Que faut-il attendre en matière de taux et en ce qui concerne les marchés obligataires en 2025? Quelle sera la place à accorder aux placements alternatifs durant la nouvelle année qui débute? Le point avec Jacques-Etienne Doerr, responsable des ventes pour la Suisse (Head of Institutional Sales, Switzerland) chez PGIM Fixed Income à Zurich.
Les taux d’intérêt aux Etats-Unis ont connu de fortes variations en deuxième moitié d’année 2024. Après avoir évolué en baisse jusqu’à la mi-septembre pour tomber à près de 3,6%, le rendement des bons du Trésor à 10 ans est remonté à plus de 4,4% fin novembre, avant de redescendre à moins de 4,2% début décembre. Au lendemain de l’annonce de la décision de la Réserve fédérale du 18 décembre, il est remonté à 4,57%, soit le niveau où il a approximativement terminé l’année (4,52% le 31 décembre). Pour 2025, quelles sont, dans les grandes lignes, les attentes de PGIM Fixed Income concernant l'évolution des taux d’intérêt aux Etats-Unis et en Europe?
En ce qui concerne les Etats-Unis, on a pu observer une volatilité plus élevée au cours des deux dernières années qu’au cours des années précédentes. De notre côté, nous travaillons avant tout sur la base de scénarios. Malgré cette volatilité plus élevée, nous sommes prudemment constructifs en ce qui concerne l’évolution des taux aux Etats-Unis. On s’attend à ce que les taux d’intérêt américains évoluent à l'avenir à l'intérieur d'une certaine fourchette. Au début de 2024, les anticipations du marché concernant de possibles futures baisses des taux aux Etats-Unis étaient certainement exagérées. Aujourd’hui, la politique en matière de taux d’intérêt de la Fed est avant tout dictée par l’évolution des données, notamment en ce qui concerne le marché du travail ou l'inflation. L'environnement des taux d’intérêts actuels aux Etats-Unis se prête tout à fait à d'autres investissements, mais il ne faut pas non plus espérer de fortes impulsions pour les marchés en raison de potentielles futures baisses de taux.
«Au début de 2024, les anticipations du marché concernant de possibles futures baisses des taux aux Etats-Unis étaient certainement exagérées.»
Quelles sont vos attentes du côté de la BCE?
Le contexte est très différent. Nous anticipons des baisses de taux plus significatives de la part de la BCE. La nécessité d'agir est beaucoup plus forte en Europe qu’aux Etats-Unis. Cela d’autant plus qu’il n’y a pas en Europe la thématique liée à l’imposition de droits de douanes qui est susceptible de faire redémarrer l’inflation, comme certains le craignent aux Etats-Unis en vue de l’entrée en fonction de Donald Trump.
Sur le Vieux Continent, l'écart de taux qui s’est creusé entre les obligations d’Etat françaises et allemandes a été scruté de près en deuxième moitié d’année, tout comme le fait que la dette française coûte désormais plus cher que celle de pays de l’Europe dite périphérique comme l’Espagne ou la Grèce. S’agit-il de risque dont il faut davantage tenir compte lorsque l’on investit sur le marché obligataire actuellement?
De manière générale, l’insécurité concernant l’évolution budgétaire et conjoncturelle en Europe a augmenté en 2024. On ne peut pas simplement l’ignorer. Avant, la dette de pays comme l’Italie, la Grèce ou l’Espagne apparaissait peu sûre, au contraire des pays du cœur de la zone euro comme l’Allemagne et la France. Aujourd’hui, c’est l’inverse qui est vrai. L’Allemagne se préoccupe de ses problèmes internes. La France recherche un équilibre sur le plan politique. On ne peut pas ignorer cet arrière-plan.
De notre côté, nous accordons chez PGIM une grande importance à la diversification non seulement géographique ou par branche mais aussi via le recours à une vaste gamme d’instruments de placement. Nous proposons également une offre dans les placements alternatifs avec des instruments tels que la distressed debt par exemple. C’est aussi le cas pour des véhicules tels que les Collateralized Loan Obligations (CLO) ou les Asset Backed Securities (ABS). L’univers des produits à revenu fixe ne se limite pas aux seules obligations d’Etat.
Les investisseurs, institutionnels notamment, sont-ils enclins à investir dans ces instruments qui avaient été fortement affectés par la crise financière en 2008?
Le secteur financier a beaucoup évolué depuis 2008. Des exigences de sécurité supplémentaires ont été mises en place. S’agissant des CLO par exemple, si l’on considère la tranche senior, il n’y a pas eu de défaut de paiement dans ce segment depuis. La structure en cascade de ces instruments réduit les risques pour les tranches de meilleure qualité.
«Nous anticipons des baisses de taux plus significatives de la part de la BCE.»
En Suisse, les investisseurs ne se soucient plus de l’inflation mais plutôt d’un possible retour en 2025 à la situation des taux zéro, voire négatifs. Est-ce un sujet de préoccupation pour les investisseurs actuellement?
Malgré la baisse des taux, il y a encore du chemin à faire avant que l’on ne puisse se retrouver en Suisse à nouveau dans une situation de taux négatifs. Malgré tout, on perçoit chez les investisseurs une recherche de diversification des sources de revenus via différentes sortes de catégories de placement.
Les infrastructures en font-elles partie?
Oui, absolument. Cela d’autant plus que les caisses de pension en Suisse peuvent investir jusqu’à 10% de leur portefeuille dans les infrastructures qui sont considérées depuis quelques années comme une catégorie de placement distincte. L’intérêt pour les placements dans les infrastructures n’a cessé d’augmenter – c'est un domaine que nous observons attentivement.
De quelles ressources dispose PGIM en Suisse et quels sont vos axes de développement?
Nous avons une équipe de cinq personnes basées à Zurich, en plus de plusieurs centaines de collaborateurs à Londres et dans d'autres villes européennes. Dans le domaine obligataire, nous nous concentrons davantage sur les obligations d’entreprises ou les actifs garantis que sur les obligations d'État, qui sont plutôt vues comme un complément dans des mandats plus larges. Les placements alternatifs, déjà évoqués précédemment, sont aussi un segment dans lequel nous nous développons actuellement.
Par rapport aux quelque 1400 milliards de dollars d'actifs sous gestion de PGIM sur le plan global, la Suisse représente une part située entre 10 et 20 milliards qui se répartit entre les produits à revenu fixe, l’immobilier, le crédit privé ainsi que différentes formes de placements alternatifs.