Les responsables de la Réserve fédérale des Etats-Unis (Fed), réunis mercredi à Washington, devraient une nouvelle fois laisser les taux directeurs inchangés, le temps de voir comment la première économie mondiale encaisse l’offensive protectionniste de Donald Trump.
Le deuxième et dernier jour de réunion du Comité de politique monétaire de la Fed «a débuté à 09H00 (13H00 GMT) comme prévu», a indiqué un porte-parole à la presse.
La banque centrale rendra sa décision à 14H00 (18H00 GMT) et son président Jerome Powell tiendra 30 minutes plus tard sa traditionnelle conférence de presse, très attendue par les acteurs de la finance.
Ces derniers anticipent un statu quo concernant les taux, qui sont depuis décembre dans une fourchette comprise entre 4,25% et 4,50%.
Les marchés vont donc surtout guetter des inflexions dans les propos de Jerome Powell, et des indices sur le calendrier des responsables de la Fed.
Ceux-ci ont fait savoir qu’avant de bouger les taux - qui guident notamment le coût du crédit pour les entreprises et particuliers -, ils voulaient avoir assez de données sur la tournure de l’économie américaine face au bouleversement de ses échanges avec le reste du monde.
Depuis la dernière réunion de la banque centrale, en mars, le président Donald Trump a annoncé une nouvelle volée de taxes sur les produits importés aux Etats-Unis.
Le chef de l’État a partiellement fait marche arrière, mais les droits de douane sont nettement plus élevés qu’avant le début de son second mandat, et les échanges avec la Chine sont quasi à l’arrêt.
«C’est une situation compliquée pour la Fed», a déclaré à l’AFP la cheffe économiste de Nationwide, Kathy Bostjancic.
Ses responsables, relève-t-elle, «vont voir des pressions à la hausse sur les prix en même temps qu’un ralentissement de la croissance».
Un tel scénario est le prélude à un dilemme pour la banque centrale: un essoufflement impose en principe de baisser les taux pour donner un coup de fouet à l’économie et éviter que des personnes perdent leur emploi, mais cela risque de nourrir davantage l’inflation et donc de rendre le quotidien des Américains encore plus cher.
«Crédibilité»
Les baromètres économiques réguliers montrent une nervosité croissante, de même que les communications d’entreprises. Le constructeur américain Ford et le spécialiste des jouets Mattel ont ainsi annoncé cette semaine qu’ils n’étaient pas en mesure d’évaluer à quel point les droits de douane allaient peser sur leur activité.
Pour l’heure, les indicateurs officiels n’ont pas déraillé: 4,2% de chômage en avril, 2,3% d’inflation en mars, légèrement au-dessus de la cible de la Fed.
Les chiffres du produit intérieur brut (PIB) pour le premier trimestre, publiés la semaine dernière, ont néanmoins fait l’effet d’un coup de semonce, avec un recul de 0,3% en rythme annualisé.
Ces données reflètent avant tout une envolée des importations, qui se soustraient au calcul du PIB. Entreprises et ménages ont en effet cherché à prendre de vitesse l’entrée en vigueur des nouveaux droits de douane.
Pendant ce temps, Donald Trump appelle avec insistance la Fed à abaisser ses taux.
Le président a qualifié le mois dernier Jerome Powell d’«immense loser» et semblé chercher un moyen de s’en débarrasser.
L’éventualité d’une remise en cause de l’indépendance de la Fed, un pilier de l’économie américaine, a apeuré les marchés financiers. Donald Trump a fini par dire qu’il n’avait «pas l’intention» de le renvoyer - tout en continuant de le critiquer vertement.
Le mandat du patron de la Fed, qui n’a qu’un droit de vote sur douze, court encore un an.
«Dire haut et fort ce que la Fed devrait faire (...) risque de saper sa crédibilité comme garant de la stabilité des prix», commente l’ancien économiste de la Fed Rodney Ramcharan dans une note transmise à l’AFP.
«Si la Fed doit abaisser les taux, poursuit-il, les marchés pourraient percevoir cette décision comme ‘politique’ plutôt que guidée par la réalité économique».