L’armée russe occupe la première centrale nucléaire ukrainienne

AWP

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Zaporijjia, située dans le centre de l’Ukraine, a été touchée vendredi par des frappes de l’armée russe qui ont provoqué un incendie, mais sa sécurité est «garantie» selon Kiev.

L’armée russe occupe vendredi la plus grande centrale nucléaire ukrainienne, où des bombardements dans la nuit ont fait craindre une catastrophe, au neuvième jour d’une offensive accompagnée d’une répression croissante de toute voix dissidente en Russie.

Dans le sud du pays, la centrale nucléaire de Zaporojie, plus grande centrale nucléaire d’Europe, touchée dans la nuit par des frappes d’artillerie russe selon les Ukrainiens, a été le théâtre d’un incendie qui a suscité l’inquiétude.

Mais en début de matinée, le régulateur ukrainien a indiqué que le feu, qui avait touché un laboratoire et un bâtiment de formation, avait été éteint et qu’aucune fuite radioactive n’avait été détectée.

«Le territoire de la centrale nucléaire de Zaporojie est occupé par les forces armées de la Fédération de Russie. Le personnel opérationnel contrôle les blocs énergétiques et assure leur exploitation en accord avec les exigences des règlements techniques de sécurité d’exploitation», a indiqué le régulateur.

Les niveaux de radioactivité restent inchangés sur le site de la centrale, qui fournit une grande partie de l’électricité du pays, a confirmé l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), selon qui aucun équipement «essentiel» n’a été endommagé.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a accusé Moscou d’agiter la «terreur nucléaire» et de vouloir reproduire la catastrophe nucléaire de Tchernobyl, la plus grave de l’histoire en 1986.

«Nous alertons tout le monde sur le fait qu’aucun autre pays hormis la Russie n’a jamais tiré sur des centrales nucléaires. C’est la première fois dans notre histoire, la première fois dans l’histoire de l’Humanité. Cet Etat terroriste a maintenant recours à la terreur nucléaire», a-t-il affirmé.

«Seule une action européenne immédiate peut stopper les troupes russes. Il faut empêcher que l’Europe ne meure d’un désastre nucléaire», a-t-il ajouté.

«L’attaque contre une centrale nucléaire démontre le caractère irresponsable de cette guerre et la nécessité d’y mettre fin», a déclaré aussi le secrétaire général de l’Otan Jens Stoltenberg, avant une réunion d’urgence des ministres des Affaires étrangères de l’Alliance à Bruxelles.

Plus tôt, le Premier ministre britannique Boris Johnson avait appelé à une nouvelle réunion d’urgence du Conseil de sécurité de l’ONU, tandis que le président américain Joe Biden «exhortait la Russie à cesser ses activités militaires dans la zone» de la centrale, selon la Maison Blanche.

Zaporijie, située sur le fleuve Dniepr à environ 550 km au sud-est de Kiev, est la plus grande centrale nucléaire d’Europe avec une capacité totale de près de 6.000 mégawatts, assez pour fournir en électricité environ quatre millions de foyers. Elle a été inaugurée en 1985, quand l’Ukraine faisait encore partie de l’Union soviétique.

Le 24 février, des combats avaient déjà eu lieu près de l’ancienne centrale de Tchernobyl, à une centaine de kilomètres au nord de Kiev, et qui est désormais entre les mains des troupes russes.

L’incendie à la centrale reflète l’angoisse grandissante des Occidentaux face à un conflit qui embrase désormais tout le pays, avec une liste de plus en plus longue de villes bombardées.

Kiev a notamment accusé Moscou jeudi d’avoir bombardé une zone résidentielle et des écoles à Tcherniguiv, au nord de Kiev, faisant 33 morts. Des combats s’y poursuivaient vendredi, selon les Ukrainiens.

La situation était aussi devenue «un enfer» à Okhtyrka, et «critique» à Soumy, deux villes à quelque 350 km à l’est de Kiev, selon les autorités locales.

Quant au port stratégique de Marioupol, au sud-est, où le maire accusait jeudi les forces russes de vouloir instaurer «un blocus», les autorités régionales indiquaient ne disposer d’»aucune communication».

Dans des déclarations à la télévision russe jeudi, le président Vladimir Poutine n’a donné aucun espoir d’apaisement.

«L’opération militaire spéciale se déroule strictement selon le calendrier, selon le plan», a-t-il affirmé. Il a salué le courage des soldats russes qui combattent selon «des néonazis» et «des mercenaires étrangers» qui utilisent les civils comme «boucliers humains» en Ukraine.

M. Poutine veut «prendre le contrôle» de toute l’Ukraine, avait déclaré un peu plus tôt le président français Emmanuel Macron, après un appel téléphonique de 90 minutes avec Vladimir Poutine. «Le pire est à venir», avait-il ajouté.

Nouvelles lois répressives

Le Kremlin durcit dans le même temps sa répression de toutes les voix dissidentes face à un conflit de plus en plus meurtrier.

Depuis le début de l’offensive le 24 février, arrestations, fermetures des rares médias indépendants restants et nouveaux textes répressifs s’enchaînent, alors que le Kremlin et les grands médias russes présentent le conflit comme «une opération militaire spéciale» et bannissent le mot «invasion».

Vendredi, les autorités russes ont restreint l’accès aux sites de quatre médias indépendants: l’édition locale de la BBC, la radio-télévision internationale allemande Deutsche Welle, le site indépendant Meduza et Radio Svoboda, antenne russe de RFE/RL.

Les députés russes ont également adopté un texte prévoyant des peines pouvant aller jusqu’à quinze ans de prison pour toute personne publiant des «informations mensongères» qui entraîneraient des «conséquences sérieuses» pour les forces armées.

Alors que les autorités tentent de résister à des sanctions économiques sans précédent infligées par les Occidentaux, un autre texte prévoit de pénaliser les «appels à imposer des sanctions à la Russie».

Des perquisitions étaient aussi en cours vendredi dans les locaux moscovites de l’emblématique ONG des droits humains Mémorial, la plus respectée du pays, après sa dissolution ordonnée par la justice, a indiqué Mémorial.

De nombreux Russes tentent de quitter leur pays. Avec la suspension de la quasi-totalité des vols reliant la Russie à l’Europe, les trains reliant Saint-Pétersbourg à Helsinki arrivent bondés dans la capitale finlandaise, a constaté l’AFP.

«Nous avons décidé de rentrer le plus vite possible, car on ne sait pas quelle sera la situation dans une semaine», a indiqué à l’AFP Polina Poliakova, une Moscovite étudiant à Paris, à son arrivée à Helsinki.

Ces trains ne sont cependant de facto accessibles qu’aux Russes qui vivent ou travaillent déjà en Europe: ne passent que les personnes avec un visa Schengen en règle, et un vaccin anti-Covid reconnu par l’Union européenne, autrement dit pas le vaccin Sputnik le plus administré en Russie.

Couloirs humanitaires

On ignorait pour l’instant si les «couloirs humanitaires», que des négociateurs russes et ukrainiens se sont mis d’accord jeudi pour organiser, se mettaient en place.

Ces négociateurs s’étaient retrouvés à la frontière entre la Pologne et le Bélarus, après une première tentative lundi, dans l’espoir d’obtenir une trêve. «Malheureusement, il n’y a pas encore les résultats escomptés pour l’Ukraine. Il n’y a qu’une solution pour organiser des couloirs humanitaires», a déploré après les discussions un membre délégation ukrainienne, Mikhaïlo Podoliak.

Plus d’un million de réfugiés ont déjà fui le pays, selon l’ONU.

Après ses réunions avec l’Otan et des responsables de l’UE à Bruxelles vendredi, le secrétaire d’Etat américain Antony Blinken devait se rendre en Pologne, où affluent la majorité des réfugiés, ainsi que dans les trois pays baltes et en Moldavie.

Cette dernière, qui craint d’être la prochaine cible de Moscou, a annoncé jeudi avoir déposé officiellement sa candidature à l’entrée dans l’Union européenne, tout comme la Géorgie, suivant l’exemple de l’Ukraine.

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