Gonet: l'actualité des marchés au 3 mai

Jean Frédéric Nussbaumer, Gonet & Cie

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Dow -1,08%, S&P 500 -1,16%, Nasdaq -1,08%, Russell 2000 -2,10%, SOX -0,74%, Eurostoxx -1,48%, SMI -0,12%.

Le soleil brille ce matin à Genève, la journée sera radieuse et les températures devraient flirter avec les 20 degrés. Aujourd’hui est aussi jour de Fed mais ça ne rigole pas, mais alors pas du tout sur les parquets de trading. La faute au sentiment, ce petit coquin qui repart vers le sud depuis le début de la semaine, emporté par l’émergence d’une pensée déprimante et illustrée par un mot: stagflation, une forme de cauchemar éveillé pour tout financier qui ne travaille pas chez Hindenburg Research. En bref, la stagflation est un cocktail for amer qui combine croissance économique en berne et inflation persistante. Hier c’est cette piste sur laquelle le sentiment du marché semble se laisser entrainer, les inquiétudes quant à la croissance économique américaine se faisant pressantes, le dossier du plafond de la dette des Etats-Unis ne trouvant pas d’issue heureuse et la pression vendeuse sur le secteur bancaire US, principalement les banques régionales, laissant plus d’un taureau perplexe.

C’est sans surprise que l’on assiste à un retour en force des investisseurs dans les bons du Trésor US, le 2 ans repasse à 3,95% et le 10 ans traite à 3,40% ce matin. Les craintes de ralentissement sont alimentées par des indices PMI manufacturiers pour avril dans la zone euro qui ressortent plus faibles qu'en mars, un rapport JOLTs – Job Openings Report pour mars qui montre que les ouvertures se sont réduites à 9,590 millions contre 9,974 millions en février, et une baisse de 0,6% des commandes de biens d'équipement non militaires aux Etats-Unis, à l'exclusion des aéronefs, pour le mois de mars. En parallèle, l’indice Citi Economic Surprise continue de reculer, il est considéré par beaucoup comme un indicateur avancé. La crise de confiance dans le secteur des banques régionales américaines n’est pas terminée, on dirait que le marché cherche la prochaine victime, et les craintes montantes de récession n’aident en rien ce secteur. Même topo pour le secteur de l’énergie, qui se prend les pieds dans le tapis hier soir DownTown Manhattan, en abandonnant plus de 4%. Les matières premières reculent, impactées par les craintes de… récession. Le pétrole recule à 71,59 dollars le baril de WTI Light Crude.

L’indice S&P500 (SPX) parvient à récupérer du terrain à la cloche et à défendre le niveau de 4100 points. La volatilité grignote un peu plus de terrain, le VIX gagne 10,5% à 17,78, mais c’est surtout son grand frère obligataire, le MOVE, qui progresse de 7,3% et termine sa séance à 137,55, un niveau beaucoup trop élevé pour pouvoir prétendre que le marché obligataire américain a retrouvé la sérénité. Au chapitre des secteurs, seule la consommation discrétionnaire parvient à garder la tête légèrement hors de l’eau en clôture. L’aversion au risque est donc à nouveau aux commandes mais on ne peut pas parler de peur généralisée sur la ville, voyez le dollar, qui se replie, la paire EUR/USD remonte à 1,1027. La raison de ce mouvement plutôt contre-intuitif est probablement à chercher du côté des Fed Funds, qui prédisent toujours une hausse de 25 points de base par le Fed ce soir à 20h. En revanche, pour la réunion du 14 juin, les attentes passent de 35% de probabilités d’une hausse de 25 points de base hier à zéro ce matin. Je mets une pièce sur des espoirs dans les salles de marchés que Jerome Powell entre-ouvre la porte à une pause dans le cycle de hausses de taux, l’état de l’économie des Etats-Unis semble se dégrader, des firmes commencent à annoncer des plans de licenciements importants, les IA préoccupent de plus en plus (voyez l’annonce d’IBM qui envisage de remplacer 7800 postes par des IA, la firme compte 288'000 employés) et surtout, Jerome Powell se trouve à la croisée des chemins, LE fameux moment dont l’histoire financière se souviendra. Le plus compliqué pour un banquier central, c’est de savoir s’arrêter au bon moment dans un cycle, car les effets de la politique monétaire sur l’économie réelle mettent de nombreux mois à se matérialiser, le tout étant de ne pas décider la hausse de trop, il s’agit ici d’un exercice d’équilibrisme extrêmement compliqué.

Que va nous dire le premier banquier du monde ce soir à 20h30? C’est là tout ce qui compte pour le marché. Il abordera les sujets de l’inflation, de la croissance, des banques et peut-être aussi du plafond de la dette.

Stanley Druckenmiller avertit que la crise de la dette américaine est pire qu'il ne l'avait imaginé. L'investisseur en fonds spéculatifs déclare que l'impasse sur le plafond de la dette est éclipsée par les dangers des futures dépenses gouvernementales incontrôlées, ajoutant que la Fed alimente un comportement imprudent. «C'est comme regarder un film d'horreur se dérouler», ajoute-t-il. En attendant, éviter un défaut de paiement pourrait se résumer à sept jours. C'est la durée pendant laquelle le président Biden et les membres de la Chambre des représentants et du Sénat doivent se trouver ensemble à Washington d'ici au 1er juin.

Carl Icahn, qui a fait carrière en déclenchant des bagarres d'entreprise, se retrouve de l’autre côté du miroir. Son entreprise, Icahn Enterprises, chute de 20% hier soir après que le vendeur à découvert Hindenburg Research a affirmé que l'entreprise est surévaluée et que la politique très généreuse de versements de dividendes confine au Ponzi scheme, Hindenburg prétend que l’argent frais des nouveaux investisseurs sert à rémunérer les anciens. Icahn réplique calmement en renvoyant aux précédentes déclarations publiques sur la solidité de son modèle et en ajoutant (à raison) qu’Hindenburg a surtout pour but de faire du profit sur sa position short sur l’action Icahn Enterprises.

Au menu macro-économique du jour, aux Etats-Unis, l'enquête ADP sur l'emploi (14h15) et les indices PMI (15h45) et ISM (16h00) des services permettront de patienter jusqu'à la décision de politique monétaire de la Fed à 20h00, suivie de la conférence de présentation de la décision à 20h30.

BNP Paribas double ses bénéfices au premier trimestre grâce à la vente de Bank of the West. TotalEnergies et Sinopec seraient en pourparlers avec Saudi Aramco au sujet du projet de développement gazier de Jafurah en Arabie saoudite, d'une valeur de 10 milliards de dollars, selon Bloomberg. Par ailleurs, le groupe français signe un protocole d'accord en vue du développement de deux blocs en Angola. Sanofi et Eli Lilly plafonnent les prix de l'insuline pour les personnes non assurées à New York. Advanced Micro Devices: le titre perd 6,5% hors séance après la publication de perspectives jugées décevantes par le marché. Ford: les résultats du premier trimestre sont solides grâces à des prix élevés, ce qui n'empêche pas le titre de perdre un peu de terrain après la clôture. La firme rouvre les commandes pour les modèles Mustang Mach-E et baisse les prix. Lufthansa enregistre une hausse de 40% de son chiffre d'affaires au premier trimestre. Starbucks: le titre perd 5,5% hors séance après la publication de résultats trimestriels jugés décevants. Unicredit: le bénéfice net du premier trimestre dépasse 2 milliards d’euros et les prévisions du marché. Les objectifs sont relevés. Les actions du groupe Icahn chutent de 20% après l'attaque du vendeur à découvert Hindenburg. Morgan Stanley serait en train de discuter d'un accord transactionnel avec les autorités américaines dans l'enquête sur les «block trade». Les CEO de Google et de Microsoft OpenAI participeront à une réunion sur l'IA à la Maison Blanche.

Cette nuit et ce matin en Asie, les indices qui ont bien voulu ouvrir se replient, impactés par la faiblesse de Wall Street. Tokyo et Shanghai sont fermées, Hong Kong recule de 1,45% et Séoul abandonne 0,91%. Le future SPX récupère 8 points et l’Europe ouvre en hausse de 0,6%. Les volumes d’échanges devraient rester limités jusqu’à 20h.

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