Du mouvement Black Lives Matter en 2020 aux émeutes en Nouvelle-Calédonie en 2024, ces dernières années ont été riches en troubles sociaux, poussant les réassureurs à en tenir compte dans les prochaines négociations des contrats annuels avec leurs clients assureurs.
Les émeutes en Nouvelle-Calédonie à l’été 2024 ont, à elles seules, coûté un milliard d’euros aux assureurs, sur un coût total des dégâts estimé à 2,2 milliards.
«Certaines personnes ont dû regarder la carte pour identifier ce territoire» ultramarin situé dans le Pacifique sud, a ironisé le patron d’Hannover Re, Jean-Jacques Henchoz, lors d’une conférence de presse au salon de la réassurance de Monaco, tout en soulignant que les émeutes en Nouvelle-Calédonie, qui ont causé la mort de 11 personnes en trois mois, représentent «une perte (...) très, très importante que personne n’avait vu venir».
Un évènement qui a notamment affecté les résultats semestriels de l’assureur Allianz, qui a lui seul, a eu 260 millions d’euros de dommages à rembourser sur l’archipel. Au point que l’assureur a évoqué la possibilité de poursuivre l’État français pour négligence, en compagnie d’autres assureurs, estimant que certains dégâts avaient eu lieu dans des endroits que l’État (police, armée, services santé, pompiers...) avait désertés. Aucune plainte n’a cependant encore été déposée devant une quelconque juridiction.
Mais cet évènement n’est que le dernier d’une longue liste de troubles sociaux qui se sont succédé ces dernières années, dans différents points du globe. Une tendance que les réassureurs prennent au sérieux.
Le mouvement des gilets jaunes en 2018 en France aura coûté 217 millions d’euros aux assureurs, le soulèvement social au Chili en 2019, entre 3 et 4 milliards de dollars, les manifestations du mouvement Black Lives Matter en 2020 aux États-Unis ont représenté un coût de 2 milliards de dollars, le bilan les émeutes de l’été 2023 en France a été de 730 milliards d’euros.
«Un monde plus extrême»
«Le monde devient de plus en plus extrême. Les gens ont vraiment envie d’exprimer leur mal-être de manière beaucoup plus brutale qu’avant», selon Thierry Léger le dirigeant du réassureur français Scor.
Son concurrent Swiss Re a recensé des mouvements de protestation dans 132 pays depuis 2017, et souligne que les risques de débordements pourraient être majorés en 2024, année de vote record où «la moitié du globe doit se rendre aux urnes».
«La géopolitique est généralement importante pour notre industrie. Mais au-delà des guerres et des risques de conflits dans le monde(...) les émeutes deviennent plus fréquentes», a souligné M. Henchoz.
Même prudence chez Swiss Re qui craint également une «agrégation» des luttes: «nous avons des scénarios dans lesquels différentes personnes dans différentes parties du monde se connectent via les réseaux sociaux et déclenchent des émeutes simultanément. Et donc, nous surveillons attentivement notre exposition globale, et nous fixons un prix aux risques SRCC (Strike, Riot, Civil Commotion) en fonction de ces scénarios», explique le patron de la réassurance habitation chez le réassureur suisse Urs Baertschi.
Si ces prix augmentent, les assureurs primaires devraient probablement les répercuter sur leurs clients (collectivités locales, entreprises, etc.), qui pourraient donc à leur tour voir augmenter les tarifs des produits couvrant les risques sociaux.