Google devrait verser de l’argent aux médias suisses

AWP

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Le Conseil fédéral veut faire payer les courts extraits d’articles visibles dans les listes de résultats. La consultation court jusqu’au 15 septembre. Les autres services en ligne sont aussi concernés.

Google et d’autres services en ligne devraient verser de l’argent aux médias suisses. Le Conseil fédéral veut faire payer les courts extraits d’articles visibles dans les listes de résultats. La consultation ouverte mercredi court jusqu’au 15 septembre.

Avec l’évolution numérique, le débat public s’est en grande partie déplacé sur Internet. Des services en ligne tels que les moteurs de recherche (comme Google), les plateformes multimédias (comme YouTube) et les services de microblogage (comme Twitter) sont aujourd’hui plus souvent utilisés comme sources d’informations que les médias traditionnels, note le gouvernement dans un communiqué.

Or ces grands services en ligne utilisent des prestations de ces médias traditionnels. En vertu de la liberté d’information, ils doivent avoir le droit d’afficher des contenus journalistiques. Mais les journalistes doivent aussi en profiter, estime le Conseil fédéral.

Dans un projet de révision du droit d’auteur, il propose que ces services en ligne paient une rémunération pour pouvoir afficher des extraits d’articles de journaux ou des aperçus de vignettes d’images dans leurs listes de résultats. Seuls ceux comptant un nombre annuel moyen d’utilisateurs de 10% au moins de la population suisse tomberaient sous le coup de cette obligation.

Partage sur les médias sociaux

Lors de la consultation, le Conseil fédéral propose deux options en ce qui concerne le partage de courts extraits par les utilisateurs de médias sociaux. En revanche, il a déjà décidé que la création de simples hyperliens ne donne pas lieu au versement d’une rémunération.

Les nouvelles dispositions ne devraient rien changer pour les internautes. Elles ne devraient avoir aucune conséquence financière pour eux. Le gouvernement n’exclut cependant pas le risque que des fournisseurs de services en ligne renoncent à afficher des extraits pour échapper entièrement ou au moins partiellement à l’obligation.

Ne pas oublier les petits médias

La gestion des droits sur les contenus des médias serait du ressort d’une société de gestion. Cette dernière représenterait les intérêts des entreprises de médias et des journalistes sur une base collective et négocierait avec les services en ligne concernés le montant et les modalités.

Cette approche permet de faire profiter aussi les médias régionaux et de taille plus modeste de la rémunération, selon le Conseil fédéral. Il dit aussi miser sur une solution qui a fait ses preuves et qui présente l’avantage d’être moins bureaucratique en comparaison internationale.

Il est pour l’heure difficile d’estimer les recettes supplémentaires que pourront réaliser les médias et les journalistes, car leur montant dépendra des négociations entre les sociétés de gestion et les associations représentatives des utilisateurs, précise encore le gouvernement. Les tarifs négociés, qui sont contraignants, devront être approuvés par la Commission arbitrale fédérale pour la gestion de droits d’auteur et de droits voisins.

Avant d’ouvrir cette consultation, le gouvernement a observé les développements en la matière au niveau international. En 2019, l’UE a édicté une directive en faveur des entreprises de médias afin qu’elles puissent défendre leurs intérêts vis-à-vis des services en ligne. Cette directive est aujourd’hui mise en œuvre dans la majorité des Etats membres.

Une alliance monte au créneau pour une «rémunération équitable» de la part des géants du web

Une alliance composée notamment d’associations médiatiques et de représentants politiques monte au front en faveur d’un droit voisin en Suisse. Elle réclame une «rémunération équitable» de la part des géants du web en contrepartie de l’utilisation des contenus journalistiques, y compris par les chatbots d’intelligence artificielle (IA) comme ChatGPT.

L’alliance veut mettre un terme au «vide juridique» dans le droit d’auteur en Suisse. Cette situation permet aux plateformes internationales comme Google, Microsoft ou Meta d’exploiter les contenus des entreprises de médias à leur propre profit sans avoir à verser une rémunération, a-t-elle écrit mercredi dans la foulée de la présentation du projet par le Conseil fédéral.

Cette coalition est composée de représentants de tous les partis, des principales associations du monde des médias, de l’association professionnelle des journalistes (Impressum), de l’association des professionnels de la création culturelle (suisseculture) ou encore de la SSR. Keystone-ATS est également associée.

L’alliance, qui a à coeur de «préserver la vitalité de la place médiatique suisse, salue en particulier le fait que le projet du Conseil fédéral prévoit que les montants perçus profitent également aux journalistes eux-mêmes ainsi qu’aux petites entreprises de médias.

«Liberté d’internet pas menacée»

Pour la coalition, la Suisse doit suivre le mouvement européen, plusieurs pays ayant adopté une telle législation. «La Suisse ne peut faire exception, car cela signifierait que la propriété intellectuelle serait moins bien protégée sur notre territoire que dans les pays voisins», fait-elle valoir.

Celle-ci ajoute que la législation suisse doit tenir compte des nouveaux développements, en particulier dans le domaine de l’IA. «Les chatbots comme ChatGPT puisent également dans les contenus journalistiques pour les intégrer dans leurs prestations», souligne la coalition.

Dans une prise de position séparée, la faîtière des éditeurs romands Médias Suisses précise que le droit voisin s’appliquera aux extraits d’articles («snippets»), mais non à la reproduction de simples liens hypertextes. «La liberté sur Internet ne sera en aucun cas remise en question», affirme ainsi Médias Suisses.

Une étude du cabinet FehrAdvice, mandatée par l’association des éditeurs alémaniques Schweizer Medien (VSM), a chiffré à 154 millions de francs par an le montant que Google devrait verser en Suisse. Le groupe américain a contesté cette analyse.

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