Les syndicats et la gauche ont exprimé leurs vives inquiétudes face aux bouleversements internationaux qui «menacent les droits des travailleurs et des minorités», jeudi lors de la Fête du 1er Mai. Plus de 20’000 personnes se sont rassemblées dans une cinquantaine de villes et localités en Suisse.
«La solidarité plutôt que la haine, l’union fait la force», tel était le slogan des organisateurs de l’Union syndicale suisse (USS) pour cette Fête du travail.
Les syndicats et le PS ont parfois dû composer, en marge des cortèges officiels, avec quelques activistes radicaux, en particulier à Zurich et à Bâle, mais les parties officielles se sont déroulées sans incidents notables dans l’ensemble.
A Genève, près de 2500 personnes, selon un décompte de Keystone-ATS, se sont retrouvées sous un soleil éclatant. En tête du cortège, une grande banderole aux couleurs d’Unia a donné le ton: «Contre les fachos et les abus patronaux - Défendons les salaires, pas les frontières». Les syndicats et la gauche ont profité de l’occasion pour fustiger l’initiative de l’UDC contre une «Suisse à 10 millions», une initiative «xénophobe qui attise la peur et la division».
Personnel de l’ONU inquiet
Un peu plus tôt, près de 500 personnes s’étaient rassemblées sur la Place des Nations pour dénoncer les mesures d’austérité qui frappent le système des Nations unies.
«Il y a beaucoup d’incertitude sur les réductions d’effectifs qui visent des milliers de personnes et sur les coupes budgétaires qui compromettent le système des Nations unies», a déclaré Séverine Deboos, du Syndicat du personnel de l’OIT. Le personnel des organisations internationales est très remonté face à l’impact des mesures en particulier de la nouvelle administration des Etats-Unis, qui affecte le multilatéralisme.
Escarmouches à Zurich
A Zurich, le cortège officiel a réuni 14’000 personnes, selon l’USS. A l’issue de celui-ci, la présidente d’Unia Vania Alleva a tenu un discours fustigeant «Trump et ses sbires» et s’insurgeant contre «les milieux qui s’en prennent aux syndicats, aux féministes, aux LGBTQI+». Elle a plaidé pour «la solidarité plutôt que la haine».
Des incidents entre manifestants d’extrême gauche et la police ont émaillé la manifestation non autorisée qui a suivi. Les forces de l’ordre ont été attaquées et ont répliqué avec des balles en caoutchouc et du gaz irritant, a indiqué sur X la police municipale. Auparavant, en marge du défilé, des façades avaient été sprayées.
A Bâle, les quelque 3000 personnes présentes au cortège - 5000 selon l’USS - ont été rejointes par quelques centaines de militants du «bloc anticapitaliste». Le siège d’UBS a été la cible de jets de tomates, mais la police est restée discrète. Des incidents ont aussi eu lieu à Winterthour (ZH).
Madame Baume-Schneider «en colère»
A Fribourg, devant quelques centaines de personnes, Elisabeth Baume-Schneider a dénoncé la «loi du plus fort» qui tend à prévaloir en maints endroits. La conseillère fédérale socialiste en a appelé à l’union «face à l’explosion des inégalités économiques et face aux enjeux de la santé.»
Evoquant le récent féminicide à Epagny (FR), elle a exprimé sa «colère devant la situation que nous vivons en Suisse. Quatorze féminicides durant les 5 derniers mois, c’est inacceptable.»
Lausanne, Berne et Bienne ont également été le théâtre de manifestations relativement importantes, avec quelque 1500 personnes notamment pour les deux villes bernoises, au total.
A Olten (SO), le conseiller fédéral socialiste Beat Jans en a appelé à plus d’engagement et d’optimisme. «Nous ne devons pas nous laisser abattre par les mauvaises nouvelles du monde ni par les vents déstabilisateurs venus de la droite», a-t-il dit. En guise de parade, il a plaidé pour l’empathie, qualifiée de ciment de la société. «Elle nous guide et donne un sens à notre vie collective.»
Pour Maillard, «le monde semble basculer»
Au Sentier (Vallée de Joux/VD), le président de l’USS et conseiller aux Etats (PS/VD) Pierre-Yves Maillard a tonné contre «les victoires et les progressions de l’extrême droite» dans plusieurs pays. «Notre monde semble basculer, et le jour de mobilisation traditionnelle des travailleuses et des travailleurs prend une autre dimension. On ressent le besoin d’être ensemble, d’exprimer une opposition à ce qui vient et nous agresse», a-t-il affirmé.
Les co-présidents du PS n’ont pas pris de pincettes. A Winterthour (ZH), la conseillère nationale zurichoise Mattea Meyer a reproché au Conseil fédéral d’aller «embrasser les pieds» des dirigeants américains. Selon elle, Donald Trump et ses alliés ne cherchent qu’à obtenir «encore plus de pouvoir et de milliards».
L’autre co-président du PS, son collègue argovien du National Cédric Wermuth, a dénoncé à Liestal la «politique affairiste irresponsable» du Conseil fédéral. Ce dernier «s’acoquine y compris «avec les pires types (allusion probable au pouvoir américain, ndlr) pour aller gratter jusqu’au dernier franc», a-t-il tempêté.
La Jeunesse socialiste Suisse a souhaité «un plafonnement des fortunes pour se débarrasser des ultra-riches». En Suisse, «le pour cent de la population le plus riche détient près de 45% de la fortune totale, tandis que les salaires de la grande majorité de la population stagnent et que le coût de la vie ne cesse d’augmenter», a pointé le parti.