Biotech: l’UE ordonne à Illumina d’annuler son rachat de Grail, chiffré à 7,1 milliards

AWP

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La fusion avait été interdite en septembre 2022 par la Commission européenne, qui craignait une entrave à l’innovation et une réduction de l’offre sur le marché émergent des tests sanguins de détection précoce des cancers.

Credit photo Courtesy of Illumina, Inc.

Bruxelles a ordonné jeudi à la société américaine de biotechnologies Illumina d’annuler le rachat de sa compatriote Grail, conclu en 2021 pour 7,1 milliards de dollars et qui avait déjà été interdit par l’UE par crainte d’une position dominante.

La fusion avait été interdite en septembre 2022 par la Commission européenne, gardienne de la concurrence, car elle craignait que l’opération «entrave l’innovation et réduise l’offre sur le marché émergent des tests sanguins de détection précoce des cancers».

Grail fait partie des entreprises tentant de développer ce type de tests, qui analysent des prélèvements sanguins ou d’autres fluides à travers un séquençage d’ADN. Illumina n’était pas en concurrence directe avec Grail mais était la seule société à proposer des solutions viables de séquençage d’ADN pour ces tests.

L’exécutif européen a indiqué jeudi dans un communiqué avoir adopté «des mesures correctives obligeant Illumina à annuler l’acquisition de Grail».

Aux yeux de Bruxelles, il s’agit d’une «acquisition tueuse», type d’opération où le géant d’un secteur rachète une startup prometteuse au moment où elle commence à prendre son essor, afin d’éviter qu’elle ne devienne un potentiel rival.

Le groupe américain a réagi succinctement via un porte-parole: «Illumina examine actuellement l’ordre de désinvestissement de la Commission européenne».

«Marché crucial»

Cette décision «rétablit la concurrence dans le développement de tests de détection précoce du cancer», a déclaré Didier Reynders, commissaire en charge de la Concurrence, cité dans le communiqué. Il a souligné qu’il s’agissait d’un «marché crucial» car «ces tests pourraient constituer une percée dans la lutte contre le cancer».

Une source proche du dossier a souligné que la décision de jeudi ne consistait qu’à énoncer les conditions du divorce forcé, ordonné en 2022.

De plus, selon elle, Illumina a respecté des mesures temporaires imposées dès 2021 de garder les activités de Grail bien séparées des siennes et va préparer la désunion ordonnée tout en poursuivant son appel.

Le groupe avait en effet déjà déposé un recours devant la Cour européenne de justice, estimant que la Commission européenne n’a pas juridiction pour cette fusion car Grail n’opère qu’aux Etats-Unis et au Royaume-Uni --donc hors UE.

En vertu de la décision rendue jeudi, Illumina devra présenter un plan de désinvestissement qui sera soumis à l’approbation de Bruxelles.

La méthode employée (vente à investisseur, introduction en Bourse, etc.) est laissée à l’appréciation d’Illumina à condition de respecter trois principes.

Premièrement, «la dissolution de l’opération devra rétablir l’indépendance de Grail par rapport à Illumina au même niveau qu’avant l’acquisition».

Deuxièmement, «Grail devra être aussi viable et compétitif après la cession qu’elle l’était avant» son rachat.

Enfin, la cession devra «être réalisée dans des délais stricts», a affirmé l’exécutif européen, sans fixer de date.

Lourdes amendes

En cas de non-respect de ces exigences, la Commission pourra imposer des astreintes pouvant aller jusqu’à 5% du chiffre d’affaires quotidien de l’entreprise.

Illumina s’expose aussi à une amende pouvant aller jusqu’à 10% de son chiffre d’affaires annuel mondial pour avoir enfreint le règlement européen sur les concentrations.

Bruxelles lui a déjà infligé en juillet une amende de 432 millions d’euros pour avoir finalisé ce rachat sans le feu vert de l’autorité de concurrence de l’UE.

«C’est la première fois que des entreprises mettent en oeuvre ouvertement leur opération alors que nous menons une enquête approfondie», s’était indignée Margrethe Vestager, alors commissaire à la Concurrence, lors de l’annonce de l’interdiction de la fusion.

La Commission, qui veille au respect des règles pour protéger la concurrence dans l’Union, se prononce sur les opérations de fusions-acquisitions ayant un impact potentiellement important sur le marché européen, même lorsque les entreprises concernées n’ont pas leur siège dans l’UE.

Peu après l’ouverture de la Bourse de New York, l’action Illumina reculait de 1,71% à 135,56 dollars.

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