Actifs digitaux, placement virtuel ou impôt réel?

Trang Fernandez-Leenknecht, Holistik

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Chronique blockchain. Investir dans les NFT, l'art génératif et les cryptomonnaies est devenu universellement accessible. Un aspect critique est toutefois négligé: les impôts.

En 2021, Christie's a vendu une œuvre entièrement numérique de Beeple pour 69,3 millions de dollars, un record qui reflète la révolution en cours. L'émergence des actifs digitaux a inauguré une nouvelle ère, remodelant les notions d'investissement et de création de richesse. Ces actifs couvrent un large spectre d'actifs stockés et échangés sous forme numérique. Des cryptomonnaies aux œuvres d'art générées par l'intelligence artificielle, en passant par les jetons non fongibles (NFT) et les actifs tokenisés, cette diversité offre de nouvelles opportunités d'investissement, emportant aussi des défis fiscaux uniques. Les actifs tokenisés se réfèrent à des actifs traditionnels convertis en tokens numériques sur une blockchain, pouvant inclure des biens immobiliers, des actions, des métaux précieux, ou des œuvres d'art. A une époque où les actifs digitaux redéfinissent le paysage financier, la fiscalité de ces actifs devient cruciale. D'un point de vue suisse, ces actifs sont soumis à la fiscalité, et le traitement fiscal dépend de la nature de l'actif digital. Les cryptomonnaies comme le Bitcoin et l'Ethereum sont généralement traitées comme des actifs imposables, soumises à l'impôt sur la fortune et éventuellement à l'impôt sur la plus-value lors de la vente.

Les transactions dans le métavers, monde virtuel  mais impôt réel

Le métavers est un monde virtuel (Web3) dans lequel les utilisateurs peuvent interagir et consommer. Des activités et des transactions s'y déroulent avec des effets dans le monde «réel» (par exemple, l'achat de chaussures sur mesure dans le métavers et livrées à domicile). Les entreprises qui y sont présentes peuvent aussi facturer des commissions pour les transactions conclues. Sous l’angle fiscal, les transactions doivent être traitées en principe de la même manière que les transactions comparables dans le monde «réel».

Fiscalité suisse et internationale

La Suisse a fait preuve d’innovation en accommodant ses lois fiscales à l’ère digitale. La taxation des revenus de ces actifs dépend de leur classification en tant qu'actifs privés ou actifs professionnels. Les NFT peuvent être soumis à l’impôt sur les plus-values si la transaction est le fait d’entreprises ou de particuliers qualifiés de professionnels. Au niveau international, la législation européenne obligera les plateformes à collecter des informations sur les transactions effectuées par les utilisateurs (Reporting obligations of digital platform operators DAC7). L'utilisation de plateformes comme intermédiaires pour collecter des impôts est également en développement («Paquet TVA sur le commerce électronique»; en Suisse, projet de réforme prévue). Cette obligation de percevoir la TVA pourrait éventuellement être étendue aux services numériques (par ex., vente de biens numériques dans le Métaverse).

Et le staking?

Des revenus sont générés dans le cadre d’une activité de staking à laquelle participent plusieurs parties: le Délégué (investisseurs) qui sont rémunérés par des indemnisations régulières, le Validateur et le Dépositaire. La Finma définit le staking comme le «processus de blocage des cryptoactifs natifs à l’adresse de staking d’un nœud de validation afin de participer au processus de validation d’une blockchain fondée sur le mécanisme de consensus de la preuve d’enjeu. Les participants reçoivent des staking rewards en récompense du staking de cryptoactifs ».1 Sur le plan fiscal,2 il est considéré que les activités de Délégué se limitent généralement au domaine privé et qu’en tant qu’investisseur, il gère une fortune privée. Le Validateur agit comme une «banque» en vérifiant chaque transaction entrante. L’imposition du Validateur implique de déterminer la nature du travail et la nature du capital mis en œuvre pour l’exercice de l’activité. Le Dépositaire est assimilé à un prestataire de services financiers soumis à la surveillance de la Finma. L’imposition de revenu de l’activité de staking est traitée différemment selon si elle est exécutée dans la cadre de la fortune commerciale ou de la fortune privée. En cas de fortune commerciale, les gains en capital sont imposés comme revenu imposable. En cas de fortune privée, les gains en capital ne sont pas imposables (art. 16 al. 3 LIFD et art. 7 al. 4 let. b LHID). Sont réservées les dispositions concernant le « Commerce professionnel de titres » selon la circulaire n°36 de l’AFC du 27 juillet 2012. En matière de TVA, le Tribunal administratif fédéral3 a rendu un jugement intéressant concernant la validation des transactions et des nouveaux blocs. Il confirme le traitement des récompenses en bloc comme non-rémunération sous l’angle de la TVA, mais pas les frais de transactions.

Performance des investissements et gestion des risques

Dans un paysage financier en constante évolution, la fiscalité des actifs digitaux devient une part de la performance d’un placement. La gestion des risques et la performance financière par les entreprises transfrontalières et les familles mobiles doivent intégrer d'excellentes bases fiscales internationales et une surveillance constante. En naviguant les défis juridictionnels, en embrassant les perspectives du marché numérique et en comprenant les subtilités fiscales grâce à une approche proactive, les investisseurs peuvent naviguer avec succès dans ce nouveau paradigme financier et fiscal, tout en contribuant à la construction d'un écosystème numérique innovant et durable.

 


1 Communication Finma sur la surveillance 08/2023 Staking, 20 décembre 2023. Une base légale relative à la conservation des cryptoactifs repose sur le projet TRD et est réglée dans la loi sur l’infrastructure des marchés financiers. Technologie des Registres Distribués ; Loi fédérale sur l’adaptation du droit fédéral aux développements de la technologie des registres électroniques distribués, entrée en vigueur 01.02.2021.
2 Conférence Suisse des Impôts CSI, Informations fiscales, Cryptomonnaie, Octobre 2023.
3 Arrêt du Tribunal Fédéral Administratif du 29 août 2023 A-5638/2022 concernant Polkadot et Kusama.

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