Le retour imminent de Donald Trump à la Maison Blanche a accéléré la flambée les taux d’emprunt des Etats à travers le monde, les marchés craignant une politique économique particulièrement inflationniste du président élu américain.
Le marché des obligations d’Etats, ces morceaux de dettes d’un pays avec différents horizons de remboursement à long terme, connait un début d’année 2025 douloureux, avec des taux à des sommets parfois pluriannuels.
Plus une obligation est recherchée par les investisseurs, plus son taux va baisser. En revanche, les investisseurs cherchent à être mieux rémunérés lorsqu’ils jugent la dette d’un Etat plus risquée.
«Un taux doit pouvoir rémunérer (ou compenser) une inflation, un risque de l’émetteur» de la dette, explique Aurélien Buffault, gérant obligataire de Delubac AM, interrogé par l’AFP.
Et le principal risque anticipé par les marchés est l’application du programme économique du président élu américain Donald Trump perçu comme très inflationniste.
L’effet Trump
Alors que les banquiers centraux américains s’attèlent à contenir l’inflation, des experts estiment que les projets de Donald Trump (droits de douane prohibitifs, expulsions massives) pourraient compliquer l’équation.
Le spectre d’une «guerre commerciale», ou en tout cas d’un «risque politique accu» avec le retour de Donald Trump infuse dans les marchés, souligne M. Buffault.
Pendant sa campagne présidentielle, Donald Trump a envisagé d’imposer 10 à 20% de droits de douane sur l’ensemble des produits entrant aux Etats-Unis, et même jusqu’à 60%, voire 100% sur ceux venant de Chine.
Aux Etats-Unis, le rendement à 10 ans des bons du Trésor ne cesse de grimper, pour atteindre vendredi son plus haut depuis octobre 2023. Ceux à 30 ans ont dépassé les 5% pour la première fois depuis novembre 2023.
Au Royaume-Uni, le rendement des «gilts», les bons du Trésor britanniques, a d’autant plus explosé que les préoccupations se font de plus en plus fortes quant à la capacité du gouvernement travailliste à maîtriser le déficit, sur fond de hausse des coûts d’emprunt. A l’endettement public croissant s’ajoute une inflation persistante et la crainte d’une mise en place des droits de douane de Donald Trump.
Le taux des obligations britanniques à 30 ans a enregistré jeudi un nouveau sommet depuis juillet 1998, et les rendements des emprunts à 10 ans ont touché le même jour un plus haut depuis juillet 2008.
Au Japon, le rendement à 10 ans a poussé vendredi jusqu’à son plus haut niveau depuis 2011. Le phénomène se vérifie aussi en France avec des taux à 10 ans au plus haut depuis novembre 2023 et en Allemagne, avec un sommet depuis juillet 2024.
«La question cruciale demeure: à quel niveau la stabilisation se produira-t-elle ?», interroge Florian Ielpo, responsable de recherche macroéconomique pour Lombard Odier IM.
La Chine à contre-courant
A revers de la dynamique mondiale et «malgré l’annonce de nombreuses mesures de relance (du gouvernement), les rendements continuent de chuter, et l’écart entre les rendements américains et chinois se creuse de manière inquiétante», souligne Ipek Ozkardeskaya, analyste chez Swissquote Bank.
«La Banque populaire de Chine (a annoncé) qu’elle arrêtera temporairement les achats d’obligations d’Etat en raison d’une pénurie de l’offre», note par ailleurs John Plassard, de Mirabaud, dans une volonté de rassurer les investisseurs «face aux inquiétudes suscitées par la faiblesse de la croissance économique».
Pour Aurélien Buffault, ce phénomène s’explique car le pays frôle la déflation, en raison d’une grave crise de l’immobilier et des niveaux de consommation bien en dessous de ceux observés avant la pandémie de Covid-19.
«Comme c’est un pays très exportateur, la Chine va se voir obligée de baisser ses prix pour vendre ses produits» qui font face à une forte concurrence et qui pourraient se voir imposer des droits de douane très prohibitifs au Etats-Unis notamment, poursuit M. Buffault.
Le président élu républicain prendra ses fonctions le 20 janvier prochain.