La livre turque a perdu environ 40% de sa valeur face au dollar depuis le début de l’année, l’inflation en rythme annuel frôlait en août les 18%.
La Banque centrale turque se réunit jeudi pour décider d’une éventuelle hausse des taux d’intérêt, les marchés espérant un relèvement significatif susceptible d’endiguer l’inflation galopante et d’enrayer la chute spectaculaire de la livre.
L’économie turque a été secouée ces derniers mois par l’effondrement de la monnaie nationale, sur fond de défiance des marchés à l’égard des politiques économiques d’Ankara et de tensions diplomatiques avec Washington.
La livre turque a perdu environ 40% de sa valeur face au dollar depuis le début de l’année, l’inflation en rythme annuel frôlait en août les 18% et certains experts mettent d’ores et déjà en garde contre un risque de récession.
Afin de remédier à la situation, de nombreux économistes appellent depuis des mois à une hausse significative des taux d’intérêt de la banque centrale de Turquie (CBRT).
Mais celle-ci est sous forte pression du président Recep Tayyip Erdogan qui prône le maintien de taux d’intérêt bas pour soutenir la croissance à tout prix.
Face à la chute de la monnaie turque et dans un contexte de campagne électorale pour la réélection de M. Erdogan, la banque centrale avait décidé des hausses de ses taux en mai et juin, mais à des niveaux jugés insuffisants par les marchés.
Son refus de réitérer cette mesure lors de la réunion de son comité de politique monétaire en juillet avait été très mal perçue et renforcé les inquiétudes quant à son indépendance.
Mais, après l’annonce du taux d’inflation du mois d’août la semaine dernière, la CBRT a assuré qu’elle prendrait «les mesures nécessaires pour soutenir la stabilité des prix» et que «l’orientation monétaire serait ajustée» lors de la réunion de jeudi.
Cette déclaration a été interprétée comme un motif d’optimisme par les marchés en vue de la réunion de jeudi, et contribué à stabiliser la livre turque ces derniers jours. Un dollar s’échangeait mercredi à 6,34 livres turques, après s’être échangé jusqu’à 7 livres en août au coeur d’une crise diplomatique entre Ankara et Washington, marqué par des sanctions réciproques.
Mais les économistes restent prudents dans leurs prévisions.
«La formulation du communiqué de la CBRT qui promet une réponse politique semble trop vague et les mots resserrement et hausse ne figurent pas dans le texte», tempère dans une note Inan Demir, de Nomura International.
Selon lui, une hausse de 575 points de base du principal taux d’intérêt est nécessaire, mais il s’attend plutôt à une hausse de 200-250 points de base.
Pour Anthony Skinner, du cabinet de consultants en risques Verisk Maplecroft, les investisseurs et économistes qui appellent à «une hausse agressive» des taux d’intérêt «seront très probablement déçus».
Il estime toutefois qu’en vue des élections municipales de mars 2019, M. Erdogan souhaite limiter la contraction économique et la CBRT pourrait donc bénéficier d’une certaine marge de manoeuvre pour apaiser en partie le marché des devises.
Certains observateurs soulignent une hausse indirecte des taux au mois d’août, lorsque la banque centrale a imposé aux banques d’emprunter via les prêts au jour le jour, dont le taux est actuellement à 19,25%, contre 17,75% pour le principal taux d’intérêt.
Pour Nora Neuteboom, d’ABN Amro, même une hausse de 600 points de base ne rassurerait les marchés que sur le court-terme.
«La Turquie a besoin de plus que la seule boîte à outils de la politique monétaire pour recentrer son économie sur la croissance à long terme», explique-t-elle à l’AFP, misant elle aussi sur une hausse de 200 à 250 points de base jeudi.
«Elle a d’abord besoin de stabilité (géo)politique, de ne plus avoir de conflit avec les Etats-Unis et d’un plan de réforme économique clairement défini», estime-t-elle.