Les représentants des treize membres de l’Organisation et leurs dix partenaires conduits par Moscou ont convenu d’augmenter d’un tiers la production de juillet.
Après des mois d’attentisme malgré l’envolée des prix, les membres de l’Opep+ ont décidé jeudi de passer à la vitesse supérieure et de doper leur production, répondant aux appels des Occidentaux sans contrarier la Russie.
L’annonce lundi par les 27 pays de l’Union européenne d’un embargo sur l’essentiel du pétrole russe a accru les craintes de pénuries et visiblement changé la donne pour le cartel, qui souligne «l’importance de marchés stables et équilibrés».
Les représentants des treize membres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep), menés par Ryad, et leurs dix partenaires conduits par Moscou ont convenu d’augmenter la production de juillet «de 648.000 barils par jour», selon un communiqué publié après une nouvelle réunion éclair. Le volume était auparavant fixé à 432.000 barils.
C’est un tournant pour l’Opep+ qui s’était limitée depuis le printemps 2021 à de modestes hausses de ses quotas, dans le but de retrouver graduellement ses niveaux d’avant la pandémie de Covid-19.
L’alliance n’avait jusqu’ici jamais dévié de sa ligne, même après l’invasion de l’Ukraine par la Russie qui a accentué les tensions sur le marché.
Les cours ont ainsi grimpé à des sommets plus vus depuis la crise financière de 2008, le Brent de la mer du Nord, référence de l’or noir en Europe, culminant le 7 mars à 139,13 dollars le baril et le WTI américain à 130,50 dollars.
Pour Jeffrey Halley, analyste chez Oanda, l’Opep+ a donné «quelques os à ronger aux États-Unis et à l’Europe» sur fond de spéculations quant à un possible voyage du président américain Joe Biden au Moyen-Orient, «tout en préservant l’unité».
Un article du Wall Street Journal avait évoqué une possible mise à l’écart de la Russie, en difficulté pour atteindre ses quotas du fait des sanctions occidentales, mais l’Opep+ est restée soudée.
L’augmentation de la production est répartie proportionnellement entre chacun des membres, avec des objectifs identiques pour Moscou et Ryad, les deux piliers de l’alliance.
Les 23 membres, qui pompent environ la moitié du pétrole mondial, se concertent depuis 2016 pour ajuster leur offre et réguler les cours du baril.
La hausse décidée jeudi, même si elle est plus importante que prévu, «ne soulagera pas de manière significative un marché en manque de pétrole russe», fait valoir Jeffrey Halley, d’autant que de nombreux Etats peinent à respecter les objectifs.
«Les prix resteront donc à un niveau élevé, la Russie repart satisfaite», résume-t-il.
Le vice-Premier ministre chargé de l’Energie Alexandre Novak a d’ailleurs salué la décision de l’Opep+, prise selon lui pour anticiper la forte demande estivale.
Il a au passage fustigé l’embargo approuvé jeudi par les 27 pays de l’UE, estimant que les Européens seront les premiers à en «souffrir».
Ce virage de l’Opep+ intervient après une série d’appels de toutes parts, en particulier de la Maison Blanche désireuse de juguler les prix à la pompe.
Les pays du G7 avaient encore pointé la semaine dernière le «rôle clé» de l’Opep+ face au «resserrement des marchés internationaux».
Le ministre saoudien des Affaires étrangères, le prince Faisal bin Farhan, avait réaffirmé lors du récent Forum économique mondial de Davos que «le royaume avait fait ce qu’il pouvait», selon la presse économique.
«La situation est plus complexe que simplement ajouter des barils au marché», avait-il insisté, alors que les économies du Golfe tirent des bénéfices juteux d’un baril élevé.
«Nous sommes peut-être à la croisée des chemins», commente Ipek Ozkardeskaya, de Swissquote, interrogée par l’AFP.
La décision de jeudi est «le signe que la glace entre les Saoudiens et les Américains pourrait enfin fondre après deux ans de relations glaciales».
Si les liens entre les deux pays se renforcent, Ryad accepterait alors de «pomper davantage pour compenser les pertes de pétrole russe», poursuit-elle.
De quoi «isoler davantage encore la Russie et peut-être changer le cours de la guerre».