agisse des risques de taux, de crédit ou de devises.

Ce sont les stratégies les plus agressives, avec une pondération
actions proche de 60%, qui ont affiché les meilleurs résultats.

Les portefeuilles équilibrés, traditionnellement répartis à hauteur de 60% en actions et 40% en obligations, sont pour la plupart parvenus à obtenir de bonnes performances depuis le début de l’année: elles vont de 4,25% à 5,00% pour les portefeuilles européens. Ce sont les stratégies les plus agressives, avec une pondération actions proche de 60%, qui ont affiché les meilleurs résultats. On considère en général qu’à chaque tranche de 10% d’exposition actions doit correspondre une année de risque de duration. Ainsi, pour le portefeuille 60/40, le risque de duration devrait se situer à environ 6 ans. Pour l’heure, le conseil est ici de ne rien faire et de ne procéder à un rééquilibrage du portefeuille que lorsqu’il s’avère nécessaire. 

Certains affirment aujourd’hui que la corrélation négative entre obligations et actions est en voie de disparition et que les détenteurs de portefeuilles 60/40 pourraient être forcés de rechercher des alternatives à la composante obligataire traditionnelle. Or, le risque de corrélation positive entre actions et obligations ne se manifeste que lorsque le durcissement marqué des conditions de financement va de pair avec le «désancrage» des anticipations d’inflation. Mais à l’heure actuelle, rien ne semble plaider dans ce sens.

Il est également souvent question d’alternatives plus rémunératrices telles que la dette privée, le crédit hybride ou les obligations structurées. Ces instruments permettraient en effet de limiter l'exposition aux facteurs de risque obligataires classiques. Cependant, en substituant de telles alternatives aux obligations traditionnelles, le risque est d’aboutir à un portefeuille global plus fortement corrélé avec les actions, donc avec des actifs plus volatils.

Les plus grands bénéficiaires de l’environnement actuel sont les profils dynamiques. Exposés aux actions à hauteur de 75% au minimum, ces portefeuilles affichent des performances situées entre 7,25% et 8,00% depuis le début de l’année. Avec l’arrivée du mois de mai, ceux qui disposent de tels portefeuilles pourraient être tentés d’obéir à l’adage «sell in May and go away». C’est une idée qui ne viendrait que rarement à l’esprit des investisseurs taux fixes, le «market timing» n’ayant guère de sens sur les marchés obligataires. 

En revanche, les investisseurs aux profils dynamiques qui ont néanmoins des craintes sur le risque action pourraient trouver une convexité positive intéressante sur l’extrémité longue de la courbe des taux. Sur le segment du 30 ans, les rendements sont de 2,30% pour les bons du Trésor américain, d’environ 3,00% pour les obligations d’entreprises américaines IG ou encore de près de 1,50% pour les emprunts d’Etat espagnol. Ce sont autant d’opportunités qui offrent des avantages sur le plan de la diversification des portefeuilles. Le conseil à l’attention des investisseurs au profil dynamique serait donc d’accroître la duration de la poche obligataire de leurs portefeuilles, une poche qui devrait, autant que faire se peut, présenter les caractéristiques d’un actif sans risque.

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