Gonet: l'actualité des marchés au 4 octobre

Jean Frédéric Nussbaumer, Gonet & Cie

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Dow +2,66%, S&P 500 +2,59%, Nasdaq +2,27%, Russell 2000 +2,65%, SOX +3,76%, Eurostoxx +0,72%, SMI +0,23%.

Si le marché était une star de cinéma, il serait Dory. Mais oui… Vous connaissez Dory, ce sympathique poisson amnésique qui nous a bien fait rire dans Le monde de Nemo (si vous n’y êtes toujours pas demandez à vos enfants).

Hier notre Dory à nous, qui habite downtown Manhattan, oublie tout et démarre son quatrième trimestre sur une fort agréable note d’optimisme. Mais que se passe-t-il donc au joyeux royaume des actions pour que la bonne humeur l’emporte à ce point hier? Well… Pas grand-chose en fait. Notons le volte-face symbolique de Liz Truss, qui renonce à réduire les impôts des plus riches contribuables anglais, ce qui a pour effet de détendre le marché des Gilts et permet à la livre de récupérer du terrain contre le dollar, ce matin à 1,1387. Les esprits taquins ne manqueront pas de faire remarquer que le gouvernement anglais ne renonce qu’à la partie la plus symbolique de son nouveau budget, quelque chose me dit que la série «Liz au pays des merveilles» ne fait que commencer. Mais n’en déplaise à Madame Truss, ce sont surtout les statistiques macro-économiques du jour qui ravissent le marché. L’indice ISM (Institute for Supply Management) manufacturier américain ressort nettement en-dessous des attentes au mois de septembre et en net recul par rapport à août. Cet indicateur de l’activité économique se rapproche de 50, la frontière entre la croissance et la contraction économique, un signe que l’économie des Etats-Unis est en train de ralentir. Cerise sur le gâteau, la composante des prix de l’ISM manque les attentes, une sorte de cocktail de rêve pour les intervenants, qui voient là une croissance en berne accompagnée de prix en recul, suivez mon regard du côté de la Fed. Et ce n’est pas tout! Les dépenses de construction au mois d’août se prennent les pieds dans le tapis et sortent aussi nettement en-dessous du consensus.

Et paf le retour des taureaux…

Les rendements obligataires chutent littéralement hier, de 25 points de base à un moment donné. Le 2 ans US, qui évoluait à 4,22%, clôture à 4,11% et évolue ce matin à 4,04%. Le 10 ans revient à 3,59%, le 28 septembre il dépassait brièvement les 4%, c’est dire la violence du mouvement depuis. L’indice S&P500 (SPX) et ses pairs ne manquent pas l’occasion de profiter d’un tel contexte de détente. Il faut aussi prendre en compte le fait que de très nombreux intervenants avaient shorté ce marché, que le positionnement long s’était fortement marginalisé, que l’activité de couverture (hedging) récente a été historiquement très élevée et que le sentiment des investisseurs, principalement des petits porteurs, était au plus bas de tous les temps. En résumé le marché était tendu comme une corde de violon, il ne lui manquait qu’un minuscule signal  pour se relâcher quelque peu. On l’avait déjà mentionné, le marché était survendu, il l’est probablement encore.

Ces indicateurs internes de marché (market internals) sont importants. Les intervenants ont tendance à ne pas les voir lorsque l’émotion prend le dessus sur le raisonnement, ce qui s’est probablement produit ces dernières semaines. Or le fait est que le terreau est de plus en plus fertile pour un rebond des indices. Ceci dit, ne nous emballons pas trop vite, et c’est là que Dory intervient. Hier les indices progressent aussi grâce à de la spéculation croissante selon laquelle les données économiques faibles du jour et les préoccupations concernant l'instabilité financière obligeront la Fed à adopter un angle plus doux dans son approche de la hausse des taux. Ce scénario n’est toutefois pas soutenu par le marché des Fed Funds. Qui continue de voir des taux culminer à 4,25-4,50% (actuellement 3,00 - 3,25%).

Il est donc urgent de ne pas se laisser aller à quelque euphorie que ce soit. Le SPX défend le niveau de 3600 points avec succès hier, le breadth est excellent avec 5 titres en hausse contre 1 en baisse sur le NYSE et 2 à 1 pour les bulls sur le Nasdaq. La volatilité recule de 5% mais le VIX se maintient au-dessus de 30, c’est élevé. Au chapitre des secteurs, l’énergie enfonce le plafond et décolle de 5,7%, portée par la volonté farouche de l’OPEP + de ramener le baril de brut au-dessus de 90 dollars. Le WTI Light Crude traite ce matin à 84 dollars. Le podium du jour du SPX est complété par les materials et la technologie. Tous les secteurs du SPX terminent leur journée dans le vert. Seule Johnson & Johnson (JNJ -0,09%) ne parvient pas à monter au sein du Dow Jones.

Le Brésil fait également l'objet d'une attention particulière, l’ETF  iShares Brazil (EWZ) décolle de 9,85% après que le président Bolsonaro ait été assuré de participer à un second tour de scrutin contre Lula. Les investisseurs applaudissent les résultats meilleurs que prévu du président sortant et parient que son adversaire de gauche sera contraint de modérer ses positions dans la deuxième partie de la course.

John Williams, patron de la Fed de New York, avertit que les pressions inflationnistes sous-jacentes sont encore trop fortes. «La baisse des prix des produits de base et le recul des problèmes de chaîne d'approvisionnement ne suffiront pas à eux seuls à ramener l'inflation vers notre objectif de 2%. L'économie a déjà subi les effets du resserrement de la politique monétaire, comme en témoignent les mesures des conditions financières, les taux d'emprunt et les taux hypothécaires, ainsi que les prix des actions, qui sont tous devenus nettement moins favorables aux dépenses. Si certains des éléments transitoires de l'inflation s'estompent, l'inflation sous-jacente est toujours alimentée par la hausse des prix des services, des loyers et des coûts de la main-d'œuvre. La réduction de ces facteurs d'inflation sous-jacents prendra plus de temps à se manifester». M. Williams estime que l'inflation se rapprochera de la cible de 2% au cours des prochaines années.

Kwasi Kwarteng va avancer l'annonce de son plan de réduction de la dette britannique dans le but de rassurer les marchés, selon l’agence Bloomberg. Il devait auparavant publier son plan fiscal à moyen terme le 23 novembre, mais selon le FT, il sera désormais annoncé ce mois-ci. Liz Truss aura du mal à mettre en œuvre les éléments clés de son programme car sa position au sein du parti au pouvoir est compromise, selon les membres de son cabinet. La première ministre a annulé une série de propositions «à moitié cuites» de Jacob Rees-Mogg visant à réformer le marché du travail, selon le FT.

En Australie, la RBA augmente son taux d'escompte de 25 points de base à 2,6%, ce qui est inférieur au consensus de 50 points de base. «Le taux d'escompte a été augmenté de manière substantielle sur une courte période", déclare le gouverneur de la RBA, Philip Lowe. «Le conseil d'administration s'attend à une nouvelle augmentation des taux d'intérêt au cours de la période à venir», ajoute-t-il.

Le président ukrainien Volodymyr Zelenskiy déclare que la libération des colonies de l'occupation russe est désormais «la tendance», alors que ses forces s'enfoncent davantage dans la région orientale de Donetsk et cherchent à gagner du terrain dans le sud. Le Kremlin indique que les frontières de deux des quatre régions d'Ukraine revendiquées par Vladimir Poutine la semaine dernière ne sont toujours pas fixées. Les pays de l'UE s’approchent d'un accord sur un nouveau train de sanctions contre la Russie, mais les détails d'un plafonnement des ventes de pétrole à des pays tiers doivent encore être convenus. Les États-Unis annonceront dans quelques jours une nouvelle série d'aides à la sécurité pour l'Ukraine.

Au menu macro-économique du jour, aux Etats-Unis, l'enquête JOLTS sur les ouvertures de postes d'août et les commandes de biens durables d'août seront dévoilées à 16h00.  Ce matin, la banque centrale australienne a relevé ses taux d'un quart de point à 2,60%, alors que le marché prévoyait 50 points de base.

Pfizer finalise le rachat de Biohaven Pharmaceutical pour 11,6 milliards de dollars. Geely prend 7,6% d'Aston Martin Lagonda via son holding Zhejiang Geely Holding. Trump poursuit CNN (Warner Bros. Discovery) pour diffamation et demande 475 millions de dollars. Toyota Motor enregistre une baisse de 7,1% de ses ventes aux États-Unis au troisième trimestre. General Motors enregistre une croissance annuelle de 24% de ses ventes de véhicules dans le pays dans le même temps. Apple aurait perdu sa deuxième tentative de contester les brevets de Qualcomm devant la Cour suprême des États-Unis. Étrange … le patron de Diageo met en garde contre la pénurie d'eau en Écosse. Holcim finalise l'acquisition de PSNA aux Etats-Unis. Sika révise ses perspectives de croissance à la hausse. Twitter met en place un bouton "modifier" pour certains utilisateurs payants. Rivian Automotive a fabriqué 7’363 véhicules au troisième trimestre et se dit «en bonne voie» pour atteindre les objectifs annuels de production.

Cette nuit et ce matin en Asie, les indices traitent en forte hausse, en l’absence de  Hong Kong et Shanghai. Toyko progresse de 2,96% à la cloche et Séoul bondit de 2,5%. La belle clôture de Wall Street et l’annonce d’une hausse de taux plus faible qu’attendu en Australie font du bon boulot. D’ailleurs il semble que le future SPX apprécie grandement la retenue de la RBA, il décolle de 42 points ce matin alors que l’Europe ouvre en hausse de 1,3%. Le dollar est délaissé, la paire eur/usd revient à 0.9880, l’or en profite pour repasser au-dessus de 1700 dollars par once.

On peut affirmer que le quatrième trimestre débute du bon pied, mais pleeeeze, chers taureaux, n’oubliez pas Dory…

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