L’OMC se relance avec des succès «sans précédent» à Genève

AWP

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Pour l’Organisation mondiale du commerce (OMC), l’important était que les 164 pays montrent qu’elle pouvait avancer, après près de dix ans sans accord multilatéral significatif.

La ministérielle de l’OMC s’est achevée à Genève, après plus de cinq jours, sur des succès «sans précédent» sur la pêche, l’insécurité alimentaire et des exceptions aux brevets de vaccins contre le coronavirus. Les membres ont aussi ouvert la voie à une réforme.

Pour l’Organisation mondiale du commerce (OMC), l’important était que les 164 pays montrent qu’elle pouvait avancer, après près de dix ans sans accord multilatéral significatif. «Quand je suis arrivée», les attentes «n’étaient pas très élevées», a affirmé à la presse la directrice générale de l’OMC Ngozi Okonjo-Iweala au terme de sa première ministérielle.

«Ravie» mais «fatiguée» après ne pas avoir dormi pendant deux jours, elle a mentionné des arrangements «sans précédent» qui donnent une «plateforme» pour appliquer le paquet et avancer vers d’autres chantiers. Ces accords «vont faire la différence pour les individus dans le monde entier», a également insisté la directrice générale.

Selon elle, le dialogue entamé il y a deux jours avec un petit groupe d’ambassadeurs a sonné la charge pour déverrouiller la situation. Il a été suivi notamment par une discussion importante qui a réuni une vingtaine de ministres. De son côté, après le paquet approuvé vendredi à 05h00, le président kazakh de la conférence Timur Sulemeinov a salué «le sens de la responsabilité» des membres.

Accord en partie sur la pêche

Plusieurs succès «importants» ont été obtenus, a insisté la représentante américaine au commerce Katherin Tai. Comme le fait remarquer le commissaire européen au commerce, ces accords portent sur des urgences mondiales comme la pandémie et l’insécurité alimentaire. Mais après plus de vingt ans de négociations, les membres sont aussi arrivés à un consensus pour éliminer des subventions à la pêche considérées comme nuisibles pour la durabilité des stocks.

Pour le moment, seules celles contribuant à la pêche illicite, non déclarée et non réglementée sont interdites, mais une première étape a aussi été obtenue sur celles sur la surpêche et la surcapacité. Selon les ONG toutefois, l’accord n’affectera pas les grands navires. Les subventions à la pêche sont estimées à 54 milliards de dollars par an. Selon l’ONU, 90% des stocks marins sont exploités ou surexploités.

Thématique la plus problématique pour la Suisse, la question des exceptions à la propriété intellectuelle sur les technologies contre le coronavirus l’aura mise sous pression d’Etats et d’ONG depuis plus d’un an. Mercredi, le conseiller fédéral Guy Parmelin avait encore répété qu’une «dérogation de large portée» n’aurait pu être approuvée.

ONG contre la pharma

La décision ne s’applique qu’à une facilitation pendant cinq ans au moins de licences obligatoires sur les vaccins contre le Covid-19, et également leurs ingrédients. Alors que plus de 20 milliards de doses sont désormais déjà sur le marché, de quoi pousser certains ministres à se demander si cet accord est encore utile. Mais de nouveaux variants pourraient demander davantage d’immunisations.

La fabrication de vaccins sera diversifiée, s’est félicitée la directrice générale. La Suisse a elle toujours relevé que le problème venait davantage de la distribution. Dans une déclaration plus large, les membres reconnaissent encore l’importance de faciliter les deux étapes pour toutes les technologies contre le coronavirus.

Ils devront se retrouver, au maximum d’ici à six mois, pour aborder la question d’exceptions aux brevets sur les médicaments et diagnostics. Les ONG, comme Médecins Sans Frontières (MSF), qui a dénoncé un «échec mondial dévastateur», et la coalition Alliance Sud sont en colère, parce qu’elles souhaitaient une levée totale. A l’inverse, le secteur pharmaceutique suisse s’opposait à tout élargissement des exceptions déjà existantes à l’OMC au travers de licences obligatoires.

Autre indication, la guerre en Ukraine aura eu une influence sur la ministérielle. Le projet de texte sur la «sécurité alimentaire» est devenu un accord sur l’»insécurité alimentaire».

Réponse sur la crise ukrainienne

La déclaration ministérielle approuvée ne mentionne pas la guerre actuelle, mais elle tente malgré tout d’y répondre. La communauté internationale est inquiète, alors qu’une crise menace en raison du blocage des exportations de céréales ukrainiennes. Selon l’ONU, des dizaines de millions de personnes supplémentaires pourraient être confrontées à une insécurité alimentaire.

Dans la déclaration, les Etats veulent oeuvrer à «ne pas imposer de prohibitions ou de restrictions à l’exportation» pour faciliter le fonctionnement des marchés alimentaires et agricoles mondiaux. Tout dispositif devrait être provisoire et ciblé. Autre approche, les achats humanitaires du Programme alimentaire mondial (PAM) seront exonérés de toute restriction au commerce.

Les pays ont encore décidé de prolonger le moratoire sur les droits de douane sur les transactions électroniques, cher à la Suisse, jusqu’à la prochaine grande ministérielle, au plus tard à la fin mars 2024. Dans le document final de la réunion, les membres ouvrent également la voie à une réforme de l’organisation.

Alors que l’OMC est en crise institutionnelle depuis plusieurs années et le blocage de son tribunal d’appel par les Etats-Unis, ils s’engagent aussi à mener des discussions pour rétablir un système fonctionnel. Celui-ci devra être établi d’ici à 2024 pour l’organisation.

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