Balayons les idées reçues - Le point sur les marchés des dettes subordonnées

Jérémie Boudinet, La Française AM

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Sur le mois d’octobre, l’indice des dettes € AT1 CoCos affiche une performance positive à +5,82%. Son homologue en dollars est dans la même veine avec une performance de +1,58% sur le mois d’octobre.

En résumé:
  • Les valorisations et les fondamentaux sont de mauvais guides pour déterminer un point d’entrée sur les dettes subordonnées
  • Il faut regarder les mouvements de volatilité sur les taux et les flux vers les marchés obligataires pour se faire une meilleure idée.
  • Pour l’heure, les conditions d’un rebond véritable ne sont pas réunies pour nous.

Quand on demande à un gérant de dettes subordonnées, et plus particulièrement un gérant de CoCos, s’il y a un point d’entrée sur sa classe d’actifs, son réflexe pavlovien est d’affirmer que:

  • Les fondamentaux du secteur bancaire sont bons et résilients;
  • Les valorisations des titres sont attractives.

Cet argumentaire en deux temps est certes nécessaire, mais bien trop incomplet, pour juger de l’opportunité ou non d’investir sur la classe d’actifs.

Les fondamentaux sont résilients, le secteur bancaire européen est solide. C’est vrai, et la saison de résultats du T3 2022 le démontre à nouveau: les ratios de fonds propres sont solides et élevés, et les ratios de créances douteuses se tiennent très bien. Mais ça, c’est le passé.

Plusieurs indicateurs européens mentionnent une hausse des taux de défauts d’entreprise depuis fin juin dans plusieurs pays d’Europe, des Etats établissent des impôts exceptionnels sur les profits des banques, comme en Espagne, ce qui est critiqué par la BCE, mais qui ponctionne elle-même la rentabilité des banques en changeant les règles de rémunération des TLTRO. On peut aussi s’interroger sur la capacité des banques à augmenter leurs marges si leur production de prêts ne suit pas, tandis que les coûts de refinancement se renchérissent fortement. Si tout ceci engendre des incertitudes quant à la rentabilité exacte des banques européennes pour les 12-18 mois à venir, cela n’affecte pas, ou quasiment pas les valorisations des obligations bancaires.

La thèse d’investissement sur les obligations bancaires est plutôt la suivante: c’est un secteur sur-régulé, où les banques ont été forcées depuis 12 ans de se «sur-capitaliser», de garder des matelas de liquidités pléthoriques et de diminuer fortement leur levier d’endettement. Elles sont devenues en quelque sorte – et, pour le dire très caricaturalement – des compagnies d’assurance en termes de gestion de bilan, et ce, au détriment de leur rentabilité. C’est un facteur négatif pour les actions bancaires, mais positif pour les obligations, vu que le secteur a vu son risque systémique diminuer fortement ces dernières années, et ce du fait du retour en grâce du «Too Big To Fail», favorisé par les régulateurs qui appellent à toujours plus de consolidation du secteur. La restructuration forcée de Credit Suisse est une nouvelle preuve que la gestion du risque bilanciel et la préservation de la stabilité financière sont plus importantes que la recherche de rentabilité.

Ceci dit, les banques, que ce soit pour un investisseur obligataire ou action, demeurent un pari cyclique et contingent aux soubresauts de la macroéconomie. Surtout, la corrélation entre les AT1 CoCos € et le marché actions européen (Eurostoxx 50) est très élevée depuis plusieurs années (avec un coefficient de 0.89 sur ces trois dernières années au 31 octobre 20221). Cela signifie qu’il est aujourd’hui difficile de déterminer un point d’entrée sur les AT1 CoCos sans avoir un avis sur le marché actions européen. Les fondamentaux du secteur n’ont – à tort ou à raison – aucun impact notable sur les valorisations de la classe d’actifs CoCos2.

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