Afrique: décalage entre fondamentaux et valorisations

Andy Gboka, Bellevue Asset Management

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En Afrique, les fondamentaux solides contrastent avec les valorisations peu élevées des entreprises. Les réformes pourraient leur assurer une belle croissance.

Nous avons rencontré 40 à 50 entreprises opérant dans 10 à 15 pays africains à mi-octobre. C'était le moment opportun pour évaluer des perspectives commerciales avec les équipes de direction qui sont mieux placées afin d’évaluer des opportunités et des défis à venir, surtout après ce qu'elles ont vécu depuis la guerre russo-ukrainienne.

Dans l'ensemble, les entreprises ont généré des bénéfices solides malgré les pressions inflationnistes, l'augmentation du coût de financement et la dévaluation des monnaies locales par rapport au dollars US. Elles paraissent plus confiantes dans l'avenir que ce que laissent supposer leurs valorisations historiquement basses, ce qui contraste avec le sentiment actuel à l'égard des actions africaines qui néglige un potentiel de croissance plus prometteur déjà visible sur le terrain.

De nombreuses entreprises africaines sont habituées à opérer dans un environnement difficile

Les entreprises dans lesquelles nous investissons ont acquis, au fil des ans, une certaine résilience face aux chocs extérieurs et intérieurs, ce qui leur a permis d'obtenir des résultats louables dans des conditions commerciales difficiles. Certaines d'entre elles se sont retrouvées plus fortes après une crise, car elles ont consolidé leurs parts de marché au détriment d'acteurs plus petits de l'économie informelle. Ces deux facteurs interviennent cette année et ont été mis en évidence lors de nos discussions.

Le Maroc a la situation macroéconomique la plus stable et la plus résiliente, grâce aux réformes structurelles mises en œuvre au cours des 10 à 20 dernières années.

L'épargne supplémentaire accumulée depuis la pandémie a aidé les consommateurs égyptiens à absorber les hausses de prix de 30 à 40% par rapport à 2021, les volumes dans le secteur des produits de grande consommation étant stables par rapport à l'année dernière. Obour Land, le premier producteur égyptien de fromage blanc, a même affiché une impressionnante croissance des volumes de 16% en glissement annuel après ses multiples hausses de prix au cours du premier semestre. Au Maroc, certaines entreprises du secteur de la consommation ou des soins de santé sont optimistes, prévoyant une croissance à deux chiffres de leurs bénéfices cette année et au-delà.

D'autres entreprises ont prouvé leur résilience en 2022, mais l'exemple le plus frappant, qui démontre que cette résilience est durable à long terme, est la Commercial International Bank of Egypt. Si l'on regarde les 10 dernières années, l'Égypte a traversé le printemps arabe en 2011/12, la contre-révolution en 2013, une grosse dévaluation fin 2016, une période de forte inflation en 2017/2018, puis la crise du COVID-19 en 2020. Malgré tous ces problèmes, la banque a augmenté ses bénéfices de 11% chaque année entre 2011 et 2021 en USD. Ses bénéfices sur 12 mois jusqu'en juin 2022 étaient bien supérieurs à leurs niveaux d'avant la pandémie et c'est également le cas pour de nombreuses autres participations du fonds, une performance attestant de leur qualité dans la génération de bénéfices.

Des sociétés de qualité à valorisations faibles

Depuis la dévaluation de l'Égypte en mars dernier, les fonds souverains de l'Arabie saoudite, des Émirats arabes unis et du Qatar ont investi des milliards de dollars dans des titres cotés en bourse, mais aussi dans des entreprises publiques non cotées. La même vague d'achats est en cours pour les grands conglomérats qui ont une présence sur le continent. En octobre dernier, Diageo, producteur britannique de bière et de spiritueux, a offert une prime de 40% pour acquérir une participation de 15% dans sa filiale East African Breweries. En septembre dernier, la banque française Crédit Agricole a acquis une participation de 5% dans Crédit Agricole Egypt. Fin 2021, Vitol, le négociant mondial de matières premières, a offert une prime de 25% pour racheter les minorités de Vivo Energy, un distributeur de carburant de premier plan en Afrique.

Le Maroc a la situation macroéconomique la plus stable et la plus résiliente, grâce aux réformes structurelles mises en œuvre au cours des 10 à 20 dernières années. Cette stabilité macroéconomique permet au Royaume de se concentrer sur les réformes sectorielles qui apportent des opportunités directes à travers certaines sociétés cotées.

Ces réformes structurelles sont des facteurs de croissance sur lesquels les entreprises locales s'appuient pour se développer. Cela explique notre forte allocation du Maroc, même si la performance des actions domestiques est décevante cette année. Nous ne sommes pas trop préoccupés par les corrections à court terme du marché, car nous sommes convaincus que les thèmes de croissance structurelle continueront à générer une croissance forte et durable des bénéfices.

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