La Banque d’Angleterre signale un tour de vis mais déçoit le marché

AWP

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A contre-courant des attentes du marché, la BoE décide de laisser son taux directeur à son plus bas historique de 0,1%.

La Banque d’Angleterre a annoncé jeudi maintenir sa politique monétaire inchangée, prenant à contre-pied le marché avec un taux directeur qui reste à son plus bas historique de 0,1%, mais signale une hausse probablement «nécessaire» dans les mois à venir.

Si l’économie britannique évolue en ligne avec ses projections, «il sera nécessaire dans les mois à venir d’augmenter le taux d’intérêt afin d’atteindre notre objectif d’inflation de 2%», prévient-elle.

Interrogé lors d’une conférence de presse sur l’échéance possible de ces «prochains mois», le gouverneur de la BoE Andrew Bailey a répondu que cela voulait dire «à partir de maintenant», ce qui pourrait alimenter les attentes d’une possible hausse en décembre.

Pas de quoi satisfaire les marchés, alors que nombre d’investisseurs attendaient une action dès novembre: la livre perdait près de 1,3% face au dollar vers 14H50 GMT.

«A court terme, cette réunion est fortement négative pour la monnaie», résume Shreyas Gopal, analyste chez Deutsche Bank.

«La décision était attendue sur le fil du couteau, et c’était le cas», s’est défendu M. Bailey.

La Banque d’Angleterre (BoE) fait face à un dilemme qui touche également les autres banques centrales: contenir une inflation qui accélère sans étouffer une croissance atone.

Au Royaume-Uni, l’inflation a atteint 3,1% sur un an en septembre. Selon les projections de la BoE, elle est montée à «un peu moins de 4%» en octobre puis passera à 4,5% en novembre et se maintiendra à ce niveau début 2022 avant de grimper à un pic à 5% en avril.

La banque centrale souligne l’importance de la hausse des tarifs de l’énergie, avec des prix du pétrole et du gaz fin 2021 «respectivement 80% et 400% plus haut qu’au quatrième trimestre 2020».

Pour autant «la politique monétaire ne peut augmenter l’approvisionnement de gaz ou la vitesse du vent», et risquer de fragiliser la reprise en tentant d’agir face à ces chocs aurait été une mauvaise décision, a notamment justifié Andrew Bailey.

Le Royaume-Uni fait en effet l’objet de pénuries de biens et de travailleurs, comme c’est aussi le cas en Europe et aux États-Unis, mais elles sont exacerbées Outre-Manche par le Brexit.

Lors de leurs dernières réunions de politique monétaire, la Réserve fédérale américaine (Fed) et la Banque centrale européenne (BCE) ont écarté une hausse des taux dès les prochains mois.

Douche froide

A la Banque d’Angleterre, les partisans d’une politique monétaire stricte (faucons) et ceux d’une aide maintenue à l’économie (colombes) se sont visiblement opposés.

Deux membres sur neuf du comité de politique monétaire ont voté pour une hausse dès novembre, et trois pour une réduction du programme de rachats d’actifs.

Le comité a jugé lors de sa réunion qu’il «y avait un intérêt à attendre plus d’informations sur le marché du travail», alors que le gouvernement a récemment mis un terme à ses mesures de soutien à l’emploi liées à la pandémie.

Et la reprise économique montre des signes de fléchissement au Royaume-Uni. Le PIB devrait renouer avec son niveau d’avant la pandémie début 2022, selon les données gouvernementales.

Après une contraction spectaculaire de l’activité en 2020 (-9,75%), la BoE table désormais sur une reprise un peu moins rapide : 7% en 2021 et 5% en 2022.

Mais plus que le choix de la BoE d’attendre au moins un mois pour un tour de vis monétaire, les observateurs critiquaient le message opaque de l’institut.

Mi-octobre, alors que les investisseurs misaient déjà sur une hausse des taux en novembre, le gouverneur n’avait pas refroidi leurs ardeurs et avait au contraire affirmé: «Si les attentes d’inflation montent, nous devrons agir».

Quand des journalistes lui ont demandé s’il était un «petit ami pas fiable», comme son prédécesseur Mark Carney avait été surnommé après avoir envoyé des signaux ambigus au marché, M. Bailey a ri nerveusement et qualifié son message d’octobre de «lieu commun».

Le comité monétaire de la BoE contredit en tout cas «fortement le scénario du marché», qui avait calibré une hausse en novembre mais aussi d’autres lors des réunions suivantes, pour un taux à 1% fin 2022, commente Paul Dales, analyste chez Capital Economics.

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