FMI: la croissance mondiale butte sur les barrières douanières

AWP

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Plus faible progression de l’économie mondiale en 2019 depuis la crise financière. Le Fonds abaisse ses prévisions pour la zone euro à cause de l’Allemagne.

«A 3% de croissance, il n’y a pas de place pour les erreurs politiques». En dévoilant la dernière prévision d’expansion de l’économie mondiale pour 2019, Gita Gopinath, l’économiste en chef du FMI, a pressé les décideurs politiques à réduire «urgemment» les tensions commerciales.

Le Fonds monétaire international a annoncé mardi qu’il tablait pour 2019 sur une croissance la plus faible depuis la crise financière, incriminant en premier lieu la guerre commerciale entre les Etats-Unis et la Chine qui entame durement le commerce international.

Les estimations ont été élaborées avant l’annonce, vendredi, d’un accord de principe entre les deux premières puissances économiques mondiales. Pour autant, la trêve n’est pas de nature à changer la tendance à court terme.

La persistance des tensions géopolitiques notamment au Moyen-Orient, la difficile sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne (Brexit) et un secteur manufacturier -- en particulier automobile -- en berne, constituent les autres principaux risques ayant conduit le Fonds à abaisser, pour la cinquième fois en un an, sa prévision de croissance mondiale.

«L’économie mondiale connaît un ralentissement synchronisé», a commenté Mme Gopinath reprenant l’expression de la nouvelle directrice générale du FMI Kristalina Georgieva.

L’expansion est désormais loin des 3,8% enregistrés en 2017 «quand le monde était dans une croissance synchronisée», a ajouté l’économiste.

Et alors que la reprise avait été portée par le commerce international après la crise de 2008, le volume des biens et services échangés ne va augmenter que de 1,1% (-1,4 point) cette année, un plus bas depuis 2012. C’est aussi bien inférieur aux 3,6% de 2018.

Washington et Pékin, au coeur d’une guerre des tarifs douaniers sans précédent depuis mars 2018, enregistreront tous deux des croissances moins fortes qu’estimé en juillet.

L’expansion américaine devrait ainsi tomber à 2,4% (-0,2 point), celle de la Chine à 6,1% (-0,1 point).

«L’incertitude liée au commerce a eu des effets négatifs sur l’investissement» aux Etats-Unis, a commenté le FMI. «Mais l’emploi et la consommation restent robustes, également soutenus par des mesures de relance», note-t-il, ce qui permet à la première économie du monde de tirer, pour le moment, son épingle du jeu.

«En Chine, la dégradation de la croissance reflète non seulement la hausse des tarifs douaniers mais encore le ralentissement de la demande intérieure consécutive aux mesures prises pour maîtriser la dette», explique l’institution.

Parallèlement, les pays de la zone euro font pâle figure avec une croissance attendue de 1,2% (-0,1 point). En Italie, le PIB va même stagner; en Allemagne, il va croître de seulement 0,5% (-0,2 point) et de 1,2% en France (-0,1 point).

«D’une manière générale, la faiblesse des exportations freine l’activité de la zone euro depuis le début de 2018», a résumé le FMI qui note aussi la persistance de l’impact du changement des normes polluantes dans le secteur automobile.

«Précaire»

Ailleurs dans le monde, la croissance de quelques grandes économies en 2019 sera très inférieure à celle de 2018, comme l’Inde (-0,9 point à 6,1%), le Brésil (+0,1 point à 0,9%), le Mexique (-0,5 point à 0,4%), la Russie (-0,1 point à 1,1%) et l’Afrique du Sud (inchangé à 0,7%). Mais elle devrait se redresser en 2020.

Se tournant vers l’avenir, le FMI anticipe un rebond de la croissance en 2020 à 3,4% (-0,1 point).

«Cependant, contrairement au ralentissement qui est synchronisé, cette reprise n’est pas générale et reste précaire», a mis en garde Gita Gopinath, notant que le ralentissement va au contraire se poursuivre aux Etats-Unis, au Japon et en Chine.

Globalement, tous les pays font face à des vents contraires. Certains d’entre eux --comme les Etats-Unis-- ont pu les compenser par une baisse des taux d’intérêt.

Pour autant, prévient le FMI, «la politique monétaire ne saurait être le seul outil» pour stimuler la croissance.

Et les premiers signes de ralentissement dans le secteur des services aux Etats-Unis comme en zone euro sont visibles.

Le Fonds recommande par exemple à l’Allemagne de profiter «des taux d’emprunt négatifs pour investir dans le capital social et les infrastructures».

«Les erreurs politiques à ce stade, comme un Brexit sans accord ou une escalade des conflits commerciaux, pourraient saper gravement la confiance, la croissance et la création d’emplois», insiste le FMI mettant aussi en garde contre la volatilité des marchés financiers.

Enfin, le FMI exhorte à s’attaquer maintenant aux risques du changement climatique qui «vont considérablement augmenter à l’avenir».

Prévision réduite pour la zone euro, plombée par l’Allemagne
Le FMI a revu à la baisse mardi ses prévisions de croissance pour la zone euro en 2019 et 2020, en raison de la situation de l’Allemagne, très affectée par les tensions commerciales et les déboires de son industrie automobile.

Le Fonds Monétaire International table désormais sur une croissance de 1,2% en 2019 puis 1,4% en 2020 dans les 19 pays ayant adopté la monnaie unique. En juillet dernier, lors de ses dernières prévisions, il prévoyait encore une croissance de 1,3% en 2019 et de 1,6% en 2020.

Pour l’Allemagne, la correction est encore plus forte: le FMI prévoit désormais 0,5% de croissance en 2019 et 1,2% en 2020. En juillet dernier, il tablait sur une hausse du PIB de 0,7% en 2019 et 1,7% en 2020.

La zone euro est, avec les pays émergents, l’une des causes du ralentissement économique mondial, et cette situation pourrait encore se détériorer l’an prochain, selon le FMI.

D’autant plus que le divorce du Royaume-Uni avec l’UE, toujours au centre de discussions laborieuses, pèse sur ces perspectives.

«Les barrières commerciales et les tensions géopolitiques accrues, y compris les risques liés au Brexit, pourraient perturber davantage les chaînes d’approvisionnement et entraver la confiance, l’investissement et la croissance», a estimé Gita Gopinath, l’économiste en chef du FMI, citée dans le rapport.

«Dans la zone euro, le ralentissement de la croissance de la demande extérieure et la réduction des stocks des entreprises (reflet de la faiblesse de la production industrielle) ont limité la croissance depuis mi-2018», constate le FMI.

En Allemagne, le secteur automobile, pilier de l’industrie avec des géants comme BMW, Daimler ou Volkswagen, fait de plus en plus figure de talon d’Archille. Particulièrement vulnérable aux conflits commerciaux, il apparaît également mal préparé pour la révolution électrique, qui nécessite pourtant des investissements massifs.

Pour le Royaume-Uni, dont le départ de l’UE est actuellement prévu le 31 octobre, le FMI a très légèrement abaissé sa prévision de croissance pour 2019 à 1,2% (contre 1,3% lors des prévisions de juillet) mais maintenu sa prévision à 1,4% pour 2020.

Selon le FMI, les dépenses publiques supplémentaires envisagées par le gouvernement de Boris Johnson «devraient atténuer le coût du Brexit pour l’économie» britannique. L’incertitude reste néanmoins grande au moment où les négociations entre Bruxelles et Londres pour parvenir à un accord sur une sortie ordonnée du Royaume-Uni de l’UE sont dans leur dernière ligne droite.

En zone euro, le FMI a recommandé une fois de plus à l’Allemagne d’investir davantage, étant «donné ses marges de manoeuvre budgétaires».

En revanche, «dans les pays fortement endettés, notamment la France, l’Italie et l’Espagne, il faudrait progressivement reconstituer des réserves tout en protégeant l’investissement», estime-t-il.

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